Bonjour, bonsoir aux personnes qui écoutent ce podcast hebdomadaire. Je suis en compagnie de Charline, de Mon Fils en Rose, avec qui nous avons parlé de la parentalité décoloniale, antiraciste et dégenrée. Mais avant de lui laisser la parole, je voudrais rendre un hommage tout particulier à Clémence Mouellé-Moukouri, la présidente de l’association Find Yourself. C’est grâce à son événement, le mois de l’Empowerment, que j’ai eu l’occasion de rencontrer mon invitée du jour. Ceci étant dit, Charline, je te laisse te présenter de la manière dont tu le souhaites, notamment en lien avec la parentalité décoloniale.
Bonjour à tous, bonjour Esthel, bonjour Clémence, et merci beaucoup pour cette invitation. Je suis Charline, autrice du blog et des réseaux associés Mon Fils en Rose, sur lequel je parle de parentalité décoloniale, antiraciste et dégenrée.
J’y présente également une bibliothèque jeunesse relativement fournie, qui permet de proposer des représentations justes de nos enfants, que ce soit des représentations raciales justes, mais aussi des questions de genre, de sexualité et toute autre forme de minorisation que nous subissons dans la société. Je suis donc également parent d’un enfant que l’on appelle Boutchou sur les réseaux et qui a maintenant 7 ans, ce qui s’inscrit dans ma réflexion sur la parentalité décoloniale.
Donc cela fait sept ans que je fais la parentalité décoloniale. Cela commence à faire un certain temps. Oui, nous ne l’avons pas vu passer.
Wow ! Oui, en effet, le temps passe très vite. Merci pour cette petite présentation. J’aime bien, dans le cadre de la parentalité décoloniale, pouvoir définir les termes clés du sujet. Donc, pourrais-tu nous définir ce qu’est une parentalité décoloniale, antiraciste et dégenrée pour commencer cet épisode sur la parentalité décoloniale ?
C’est quoi une parentalité décoloniale ?
C’est un vaste sujet. Une parentalité décoloniale, c’est d’abord une parentalité engagée qui s’inscrit dans les mouvements décoloniaux, visant à apporter ses réflexions et ses actions décoloniales à la parentalité, ainsi qu’à cette transmission dans l’éducation que nous souhaitons offrir à nos enfants.
L’idée est vraiment de se réapproprier ce narratif qui nous a été interdit et qui a été remplacé par un narratif colonial, afin que nous puissions transmettre à nos enfants une éducation dans laquelle nous existons réellement, en dehors de ce prisme occidental impérial qui nous a été imposé. Cela s’inscrit dans une réflexion autour de la parentalité décoloniale.
Ok, c’est très clair. Il ne faut pas mettre des étiquettes sur les personnes, car chaque situation est différente.
C’est l’idée, en tout cas aujourd’hui. La colonisation a des conséquences encore aujourd’hui. Je n’irai même pas jusqu’à dire qu’elle est terminée, malgré les différents processus de décolonisation et les indépendances durement gagnées, il reste encore des luttes à mener.
Et surtout, les conséquences de 500 ans de colonisation et de racisme ont effacé plusieurs pans de l’histoire à différentes échelles géographiques. Cela a encore des conséquences aujourd’hui, avec un discours qui est universalisé et des réalités qui seraient considérées comme universelles, mais uniquement basées sur des réalités blanches, souvent validées par un prisme patriarcal, car sinon cela n’est pas reconnu, et évidemment capitaliste.
Oui, de ce que je comprends pour notre podcast sur la parentalité décoloniale, le problème avec un discours universel, c’est qu’il n’y a aucune nuance, et tout est trop lisse en faveur des personnes privilégiées, en effaçant les spécificités de chacun. Il est important de mener ce travail, car je pense que s’il n’y a pas ce travail effectué, il peut également y avoir des problèmes de légitimité.
Nous n’avons pas de rôles modèles à qui nous identifier, et il devient alors plus difficile d’agir dans la vie, car nous ne savons pas si ce que nous faisons est réalisable, si nous sommes capables de le faire, parce que nous manquons de représentation à cet égard, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Quand on n’existe pas dans l’histoire, quand on n’existe pas dans les livres, quand on n’existe pas dans la science, quand on n’existe pas dans la médecine, quand on n’existe pas à l’école, comment est-ce qu’on se construit en réalité ? Quand on ne se voit pas, comment se construit-on ? Et lorsque notre histoire est racontée par les autres, elle est biaisée, elle a été effacée. Quand on a été invisibilisé de l’histoire, comment se construit-on quand on est toujours l’autre, et que les normes ne nous ressemblent pas, notamment dans le cadre de la parentalité décoloniale ?
