Bonjour et bienvenue à toutes et à tous. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Carole Gutiérrez dans ce podcast hebdomadaire qui va partager avec nous son expérience sur la maternité.
Carole, je te laisse te présenter à ta manière.
Merci pour ton invitation. J’ai 38 ans, je suis maman de deux enfants, un garçon de 11 ans et une petite fille de 8 ans. Mon parcours m’a menée à m’engager dans une mission essentielle : lever le tabou du cycle menstruel dans notre société.
Dans cette optique, j’ai créé ma propre marque d’infusions dédiées au cycle menstruel, Rosy et Ida. Par la suite, j’ai souhaité étendre mon action au monde professionnel, en devenant consultante en bien-être menstruel en entreprise. C’est un métier qui peut surprendre, mais qui prend de plus en plus d’ampleur et répond à un besoin croissant dans notre société.
Déconstruire les idées reçues sur la maternité
Merci pour cette présentation ! La notion de consultante en bien-être menstruel est encore peu connue, mais elle devient plus présente, notamment dans les milieux féministes. J’ai d’ailleurs déjà abordé ce sujet avec une autre invitée, Eloïse Bouilloud.
Mais aujourd’hui, nous allons parler de la maternité et de ton expérience personnelle. Pour commencer, que représente pour toi la maternité ?
C’est une question complexe, car la maternité évoque une multitude de sentiments contradictoires. Si je devais l’imager, je dirais que c’est comme un voyage : on connaît la destination, ou du moins on se donne une direction, mais on ne sait jamais quelles expériences on va traverser, quels défis on devra relever. C’est ce qui rend chaque parcours unique.
Nous avons souvent une vision très idéalisée de la maternité. Comment perçois-tu cette image véhiculée par la société ?
Pour moi, c’est un tabou. On ne vit pas qu’une seule émotion pendant la maternité. On traverse des moments de fatigue, d’épuisement, mais aussi des instants de bonheur intense. Pourtant, l’image qui nous est imposée est lisse et magique, ce qui crée un réel décalage entre les attentes et la réalité.
Sur les réseaux sociaux, on voit des représentations parfaites de la maternité, mais ce n’est pas toujours fidèle à la réalité. D’ailleurs, ton propre parcours a été marqué par des épreuves. Tu as été malade en fin de grossesse et ton fils aussi a eu des complications à la naissance. Peux-tu nous en parler ?
Effectivement, je suis tombée de haut. J’ai eu mon premier enfant à 26 ans, une grossesse désirée, car j’ai toujours voulu être maman. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
J’ai souffert d’une prééclampsie en fin de grossesse, une complication qui peut être grave. Par précaution, les médecins ont déclenché l’accouchement à 8 mois de grossesse. Ce n’était pas une naissance extrêmement prématurée, mais cela a chamboulé tous mes projets. J’ai ressenti une grande déception, car j’avais imaginé une toute autre expérience.
Mon fils est né avec un problème sanguin grave, ce qui a engagé son pronostic vital. Plutôt que de rentrer à la maison, nous avons été hospitalisés immédiatement. Pendant un mois, nous avons vécu un véritable cauchemar à l’hôpital, enchaînant examens et traitements.
À notre sortie, je me suis retrouvée seule avec un nouveau-né fragile, tout en essayant de me remettre de cette épreuve. J’avais subi une succession de chocs et de traumatismes et, malgré cela, il fallait que je sois immédiatement présente et disponible pour mon enfant.
Je peux imaginer à quel point ce fut éprouvant. Revenir à une vie normale alors que ton corps et ton esprit n’avaient pas eu le temps de cicatriser a dû être extrêmement difficile.
Exactement. Je me suis sentie submergée par les responsabilités, alors que je n’avais pas eu l’espace nécessaire pour me reconstruire. La maternité, dans ces conditions, prend une dimension très différente de l’image qu’on en donne généralement.
Comprendre la prééclampsie et ses impacts sur la maternité
Tu as mentionné ta prééclampsie en fin de grossesse, mais pour les personnes qui nous écoutent et qui ne connaissent pas cette maladie, pourrais-tu nous expliquer ce que c’est ? Est-ce que cela a un lien avec la maladie de ton fils ?
Non, il n’y a aucun lien entre ces deux pathologies, mais elles ont profondément marqué mon expérience de la maternité. La prééclampsie est une complication de grossesse qui se manifeste par une hypertension artérielle associée à un excès de protéines dans les urines, ce qui met les reins à rude épreuve. Cette maladie peut avoir de graves conséquences, car elle affecte aussi bien la santé de la mère que celle du bébé.
Le problème avec cette maladie, c’est qu’elle est difficile à détecter. Les symptômes peuvent sembler anodins : prise de poids, fatigue… autant de signes qui sont courants pendant la maternité. Dans mon cas, tout a basculé lors d’un simple contrôle de routine. Ma sage-femme m’a trouvée fatiguée, gonflée, et en prenant ma tension, elle a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. J’ai été envoyée directement à l’hôpital, sans même avoir le temps de rentrer chez moi.
Les complications de son fils
Et concernant la maladie de ton fils, peux-tu nous en dire plus ?
Mon fils a souffert de thrombopénie, une maladie qui affecte les plaquettes sanguines, empêchant une bonne coagulation. Lorsqu’on parle de la maternité, on imagine rarement ces aspects médicaux complexes, mais ils font partie des réalités que certaines mères doivent affronter.