Ces normes ne sont pas faites pour nous, et donc c’est une aliénation qui fait que l’on se construit toujours différemment, en n’étant jamais à notre place. Typiquement, je n’ai ni ma place ici ni ma place ailleurs. Il n’y a pas de droit à ce que je suis, je n’ai pas d’autre ancrage.
On pourrait revenir sur cela, mais en réalité, c’est ultra déshumanisant. C’est-à-dire qu’au-delà de la légitimité à se dire « j’existe et j’ai mes spécificités », je ne suis pas un bloc monolithique, quel que soit l’étiquette qui y est posée. Que ce soit une étiquette raciale, une étiquette de genre ou une étiquette validiste, une étiquette sur la parentalité décoloniale, on existe en dehors de ça. En réalité, c’est même pas presque, c’est déshumanisant de n’être que des étiquettes et rien d’autre que des stéréotypes, entraînant des préjugés qui nous font subir toutes les oppressions et les discriminations systémiques de notre société.
Comment as-tu fait pour te construire dans la société ?
Merci beaucoup d’apporter ces précisions pour notre épisode sur la parentalité décoloniale. C’est hyper important, ton travail de sensibilisation à ce propos. Cela m’amène donc à te poser la question : comment as-tu réussi à te construire dans cette société, et quel a été ton cheminement pour créer Mon Fils en Rose ?
C’est un long chemin sur la parentalité décoloniale, un chemin qui est loin d’être terminé d’ailleurs. Ce que je constate dans cette société, c’est que j’ai grandi dans un environnement où je ne me voyais pas. Je n’avais pas de représentation, si ce n’est des représentations très caricaturales et donc racistes, évidemment, avec une exotisation et un amalgame de toutes les cultures asiatiques.
Ces représentations étaient souvent rassemblées, et on me disait que c’était pour moi, sachant qu’il faut le dire dès maintenant : tout ce qui est associé à l’Asie, dans notre société, ne concerne généralement que l’Est et l’Asie du Sud-Est. Cela soulève d’ailleurs des questions de domination, mais c’est un autre sujet que je vais aborder pour la parentalité décoloniale.
En me considérant comme n’étant pas d’ici, je me suis construite en me rattachant à une culture qui n’était pas non plus la mienne. Il faut savoir que ma famille provient de multiples immigrations successives, de la Chine à Madagascar, puis à la France. Concrètement, mon enfant est le premier enfant depuis quatre générations à naître sur le territoire de ses parents. C’est pareil du côté de son autre parent, donc au moins à une génération.
Quand on me demande par exemple : « D’où viens-tu ? », je réponds alors : « Vous avez combien de temps devant vous ? » parce que cela peut être très long. Et c’est encore pire quand on me dit « Retourne chez toi ». Littéralement, je n’ai pas de « chez moi » à désigner. Non pas que ce soit acceptable, évidemment, pour des personnes qui auraient d’autres endroits où aller et qui auraient un autre intérêt par rapport à la France. C’est ainsi que l’on se construit : en étant l’autre et, encore une fois, en ne se voyant pas.
Pour ma part, je me suis construite assez tard, en redécouvrant une communauté est-asiatique que j’ai longtemps fui, comme de nombreuses personnes dans ma situation, ce qui s’inscrit dans ma réflexion autour de la parentalité décoloniale.
Et donc, c’est vrai que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre certaines dynamiques, à me réapproprier des éléments de ma culture que j’avais complètement effacés. Aujourd’hui, c’est quelque chose que je ne veux pas transmettre à mon enfant, en tout cas, c’est un doute sur tout ce qui nous appartient, dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Nous sommes autant des différents pays qui nous ont caractérisés et que nos familles ont parcourus, que français en réalité. À fortiori dans l’actualité qui nous concerne aujourd’hui, depuis un moment maintenant, sur les questions de nationalité et d’origine, qui sont au cœur de la parentalité décoloniale.
Souvent, je dis en premier lieu que nous sommes françaises, et c’est ce que je dis souvent aux gens qui me demandent d’où je viens. Cela représente une construction, encore une fois, d’être l’autre et de ne pas être à sa place. Aujourd’hui, cela va beaucoup mieux. En effet, je prends cette place. On ne me l’a pas laissée, et je la donne à mon enfant pour qu’il n’y ait pas ce doute.
J’aspire avec la parentalité décoloniale à construire une confiance suffisamment solide sur sa petite personne, afin qu’il n’ait pas ce moment où, la première fois qu’il subit un racisme particulièrement dégradant, il ne sache pas quoi répondre. Ce moment où l’on doute, où l’on se remet totalement en question et où l’on est figé. Je me souviens très bien de ce moment à l’école primaire, et je ne dis pas que mon enfant n’en a pas vécu, loin de là. Mais il a su répondre, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Il a su répondre et remettre en question, même si ce n’était pas forcément avec tous les mots, un explicatif ou un argumentaire. Il faut imaginer un enfant de 4 ans face à des maîtres et maîtresses, leur disant que cette chanson est raciste.
Il y a eu une réponse grâce à la parentalité décoloniale. Au début, on ne l’a pas cru, nous avons été convoqués, etc. Mais il y a eu une réponse, et nous avons apporté notre soutien, où nous sommes allés et avons dit que, oui, en fait… Nous avons expliqué, car nous avions les mots d’adulte. J’espère qu’il n’y a pas eu ce moment où l’on se retrouve tétanisé face à cette première oppression, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Merci beaucoup pour tous ces partages. De ce que je comprends, c’est très beau, car tu as donné les outils à ton enfant pour qu’il puisse se défendre face au racisme qu’il peut subir, ce qui s’inscrit dans une approche de parentalité décoloniale. Cela lui permet d’avoir du répondant et de pouvoir se défendre tout en développant sa confiance. C’est hyper important, et en t’écoutant, j’ai pas mal de questions qui ont cheminé dans ma tête, donc je vais te les poser une à une, dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Comment as-tu fait pour trouver ton ancrage ?
Je me suis aussi posé une question quand tu avais dit que tu avais longtemps fui ta communauté est-asiatique. Je me suis demandé pourquoi tu l’as fui et finalement, qu’est-ce qui a fait que tu as eu envie de la retrouver ? Et enfin, comment as-tu fait pour te réapproprier toutes tes identités ?
C’est un vaste sujet, et je me dis qu’il y a des personnes qui nous écoutent qui peuvent également être confrontées à ces problématiques. Il y a la culture française, il y a d’autres cultures, et ce n’est pas forcément évident de pouvoir jongler avec tout cela, surtout dans une société qui n’est pas toujours bienveillante. Même s’il y a des gens formidables, ce n’est pas toujours le cas, hélas. Cela peut être difficile de vouloir être 100 % soi-même quand on a plusieurs identités différentes, ce qui est pertinent dans le cadre de la parentalité décoloniale.
L’ancrage, je l’ai créé avec ma propre famille, en essayant de replanter des racines là où je n’en avais pas forcément, et de les rendre suffisamment solides, en tout cas pour ma famille. Je souhaite que mon enfant n’ait pas ce souci grâce à la parentalité décoloniale. Cela ne réglera pas tout à un moment donné, mais pour moi, c’est déjà un grand début, et j’espère également que cela le sera pour Boutchou dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Pourquoi as-tu fui ta communauté ?
Deuxième question, c’était pourquoi j’ai fui ma communauté ? Parce qu’il fallait être blanc, en fait. Parce qu’il fallait être blanc, et c’était la seule chose qui était autorisée pour réussir. Et on s’entend sur ce que cela signifie réussir, c’est encore réussir dans un sens très capitaliste, ce qui peut poser problème dans le cadre de la parentalité décoloniale.
En tout cas, c’était ce qui était acceptable d’être, tu vois, et il était mal vu de manger certaines choses ou d’avoir certains rites, certaines croyances. C’était complètement considéré comme de l’exotisme, presque du folklore, ce qui pouvait amuser les autres, et ce n’était pas du tout quelque chose de suffisamment noble pour être discuté. C’est une aberration aujourd’hui, vraiment. J’ai honte d’avoir eu honte, même si je comprends pourquoi et quelles sont les dynamiques qui m’ont conduit à cela. Même au sein de ma famille, il y avait cette pression : il fallait être blanc à l’extérieur et chinois à la maison, ce qui est une réflexion pertinente dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Mais au final, dans un contexte 100 % français, forcément avec une école républicaine qui te prône des ancêtres gaulois, on peut tirer sur des clichés, mais on se construit presque plus facilement en tant que personne, en tout cas en cherchant à s’intégrer dans une communauté blanche. En réalité, on s’en aperçoit après, on n’en a pas grand-chose à faire. Voire, on devient un faire-valoir ou un token de diversité, ce qui soulève des questions sur la représentation dans le cadre de la parentalité décoloniale. Un token, c’est un peu comme prendre une exception pour représenter tout le monde, ce qui est loin de la réalité.