Dès sa naissance, les médecins ont détecté son manque de plaquettes, ce qui signifiait que le moindre saignement pouvait être très dangereux pour lui. Cette situation a rendu mes premiers jours de maternité particulièrement stressants. Pendant trois semaines, il a reçu des soins intensifs, et je devais gérer l’angoisse permanente de savoir s’il allait s’en sortir.
J’avais imaginé la maternité comme une période de bonheur et de découverte, mais je me suis retrouvée plongée dans une réalité bien plus éprouvante. Ce qui a été difficile, c’est l’absence de réponses claires. On ne savait pas pourquoi il développait cette pathologie, et ce manque de contrôle total sur la situation a été l’un des aspects les plus durs pour moi.
La maternité et l’apprentissage du lâcher-prise
Tu parlais de lâcher-prise, mais comment as-tu réussi à le faire face à ces épreuves ?
Honnêtement, je ne l’ai pas fait à l’époque. J’ai accouché en 2013, et je me suis retrouvée totalement démunie. En sortant de l’hôpital, il fallait tout de suite assumer mon rôle de mère, comme si rien ne s’était passé.
Dans la maternité, on nous apprend que tout doit être merveilleux. Mais quand on vit une grossesse difficile, ce n’est pas si simple. J’avais cette impression qu’on attendait de moi que je sois heureuse immédiatement, sans prendre en compte les traumatismes que j’avais vécus.
La réalité de la maternité, c’est qu’on n’a pas toujours le contrôle. Mon fils est né malade, et je n’ai rien pu faire pour l’en empêcher. C’était une leçon brutale sur le fait que la vie d’un enfant ne dépend pas uniquement de l’amour qu’on lui porte, mais aussi d’une multitude de facteurs indépendants de notre volonté.
La santé mentale des jeunes mamans
En plus de la difficulté de lâcher prise, comment as-tu vécu cette période sur le plan de la santé mentale ?
Très mal, mais sans en parler. En 2013, la parole sur la santé mentale des mères n’était pas du tout libérée. On parlait à peine du postpartum, et encore moins du baby blues ou de la dépression post-partum. Pourtant, ces aspects sont indissociables de la maternité.
J’avais 26 ans, et autour de moi, peu de femmes avaient déjà vécu la maternité. Mon entourage était composé de mamans d’une autre génération, qui avaient une vision plus traditionnelle du rôle maternel. Lorsque j’évoquais mes difficultés, j’avais souvent droit à des phrases comme :
« Ton enfant va bien, c’est le plus important. »
Bien sûr, la santé de mon fils était primordiale, mais cette phrase sous-entendait que mes propres émotions n’avaient pas d’importance. C’est un énorme tabou dans la maternité : on attend des mères qu’elles s’effacent totalement derrière leur enfant, alors qu’elles sont, elles aussi, en pleine transformation physique et émotionnelle.
J’aurais aimé que l’on me dise qu’il est normal d’avoir peur, d’être triste, d’être fatiguée, et que la charge mentale de la maternité ne s’arrête pas après l’accouchement.
Ce que tu décris est un sentiment que beaucoup de femmes ressentent, mais dont on parle encore trop peu…
Exactement. La maternité est souvent représentée de façon idéalisée, alors qu’en réalité, c’est une période pleine de contrastes.
J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que ce que j’avais vécu était légitime. La maternité, ce n’est pas simplement accueillir un enfant, c’est aussi un bouleversement identitaire, un apprentissage permanent. On ne naît pas mère du jour au lendemain, on le devient à travers nos expériences, nos doutes et nos victoires.
Pourquoi moi, je n’arrive pas à être heureuse alors que je devrais l’être, puisque j’ai mon bébé ? Cette question me hantait. La maternité, censée être un moment de bonheur, était pour moi un mélange de douleur et d’incompréhension. Heureusement, mon compagnon était là, même si nous n’avons pas du tout vécu les choses de la même manière.
Lui n’a pas été malade, donc il a subi cette période différemment. Il était dans un rôle de soutien, mais ne pouvait pas comprendre l’impact physique et psychologique que cette épreuve avait eu sur moi. C’est finalement une sage-femme qui a perçu ma détresse. Huit mois après mon accouchement, elle a remarqué que j’avais perdu beaucoup de poids et m’a simplement demandé : « Est-ce que ça va de votre côté ? »
À ce moment-là, j’ai réalisé que la maternité ne se limitait pas à la naissance d’un enfant. C’était aussi une épreuve pour moi, en tant que femme. Cette sage-femme a compris que je n’arrivais pas à tourner la page, que je revenais sans cesse sur mon accouchement. Pourtant, j’avais repris le travail, j’étais censée être passée à autre chose. Mais la maternité laisse des traces bien au-delà de l’accouchement.
Elle m’a alors conseillé de voir une psychologue. Avec le recul, je me demande pourquoi je n’y avais pas pensé moi-même, et surtout pourquoi personne ne m’avait orientée vers cette solution. À l’hôpital, toute l’attention était tournée vers mon fils, ce qui est compréhensible. Mais personne ne s’est inquiété de mon état émotionnel, alors que j’avais perdu énormément de poids et que je ne respirais pas la joie de vivre.
Quand j’ai finalement vu une psy, il n’a pas fallu beaucoup de séances pour que je me sente mieux. Ce qui m’a le plus soulagée, c’était d’être écoutée, de pouvoir exprimer ce que je ressentais.