Il y a tout un pan sur les questions de la minorité modèle, qui concerne également les est-asiatiques. Cela nous objectifie et nous déshumanise en nous faisant devenir ces bons petits soldats au sein de la pyramide raciale. Il faut vraiment questionner cela à une échelle communautaire pour les est-asiatiques et sud-est-asiatiques, ce qui est essentiel dans la réflexion sur la parentalité décoloniale.
C’est en se construisant que l’on revient à ses racines. On se rend compte que c’est toute une partie de nous que l’on ne peut pas effacer. Pour les personnes qui écoutent en podcast sur la parentalité décoloniale, cela ne se voit pas forcément, mais si les gens nous voient, je ne peux pas le cacher. On m’y rapportera toujours, que ce soit sur le pli épicant de mon œil, la forme de mon nez, il y aura toujours quelque chose et il n’y a pas de doute. En réalité, c’est pour cela que l’on se rapproche de nos communautés initiales.
C’est aussi là que l’on voit les vécus similaires, les ressentis similaires, et les oppressions que l’on subit ensemble, ce que j’explique dans le cadre de la parentalité décoloniale. C’est aussi une manière de soigner des traumatismes de manière collective. Et il y avait une dernière question en lien avec la parentalité décoloniale, mais je l’ai oubliée.
Comment as-tu fait pour te réapproprier toutes tes identités ?
Eh bien, cela s’est fait petit à petit et ce n’est peut-être pas encore terminé, d’ailleurs, car il y a tant de choses qui nous ont été interdites. J’ai commencé mes engagements à travers un féminisme assez blanc et mainstream, qui a ses bons côtés. Cela m’a petit à petit amenée vers un féminisme intersectionnel, qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Dans ce féminisme, je me suis beaucoup plus reconnue, avec un asioféminisme qui prend en compte les problématiques à l’intersection des questions féministes et des questions asiatiques. Ce féminisme est même devenu un panasiatisme féministe, car le panasiatisme a une histoire qui n’est pas un simple copier-coller du panafricanisme, il faut le savoir. Il existe une histoire du panasiatisme durant les luttes décoloniales, notamment avec des conférences regroupant des féministes de la Palestine au Japon, visant à mener des réflexions et des actions décoloniales.
C’est un vrai sujet à imbriquer dans la parentalité décoloniale, et avec de nombreuses personnes, nous nous réclamons de ce panasiatisme et donc de ce panasiatisme féministe. Petit à petit, je pense qu’en effet, cela ne peut se faire, du moins pour moi, que progressivement, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Depuis que j’ai pu faire la paix avec cette identité raciale, l’accueillir et la valoriser, la glorifier même parfois, d’autres sujets sont également arrivés. La question de la non-binarité est un sujet dont je parle beaucoup sur mon blog, car c’est aussi une identité que j’ai accueillie depuis quelques années maintenant. Je regarde la table, et voilà, ça fait 3 ans que j’ai fait ce coming-out.
Là aussi, c’est une question de parentalité décoloniale. Beaucoup se posent cette question et j’ai souvent cette interrogation : « Oui, mais en fait, nous, on était là pour l’antiracisme, et en fait, ou à la rigueur, un peu pour dégenrer l’éducation sur filles et garçons, mais là, aujourd’hui, il y en a beaucoup que pour des queers, et en plus des queers racisés, c’est une niche. » Cela souligne les défis que nous devons aborder dans la parentalité décoloniale.
Et en fait, il faut vraiment comprendre que la non-binarité et la transidentité ont toujours existé partout. Encore une fois, ce sont des identités qui ont été effacées et invisibilisées de l’histoire pour répondre aux normes cis-hétéro de la blancheté et de la colonialisation. On retrouve ces identités sur tous les continents, mais pour parler spécifiquement du continent asiatique, par exemple, on va retrouver les Ishra en Asie du Sud, notamment en Inde, ainsi que les Bisous en Indonésie et les Donkho, qui sont des chamans vietnamiens. Il y a donc des traces que l’on arrive à retrouver, même si nous ne sommes pas aidés pour cela pour transmettre la parentalité décoloniale.
En tout cas, il est essentiel de rappeler que cette transidentité et cette non-binarité n’existent pas seulement ici, elles n’ont pas été inventées par l’Occident, qui a tellement déconstruit des questions queers après avoir imposé la cis-héronormativité partout, notamment par le biais du christianisme. Non, cela a existé, nous sommes là, nous avons toujours été là et nous allons continuer à être là, ce qui est crucial dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Encore une fois, merci pour tous ces partages. De nouveau, j’ai des questions à te poser, évidemment, et des petits commentaires. Déjà, ce que je retiens par rapport à ton expérience, c’est que, malheureusement, il manque encore cruellement d’empathie et de bienveillance dans ce monde. Je pense que le monde se porterait bien mieux s’il y avait plus d’empathie et de bienveillance, car j’ai l’impression que beaucoup de gens ne sont pas dans cette démarche d’essayer de comprendre l’autre. Ils sont plus dans la haine, se focalisant sur ce qui nous sépare plutôt que sur ce qui nous rapproche. C’est un constat assez triste par rapport à cette humanité, ce qui renforce l’importance de la parentalité décoloniale.
C’est chouette de pouvoir avoir des personnes comme toi qui s’affirment telles qu’elles sont, pour pouvoir inspirer l’exemple et inciter d’autres personnes à avoir ce même déclic, à faire ces coming-outs et enseigner la parentalité décoloniale, car c’est hyper important. En parlant de cela, tu parlais de soigner les traumas de manière collective. Comment cela se passe concrètement ?
J’ai également d’autres questions à te poser, mais plus dans le cadre de définitions, car je m’intéresse à un féminisme éducatif. Tu as parlé de féminisme intersectionnel, de panasiatisme féministe, d’adelfes, de non-binarité et de transidentité. J’aimerais donc bien pouvoir définir tous ces termes pour les personnes qui nous écoutent, dans une optique de parentalité décoloniale.
L’empathie est un outil politique
Déjà sur la question de l’empathie, pour moi, l’empathie doit être un outil politique aujourd’hui. On en parle beaucoup, c’est devenu un vrai sujet, la question de l’empathie, de sensibilité et d’hypersensibilité.
L’empathie est un outil politique qui sert, en effet, à se mettre à la place de l’autre et à comprendre que l’autre est un être humain. Pas simplement parce que nous sommes tous des êtres humains et que nous sommes très égaux en droits, mais également en liberté. C’est comment l’expression ? Être libre et égaux en droits ?
Libre et égaux, voilà, c’était la liberté que je cherchais, merci. Libre et égaux en droits. Merci. Tu vois, comme quoi je n’y crois vraiment pas.
Ce qu’il faut voir, c’est que dans cet aspect décolonial et dans ces luttes décoloniales, il y a quelque chose qui s’est perdu, notamment chez les personnes blanches : cette empathie. On le dit souvent, cela se transmet, les choses se transmettent aussi de générations en générations. On ne peut pas avoir été en haut de la pyramide raciale, et même plus, de la pyramide des privilèges, de la pyramide du pouvoir, pendant cinq siècles, sans s’être un peu perdus en écrasant les autres.
Je ne ferai pas l’affront à Aimé Césaire de faire des citations approximatives, mais véritablement, dans le discours sur le colonialisme, Césaire le dit bien mieux que je ne le dirai jamais, sur le fait que le colon s’abrutit. Il s’abrutit dans le sens véritable de devenir une brute, tellement il ne voit plus l’humain.
Il ne voit plus que la bête dans l’autre, et en fait, il devient lui-même une bête. C’est un vrai point, et on le voit, on le voit dans les actualités aujourd’hui. Si l’on doit citer le Canada, le Congo, la Palestine, quand on voit tout cela… Est-ce qu’on aurait eu besoin de voir tout ça pour comprendre qu’il y avait une oppression, une dynamique de pouvoir et un ascendant l’un sur l’autre, et donc une politique coloniale de domination ? On se dit que c’est inhumain, mais c’est ce qui a été construit, c’est ce que l’on voit aujourd’hui.
C’est ce qui était à l’époque, et quand on retrouve des archives, c’est ce que l’on voit sur la déshumanisation et sur le fait que les colonisés n’étaient plus que des animaux, ce qui souligne l’importance d’une réflexion sur la parentalité décoloniale.