Elle m’a dit quelque chose qui m’a marquée :
« Ce que vous avez vécu est difficile, c’est un choc. Et même si vous n’aviez pas vécu tout cela, la maternité en elle-même est un bouleversement. C’est normal de ressentir tout cela. »
Juste entendre ces mots a eu un effet libérateur. La maternité, c’est une nouvelle configuration familiale, un rythme totalement différent, une transformation identitaire. À ce moment-là, j’ai compris que je ne devais pas culpabiliser d’avoir ressenti autant de difficultés dans cette transition.
Se reconstruire après une grossesse difficile
Je suis vraiment heureuse que cette sage-femme t’ait mise sur cette voie et que tu aies pu te libérer de ce poids. Après ces deux séances, tu as continué le travail seule. Comment as-tu fait pour cheminer vers un mieux-être ?
Il y a eu plusieurs étapes clés. L’une des plus importantes a été la reconnexion à moi-même, et notamment à ma féminité. La maternité, surtout lorsqu’elle est compliquée, peut créer une cassure avec son propre corps.
J’ai réalisé que cette grossesse, qui avait été une épreuve, avait provoqué une rupture dans mon intimité. Avec mon conjoint, nous avons traversé une période difficile, où il était compliqué de retrouver une connexion physique et émotionnelle.
Ce n’était pas une fracture dans notre couple, car nous nous étions soudés face aux épreuves. Mais la sexualité et l’intimité avaient été mises de côté. Et je pense que cela arrive à beaucoup de femmes, même si on en parle très peu. La maternité transforme tout, y compris le rapport à son propre corps et à son désir.
J’ai aussi dû accepter que ma maternité soit une déception. C’est très dur à dire, mais c’est une réalité pour certaines femmes. On nous vend l’image d’une maternité idéale, mais accepter que ce ne soit pas le cas est une étape essentielle dans la reconstruction.
Rompre le tabou de la maternité et de l’intimité
Tu as mentionné l’importance de ne pas vivre cela seule. Comment as-tu réussi à renouer le dialogue avec ton conjoint ?
Le tabou ne concerne pas seulement la société, ni même nos proches. Parfois, il s’installe au sein du couple lui-même. Mon conjoint a commencé à aller mieux plus rapidement que moi, car nous n’avions pas vécu cette maternité de la même manière.
Mais moi, je n’osais pas lui dire que je n’allais pas bien. Je faisais semblant, je continuais d’avancer, mais intérieurement, j’étais épuisée.
Ce qui m’a aidée, c’est le premier pas vers lui : oser lui dire ce que je ressentais, être transparente sur mes émotions. Et en brisant cette barrière, j’ai pu commencer à retrouver une connexion avec lui.
Puis, il y a eu un travail plus personnel, celui de me réapproprier mon corps. La maternité avait profondément modifié mon rapport à mon image, à ma féminité, et même à mon désir.
Petit à petit, j’ai compris que je devais me reconstruire à mon rythme, sans pression. J’ai commencé par écouter mes propres besoins, puis j’ai pu réintégrer progressivement une intimité de couple. Ce fut un processus essentiel pour me sentir plus forte, et surtout, en paix avec mon expérience de la maternité.
La maternité et la difficulté de se reconnecter à son corps
Je suis vraiment heureuse d’apprendre que tu as pu retrouver une certaine sérénité. Ce que tu dis ne m’étonne pas : la maternité transforme complètement le corps et l’esprit. Même sans avoir vécu une grossesse moi-même, je me dis que lorsque l’on accouche, notre corps change profondément. On doit s’adapter à un nouveau rythme, potentiellement à l’allaitement, et tout cela s’ajoute à la fatigue et à la charge mentale de la maternité.
Ce que j’ai aussi retenu de ton témoignage, c’est que toi et ton conjoint n’étiez pas dans le même rythme de reconstruction. Lui a vécu cette situation, mais différemment, car il n’a pas subi les mêmes épreuves physiques et émotionnelles.
Exactement. La maternité, dans mon cas, a été une épreuve médicale et psychologique, alors que pour lui, c’était davantage une épreuve émotionnelle. Ce décalage entre nos vécus a influencé notre façon d’avancer et de nous reconstruire.
J’ai aussi réalisé à quel point, dans notre société, on ne prend pas toujours le temps de se reconnecter à soi-même. On est constamment poussées à aller vite, à reprendre le travail, à redevenir productives, alors que la maternité exige un véritable temps d’adaptation. Ce n’est pas seulement l’arrivée d’un enfant, c’est aussi une transformation de soi.
Les injonctions sociales et la déconnexion au corps après la maternité
Ce que tu dis résonne particulièrement. On vit dans une société où la productivité prime sur tout, et où l’on ne nous apprend pas à écouter notre corps. La maternité, qui est une période de transformation profonde, est souvent perçue comme un moment où l’on doit s’oublier au profit du bébé.
Oui, et je l’ai ressenti très fortement. La maternité demande une écoute de soi, mais on est souvent tellement préoccupées par les attentes extérieures qu’on ne prend pas ce temps.
J’ai compris cela en observant aussi la place du cycle menstruel dans nos vies. Il existe par exemple la symptothermie, une méthode de contraception naturelle qui repose sur l’écoute de son cycle.
Se reconnecter à son cycle après la maternité
Tu fais référence à la symptothermie, qui consiste à observer son corps et son cycle menstruel pour identifier les périodes de fertilité.
Oui, exactement. La symptothermie repose sur plusieurs indicateurs naturels comme la température basale et l’observation de la glaire cervicale. Cela permet de mieux comprendre son cycle et d’adapter sa contraception.
C’est quelque chose que j’aimerais essayer, mais je n’y suis pas encore prête. C’est un de mes objectifs pour 2025. Pour moi, cette méthode représente le summum de la connexion à son corps. Et après une maternité, je trouve cela particulièrement intéressant, car elle permet de se réapproprier son corps, ce qui n’est pas toujours facile après un accouchement.
Ce que tu dis est passionnant. La contraception est une grande responsabilité qui repose souvent sur les femmes. Déjà, la maternité représente une charge immense, et en plus, on doit porter le poids de la gestion de notre fertilité.
Oui, et c’est une charge importante. Après la maternité, beaucoup de femmes cherchent une méthode qui leur correspond, mais aucune contraception n’est parfaite. J’ai testé plusieurs solutions, sauf la symptothermie, et je n’ai pas encore trouvé celle qui me convient à 100 %.
Le sujet est très complexe, car après une maternité, le corps peut changer, les cycles peuvent être différents, et il faut réapprendre à écouter ses besoins. Je pense que ce serait une avancée si les hommes prenaient aussi leur part dans cette charge.
Tu as raison. La gestion du cycle et de la contraception ne devrait pas être qu’une responsabilité féminine. Cela pourrait aussi être une démarche de couple, comme une continuité de la maternité et du lien qui unit les parents.
Absolument. La symptothermie, par exemple, pourrait être une pratique partagée. Cela renforcerait la communication et la complicité dans le couple.
Puisque nous avons abordé le sujet du cycle menstruel, j’aimerais que tu nous expliques comment tu en es venue à t’intéresser au bien-être menstruel. Il me semble que c’est lors d’un voyage autour du monde que tu as trouvé ta voie dans ce domaine ?
Oui, tout à fait ! En 2018, avec mon conjoint et nos deux enfants, qui avaient alors cinq et deux ans, nous avons décidé de tout quitter : la France, nos emplois, notre quotidien… pour partir faire un tour du monde.
C’est à ce moment-là que j’ai arrêté la pilule contraceptive, par peur de la perdre en route. Ce qui devait être une simple décision logistique s’est transformé en une révélation sur mon propre corps et ma relation avec mon cycle.
Découvrir son cycle menstruel après la maternité
Lorsque nous sommes partis en tour du monde, j’ai dû arrêter la pilule contraceptive par peur de la perdre en voyage. Ce qui devait être une simple précaution logistique s’est transformé en une véritable révélation.
J’ai découvert mon cycle menstruel comme je ne l’avais jamais fait auparavant. À part les règles et l’ovulation, je n’y connaissais pas grand-chose. Pourtant, après la maternité, comprendre son cycle peut être une ressource précieuse. J’ai alors pris le temps de m’observer, d’analyser l’impact de mon cycle sur mon énergie, ma motivation, ma libido et même sur mon bien-être général.
Cette découverte m’a fait réaliser à quel point la maternité et le cycle menstruel sont liés. Après un accouchement, le corps met du temps à retrouver son équilibre, et pourtant, on ne nous apprend presque rien sur ce processus naturel.
Quand je suis rentrée en France, j’étais habituée par ce sujet et j’avais envie d’en parler autour de moi. Mais j’ai vite compris à quel point le cycle menstruel reste tabou, tout comme la maternité et ses réalités parfois complexes.
Dès que je mentionnais le sujet, on me répondait que cela devait rester intime, privé, que c’était un truc de femmes dont il ne fallait pas trop parler.
J’ai trouvé cela dommage. Nous avons grandi avec une perception négative du cycle menstruel, comme si c’était une contrainte, alors qu’en réalité, il s’agit d’un véritable atout lorsqu’on apprend à l’écouter. La maternité et le cycle menstruel sont intimement liés, et pourtant, ils sont encore entourés de silences et de tabous.
Face à cette frustration, j’ai voulu partager mes découvertes.
J’ai ouvert un blog pour parler de mes observations et j’ai été impressionnée par le nombre de femmes qui se sont confiées à moi. Cela a créé une libération de la parole, un espace où chacune pouvait exprimer ses expériences et ses difficultés.
La douleur menstruelle revenait souvent dans les témoignages. Ayant grandi avec des parents herboristes, j’avais toujours eu un lien fort avec les plantes. Plutôt que d’utiliser uniquement des antalgiques ou des hormones, j’ai voulu explorer des solutions plus naturelles.
C’est ainsi qu’est née ma marque d’infusions pour le cycle menstruel, conçue pour aider celles qui souffrent de douleurs, de cycles irréguliers ou de syndromes prémenstruels difficiles. Pour moi, cela faisait totalement sens après la maternité : beaucoup de femmes cherchent à rééquilibrer leur corps après un accouchement, et les solutions naturelles peuvent être un véritable soutien.
Devenir consultante en bien-être menstruel après la maternité
Un jour, une entreprise m’a contactée.
Ils faisaient partie des entreprises pionnières qui commencent à aborder le sujet des menstruations au travail. Ils m’ont proposé d’animer une conférence pour aider à briser le tabou des règles en entreprise.
L’idée était de déconstruire les idées reçues et de comprendre pourquoi les menstruations sont encore perçues comme quelque chose de sale ou d’inapproprié.
J’ai accepté, bien que j’aie eu très peur au début. Finalement, cela a été une expérience incroyable. J’ai réalisé que les entreprises aussi avaient besoin de ces conversations, que ces sujets impactent non seulement la vie personnelle, mais aussi la vie professionnelle.
C’est ainsi que j’ai décidé de me tourner vers la consultance et d’accompagner les entreprises à intégrer le bien-être menstruel dans leurs politiques RH. Pour moi, c’était une évolution logique après mon propre cheminement personnel autour de la maternité et du cycle menstruel.
Pourquoi les règles et la maternité restent tabous ?
C’est fascinant de voir comment ton parcours a évolué, mais cela pose une question importante : Pourquoi parle-t-on si peu des règles aujourd’hui ?
C’est un mécanisme très ancien, profondément ancré dans notre culture et nos croyances.
Si on prend l’exemple du mot « hystérie », il vient du mot « utérus ». Pendant longtemps, on a associé les émotions des femmes à leurs hormones, comme si leur colère, leur tristesse ou leurs protestations étaient uniquement dues à des déséquilibres hormonaux.
Ce genre de croyances a contribué à discréditer les femmes, en faisant de leur corps un sujet irrationnel et incontrôlable. La maternité a subi le même type de mécanismes : on attend des mères qu’elles soient toujours épanouies, toujours disponibles, et qu’elles ne parlent jamais des difficultés qu’elles traversent.
Pendant très longtemps, les règles ont été perçues comme quelque chose de sale, un phénomène qu’il fallait cacher et ne pas mentionner. Ce tabou s’est installé profondément dans notre société, et il touche aussi la maternité : les réalités du corps féminin, qu’il s’agisse des menstruations ou des transformations après un accouchement, sont encore souvent passées sous silence.
Il suffit d’observer les publicités sur les protections menstruelles. Aujourd’hui, les mentalités évoluent peu à peu, mais il y a encore 20 ou 30 ans, on voyait du sang bleu dans les publicités, comme si le sang menstruel était trop dérangeant pour être montré.
Même le terme « protection hygiénique » véhicule une idée négative : il sous-entend que les règles seraient sales, qu’il faudrait s’en protéger. Ces messages inconscients contribuent à renforcer le tabou.
On retrouve le même schéma autour de la maternité : tout ce qui concerne le corps des femmes est soit idéalisé, soit caché, rarement abordé de manière réaliste et bienveillante.
C’est fascinant, et c’est vrai que je n’avais jamais fait attention à ces formulations. On les entend depuis toujours, et on finit par les intégrer sans questionner leur signification.
Exactement. Le langage façonne nos perceptions. On utilise des euphémismes comme « les ragnagnas », « les Anglais qui débarquent », autant d’expressions qui dévalorisent les règles et les rendent presque honteuses.
Il en va de même pour la maternité. On parle de la grossesse et de l’accouchement de manière merveilleuse, mais on évoque peu la charge mentale, la fatigue extrême, ou encore les douleurs post-partum.
Tout cela contribue à isoler les femmes dans leur expérience. Elles se sentent anormales si elles ne vivent pas la maternité comme un moment exclusivement heureux, tout comme elles ont appris à taire leurs douleurs menstruelles.
Tu as totalement raison. C’est d’autant plus absurde que les règles sont un phénomène biologique naturel, tout comme la maternité. Pourtant, il y a encore beaucoup de méconnaissance sur ces sujets.
Absolument. Aujourd’hui, plus de la moitié de l’humanité a ses règles, et pourtant, on continue à en parler comme d’un sujet tabou.
Une partie du problème vient du manque d’éducation menstruelle. Nous avons bien un cours en quatrième ou en troisième qui nous explique les organes reproducteurs, mais cela ne suffit absolument pas à comprendre le cycle dans son ensemble.
Ce serait formidable d’avoir une véritable éducation menstruelle, qui permette de mieux comprendre son corps, que ce soit dans le cadre des menstruations ou après la maternité, lorsque le cycle reprend parfois de manière complètement différente.
Comprendre le cycle menstruel après la maternité
Tu as parlé du manque de compréhension du cycle menstruel. Pour celles et ceux qui nous écoutent et qui ne sont pas forcément familiers avec son fonctionnement, peux-tu nous expliquer de manière simple ce qu’est un cycle menstruel ?
Bien sûr ! Déjà, un point important : le cycle ne dure pas forcément 28 jours. C’est un cliché très répandu. En réalité, il peut varier entre 21 et 35 jours, et cela dépend de chaque femme.
Pour rendre cela plus accessible, j’aime utiliser la métaphore des saisons. Cela permet d’imaginer le cycle comme une météo intérieure, avec des variations d’énergie et d’émotions.
Les quatre saisons du cycle menstruel
L’hiver : Les règles
C’est la phase menstruelle, le moment où le corps évacue la muqueuse utérine. On peut ressentir une baisse d’énergie, un besoin de repos. Après la maternité, cette phase peut être différente, car le corps doit réapprendre à fonctionner selon un nouveau rythme hormonal.
Le printemps : La phase folliculaire
C’est le retour de l’énergie. Le taux d’œstrogènes augmente, on se sent plus dynamique, plus créative. C’est une période où l’on peut retrouver confiance en soi, ce qui est particulièrement important après une maternité.
L’été : L’ovulation
C’est la période où l’ovule est libéré. On est souvent au pic de notre énergie, plus sociable, plus confiante. Après une grossesse, certaines femmes ressentent un changement dans cette phase, avec parfois des ovulations plus marquées ou plus irrégulières.
L’automne : La phase lutéale
C’est la phase qui précède les règles, souvent marquée par le syndrome prémenstruel (SPM). Les progestérones augmentent, ce qui peut provoquer fatigue, irritabilité, baisse de motivation. Cette phase peut être intensifiée après une maternité, car les hormones mettent parfois plus de temps à retrouver leur équilibre.
Comprendre ces quatre phases permet de mieux anticiper son énergie et ses émotions. Après une maternité, cela peut aider à retrouver un équilibre, en acceptant que le corps ait besoin de temps pour se réajuster.
Pourquoi mieux comprendre son cycle après la maternité est essentiel
Ce que tu expliques est passionnant, et je pense que cela peut aider beaucoup de femmes à mieux vivre leur cycle, notamment après une maternité où l’on peut se sentir perdue face à tous ces changements.
Exactement. Après une maternité, beaucoup de femmes ressentent une perte de connexion avec leur corps. On nous dit qu’après un accouchement, tout va se remettre en place tout seul, mais en réalité, cela peut prendre plusieurs mois, voire années.
Se réapproprier son cycle après une maternité, c’est aussi retrouver une connexion à soi, mieux comprendre son énergie, et ne plus subir ses variations hormonales mais plutôt les utiliser comme une force.
La maternité : une joie qui ne devrait pas devenir un poids au travail
Il y a une vraie méconnaissance des étapes importantes de la vie des femmes, et même en tant que femme, on ne connaît pas forcément bien ces sujets. Cela concerne aussi la ménopause, tout comme la maternité. On subit des changements sans y être préparées, simplement parce qu’on n’a jamais été formées à les vivre sereinement.
Le travail des entreprises est donc crucial. Et cela commence par des choses simples : ouvrir le dialogue, sensibiliser, écouter. Ce sont déjà des pas importants pour mieux comprendre l’autre, accompagner les collaboratrices dans ces étapes de vie, et surtout éviter les discriminations.
Car oui, en entreprise, on peut être discriminée à cause des règles, de l’endométriose, de la ménopause… et bien sûr, à cause de la maternité.
La première étape, c’est de débunker tous ces tabous. Il faut apporter des connaissances, remettre du bon sens, éveiller les consciences. Cela peut se faire à travers des podcasts, des échanges, des formations, des politiques RH concrètes.
Je me souviens d’une statistique citée dans mon tout premier épisode de podcast : 80 % des inégalités femmes-hommes trouvent leur origine dans des phases de vie comme la grossesse ou la parentalité. Ce n’est pas surprenant. Ces moments, pourtant fondamentaux, sont souvent vécus comme un fardeau à porter plutôt qu’un sujet à intégrer naturellement.
Et pourtant, la maternité, c’est quelque chose de beau. C’est ce qui permet au monde de continuer. Sans enfants, il n’y aurait plus rien. Mais ce moment heureux est souvent alourdi par des questions angoissantes : comment cela va-t-il être perçu par l’entreprise ? Comment vont-ils s’organiser pendant mon absence ? Vais-je retrouver mon poste dans les mêmes conditions ? Vais-je être mise à l’écart à mon retour ?
C’est aux entreprises de s’adapter, pas aux femmes
Ce sont les entreprises qui doivent s’adapter à la réalité de la maternité, pas l’inverse. Le monde tourne avec des femmes qui un jour auront peut-être des enfants. C’est une réalité biologique et sociale, et cela doit être pleinement pris en compte dans l’organisation du travail. Il est temps de remettre de l’humain dans les parcours professionnels.
Il faut aussi se rappeler que l’arrivée des femmes dans le monde du travail est récente. C’est pendant les guerres mondiales qu’elles ont commencé à occuper des postes, car les hommes étaient au front. Avant cela, la norme était : l’homme travaille, la femme reste à la maison.
Même l’accès à l’autonomie financière a été tardif. L’ouverture d’un compte bancaire par une femme sans l’autorisation de son mari date seulement de 1965 en France. Ce n’est pas si ancien, et pourtant, certaines entreprises n’ont toujours pas adapté leurs pratiques à cette réalité historique.
Il faut dire que ce sont des sujets qui dérangent. Des sujets dont on ne veut pas s’occuper. Sinon, les choses auraient évolué bien plus rapidement. Mais si c’étaient les hommes qui donnaient la vie, il est probable que les mesures d’accompagnement autour de la maternité auraient été bien plus nombreuses, bien plus tôt.
Tout cela s’inscrit aussi dans un modèle économique capitaliste où l’humain est souvent relégué au second plan. On cherche la rentabilité, la productivité, au détriment du bien-être. Pourtant, prendre le temps, penser durablement, tenir compte des phases naturelles de la vie — comme la maternité ou la ménopause —, c’est cela qui rend une société humaine.
Avec la technologie, on ne voit plus les humains derrière les objets. On ignore tout le travail invisible, les souffrances, les ressources extraites. On met des œillères sur beaucoup de sujets. Mais ça ne les fait pas disparaître.
Briser le tabou de la maternité et du postpartum
Même si les choses évoluent, je pense que l’égalité mettra encore énormément de temps à se construire. Quand je repense à mon vécu, surtout après ma première maternité, j’ai vraiment eu l’impression de revenir de loin. Je ne saurais pas dire si c’était une dépression post-partum, mais c’était très dur.
Je me suis jurée de ne plus nourrir ce tabou. De ne plus entretenir l’image idéalisée de la maternité, celle qu’on voit partout, qui ne reflète pas ce que beaucoup de femmes vivent réellement.
Aujourd’hui, dans mon cercle d’amies, je suis un peu celle qui dit les choses franchement. Quand l’une d’elles tombe enceinte, mon objectif, ce n’est pas de casser l’image qu’elle s’en fait, mais de la préparer. Oui, c’est une belle aventure, la maternité, mais il y aura des bouleversements, des jours plus faciles que d’autres. Et c’est normal.
Je tiens à normaliser ce qu’on traverse. Ce qu’on voit sur les réseaux — les maisons parfaitement rangées, les enfants bien coiffés, les mères rayonnantes — ce n’est pas la vraie vie.
Je me souviens de ce moment, juste après la naissance de mon fils. J’étais encore très fatiguée, je sortais d’une maladie difficile, et un jour, à 15h, j’étais toujours en pyjama, pas douchée, assise, à me dire : « Je suis nulle. Comment font les autres ? »
Mon conjoint avait repris le travail, et je me suis retrouvée seule, dans ce rôle de maman, un rôle qui n’a rien d’improvisé, mais qui peut être extrêmement lourd à porter.
Avec mon deuxième enfant, j’ai eu une approche complètement différente. Maintenant, je dis à mes copines : ce n’est pas grave. Si tu n’es pas douchée à 15h, ce n’est pas grave. Si ton enfant a mangé, bu, dormi, que tu fais de ton mieux, alors tu peux souffler. Tu rangeras plus tard.
J’ai compris qu’il faut être bienveillante avec soi-même, se traiter comme sa propre meilleure amie. On se met beaucoup trop la pression. On oublie qu’on n’a qu’une seule vie, qu’on est humaines, qu’on a des failles, comme tout le monde.
Le problème, c’est que la santé mentale dans le postpartum reste encore beaucoup trop taboue. Comme on idéalise la maternité, on n’ose pas dire quand ça va mal. On ne se sent pas légitime dans notre souffrance.
Quand j’ai commencé à en parler autour de moi, on m’a dit :
« Ça va passer. »
« Pense à autre chose. »
« Serre les dents. »
C’est pareil pour la reprise de la sexualité : « T’inquiète pas, ça va revenir. »
Mais tout cela empêche de dire ce qu’on ressent vraiment.
Partager ce qu’on vit, c’est essentiel. On réalise qu’on n’est pas seule. Et aujourd’hui, je veux être dans cette posture-là : ne rien cacher. Ça ne veut pas dire tout dévoiler, mais parler honnêtement de la maternité, du postpartum, des difficultés, sans culpabilité.
Parce que quand on sait ce qui nous attend, on ne vit pas les choses de la même manière.
Il y a une statistique glaçante que je voulais partager :
La première cause de mortalité dans la première année après l’accouchement, c’est le suicide.
Ça veut dire qu’il y a un vrai sujet, une urgence absolue à briser le silence autour de la santé mentale liée à la maternité.
Quand une femme en vient à une telle extrémité, c’est qu’il n’y a pas eu de main tendue, pas d’espace pour s’exprimer. J’espère vraiment que ça va changer, que les chiffres vont baisser, que la parole se libérera.
Et puis, on continue aussi à minimiser la parole des femmes, à leur dire « laisse passer », « serre les dents », parce que c’est ce que les générations d’avant ont entendu. Elles n’ont pas appris à parler de leurs émotions. À leur époque, ce n’était pas permis.
On leur a appris à tout supporter en silence. Le divorce, par exemple, était mal vu. Quand tu étais en couple, c’était pour la vie.
Alors, non, ce n’était pas mieux avant.
Et aujourd’hui, on a le droit de faire autrement.
Faire du mieux qu’on peut, sans pression inutile
Je me rends compte que cette injonction à « serrer les dents », à faire bonne figure, ne s’arrête pas à la maternité. Elle continue bien au-delà du postpartum, dans toutes les dimensions de la vie des femmes.
Par exemple, on nous a tellement souvent dit que c’était normal d’avoir mal pendant ses règles. Le nombre de fois où je l’ai entendu… Et pourtant, beaucoup de femmes souffrent en silence, mobilisent une énergie énorme pour aller travailler, gérer le quotidien, sourire, tout en étant pliées en deux de douleur.
Mais comme toujours, on ne dit rien. On continue. Parce qu’on nous a appris à ne pas nous plaindre, à minimiser nos douleurs, à rester discrètes. Et ça, malheureusement, ce n’est pas seulement culturel ou générationnel : c’est encore profondément présent aujourd’hui.
C’est exactement la même chose qu’avec la maternité. On dit que toutes les femmes sont passées par là, qu’on n’en est pas mortes. Alors, on avance, on se tait, on s’adapte.
Je repense à une vidéo qu’on m’a racontée. On faisait manger un yaourt salé à des enfants. Les petits garçons, eux, recrachaient immédiatement en disant que c’était dégoûtant. Les petites filles, elles, serraient les dents, continuaient, parfois jusqu’au bout, en s’excusant presque de ne pas aimer.
Et ça dit tout. Dès l’enfance, on apprend aux filles à s’effacer, à ne pas déranger, à rester polies, même quand ça fait mal, même quand ce n’est pas juste.
Cette éducation genrée, elle continue partout : dans la rue, à la maison, à l’école, dans les bulletins scolaires. Quand un garçon a 13/20, on dit qu’il a du potentiel. Quand une fille a 13, on lui dit qu’elle peut mieux faire.
On attend plus des filles, mais on leur laisse moins de marge, moins de bruit, moins d’espace. Elles doivent être discrètes, efficaces, appliquées, parfaites. Et tout ça, ça se retrouve aussi dans la maternité. On veut des mères parfaites, organisées, douces, patientes… et surtout silencieuses.
Je le vois encore aujourd’hui dans mes interventions. J’en parle souvent. C’est essentiel de changer les choses dès l’enfance. Oui, c’est important d’expliquer les règles aux filles, qu’elles comprennent ce qui se passe dans leur corps. Mais c’est aussi fondamental d’éduquer les garçons.
S’ils grandissent en voyant leur mère ou leur sœur parler des règles librement, sans honte ni gêne, ils intégreront naturellement que ce n’est pas un tabou. Et plus tard, au travail, en couple, dans la société, ils deviendront des alliés au lieu d’être dans la moquerie, l’incompréhension ou l’indifférence.
Ce travail-là commence dans les familles, mais il se poursuit partout : dans les écoles, les médias, les entreprises. Parce que tant qu’on n’aura pas déconstruit ces petits mécanismes qui semblent anodins mais qui conditionnent tout, on continuera à faire porter aux femmes un poids invisible.
Et en tant que parent, oui, on a une sacrée responsabilité. Mais comme je le dis toujours : il n’y a pas de parent parfait. Il y a juste des gens qui essaient de faire de leur mieux. Et ça, c’est déjà beaucoup.
Je me répétais souvent que l’important, c’est d’avoir la bonne intention. Dans la maternité, comme dans la vie, on peut faire des erreurs. Mais rien n’est irréversible. En tant que jeune maman, je me suis souvent dit : « J’ai mal fait », ou « Je n’aurais pas dû ». Et aujourd’hui, je me dis simplement : ce n’est pas si grave. On apprend, on avance, on ajuste.
Les enfants aussi sont capables d’une grande résilience. Quand j’ai décidé de partir faire le tour du monde avec eux, tout le monde m’a dit : « Mais ils vont être perturbés ! » Et en réalité, ils se sont adaptés mieux que nous. Les changements de pays, d’horaires, de repères, tout ça s’est bien passé parce qu’on leur expliquait les choses avec des mots adaptés. C’est tout.
Le mot de la fin
Je crois qu’il faut arrêter d’avoir peur de parler. Bien sûr, il est important de réfléchir à ses mots, mais certains sujets méritent d’être dits haut et fort. La maternité, le postpartum, la santé mentale, les menstruations… Tout cela reste encore trop tabou dans notre société.
C’est en parlant que l’on change les choses, qu’on normalise ce qui est vécu par des millions de personnes. En partageant ce que j’ai traversé, j’espère permettre à d’autres de se dire : « Ah, moi aussi ». Parce que la parole libère, et que la maternité mérite d’être racontée dans toutes ses facettes, pas seulement dans sa version édulcorée.
Qui sont tes rôles modèles ?
Quand on me demande qui m’inspire, je pense tout de suite à Emma Watson. J’aime sa manière inclusive de penser le féminisme, en intégrant tous les genres. Elle incarne l’engagement et la nuance.
Il y a aussi Élise Thiébaut, qui a écrit Ceci est mon sang. Ce livre est une révélation. Elle y parle de façon brillante des règles, du tabou, du politique, du corps. Il ne quitte plus ma table de chevet.
Et bien sûr, Gaëlle Baldassari, créatrice de Kiffe ton cycle. Elle a profondément changé mon rapport à mon corps et à la maternité. Elle valorise le cycle menstruel au lieu de le cacher. C’est d’ailleurs le tout premier ouvrage que j’ai acheté sur le sujet.
Quelles ressources recommanderaient-tu aux personnes qui nous écoutent ?
Pour celles et ceux qui veulent creuser, je recommande :
- Bliss Stories, un podcast devenu un classique
- La Matrescence, un autre podcast passionnant
- Les Louves, un blog qui aborde la maternité, la parentalité et la vie des femmes avec beaucoup de justesse
Quelle est ta vision du féminisme ?
Tout à l’heure, je me suis dit que j’allais faire simple. Pour moi, le féminisme, c’est œuvrer pour un monde où chaque femme est libre de définir sa propre version du bonheur. Sans normes imposées, avec sa force, son intelligence, sa capacité à s’adapter.
C’est aussi une question de respect de l’autre, profondément. Je pense que le féminisme est émancipateur, mais aussi inclusif. C’est ce qui me touche : on y retrouve de la sororité, de la bienveillance et de l’empathie. Et ça, c’est quelque chose qui manque parfois cruellement, surtout sur les réseaux sociaux.
Qui aimerais-tu voir au micro de Matrimoine Féministe ?
Si je devais recommander une femme à inviter dans Matrimoine Féministe, ce serait Charlotte Marigaud. Elle travaille justement sur le lien entre vie pro et vie perso dans les entreprises, avec une approche très humaine.
Elle accompagne les RH sur des sujets souvent mis de côté : la maternité, le deuil périnatal, ou les épreuves de vie en général qui peuvent impacter une personne au travail. Je trouve sa démarche à la fois nécessaire et touchante, parce qu’on oublie trop souvent que ce qui se passe dans le personnel a un impact dans le professionnel, et inversement.
On est toujours en quête d’équilibre, entre vie privée et vie professionnelle. Mais c’est illusoire si, dans l’entreprise, il n’y a aucune structure pour accompagner les moments de vulnérabilité, comme un deuil ou un baby blues.
Je pense qu’il est urgent de remettre l’humain au centre. On l’a un peu oublié. Et pourtant, c’est la clé pour une société plus juste, plus inclusive… et plus vivable, tout simplement.
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Ses rôles modèles et ressources mises en avant
- Emma Watson
- Élise Thiébaut, qui a écrit Ceci est mon sang.
- Gaëlle Baldassari, créatrice de Kiffe ton cycle.
- Bliss Stories
- La Matrescence
- Les Louves
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Épisodes complémentaires à écouter