Et donc, véritablement aujourd’hui, il y a un vrai travail. Souvent, je dis que dans ce travail d’allié que beaucoup souhaitent de manière vraiment active, il y a déjà ce passage à l’action. Nous sommes sur un verbe, plus que sur un état de fait, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Il y a vraiment ce rapport à la réhumanisation via l’empathie et à la compréhension de ce que c’est que de vivre certaines oppressions : racistes, sexistes, LGBTQIA+phobes, putophobes, validistes, grossophobes, face à ce que c’est au quotidien. Ce n’est pas juste à l’inverse d’être vexé ou blessé quand on dit que quelque chose est raciste, voire même que l’on est raciste. Cela, c’est un vrai sujet de parentalité décoloniale.
L’oppression et la dynamique ne sont pas les mêmes. Il y a donc un vrai sujet sur l’empathie aujourd’hui pour les alliés, pour comprendre ce que cela signifie. Comprendre implique de travailler sur nos propres oppressions, sur nos biais, et de ne pas avoir besoin de voir pour croire.
Le « je te crois » n’est pas valable uniquement pour les femmes blanches qui subissent des violences sexuelles. Il doit être beaucoup plus général que cela lorsqu’on vit des oppressions systémiques. Et les personnes qui vivent ces oppressions systémiques ne sont pas exemptes aussi d’en produire. Il faut se le dire : moi, je dis régulièrement que je suis raciste, sexiste, grossophobe, putophobe, LGBTQIA+-phobe, vraiment validiste. C’est parce que nous avons intégré ces biais, qui sont présents partout dans notre société, et cela demande un effort considérable pour être déconstruit, que ce soit dans nos modes de pensée, dans notre vocabulaire, dans notre langage, ou dans nos actions, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
C’est là où l’empathie devient un vrai outil politique, un engagement politique. Ce n’est pas de prendre pitié ou d’entrer dans une compassion, mais d’entrer vraiment dans l’action décoloniale et de se dire comment je fais maintenant pour que cela s’arrête, que les oppressions s’arrêtent et qu’il y ait davantage de justice sociale.
Oui, c’est hyper important tout ce que tu nous dis. Donc, merci pour ce partage dans ce podcast sur la parentalité décolobiale, car il est important de pouvoir replacer l’humain au centre de tout. L’empathie est quelque chose qui devrait être travaillée dès le plus jeune âge, car nous devrions avoir des cours d’empathie à l’école. C’est très bien d’avoir des cours de mathématiques, etc., mais il est essentiel d’inclure la parentalité décoloniale.
Mais des cours d’empathie, de mise à la place de l’autre, d’apprentissage de la gestion des émotions, sont des compétences capitales pour la construction de l’être humain que nous serons, pour le futur citoyen et la future citoyenne de demain. Ce sont des choses qui ne sont pas forcément transmises de la bonne manière, alors que l’éducation aurait vraiment un rôle à jouer à ce propos-là, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Absolument, mais cela doit sortir de la morale. L’oppression et la discrimination se situent en dehors des questions morales. Ce n’est pas une question de « tu n’es pas raciste, tu es gentil » ou « tu es raciste, tu es méchant ». Le racisme et toute autre oppression systémique ne reposent pas sur cette binarité du bien et du mal. Ce sont des réalités factuelles. On peut être quelqu’un de très gentil et dire énormément de choses très racistes ou faire des choses très racistes, ce qui souligne l’importance de la parentalité décoloniale.
On peut avoir toutes les bonnes intentions du monde et être extrêmement transphobe. L’intention est inopérante dans les questions de discrimination et d’oppression systémique, car heureusement, ce n’était pas votre volonté d’être méchant. Je suis désolée de le dire, mais c’est une excuse qui ne tient pas.
Heureusement que vous n’avez pas voulu blesser la personne, il manquerait plus que cela. Mettre ces espèces de conditions, notamment en ce qui concerne des excuses, n’a pas de sens. Les oppressions et les discriminations sont des réalités factuelles, qui doivent se résoudre de cette manière et ne doivent pas être prises personnellement par la personne qui les a commises. Cette personne doit s’excuser, prendre acte de ses actions, comprendre, et ne pas recommencer, voire être reconnaissante d’apprendre de cette situation.
En face, la personne qui a subi ne doit rien, ni pardon, ni quoi que ce soit. Ce sera à cette personne de décider. Il est donc essentiel de sortir de ce racisme moral, de ces oppressions systémiques morales, de cette transphobie morale et de cette grossophobie morale. Ce n’est pas une question de gentils et de méchants, ce qui est crucial dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Les cours d’empathie sont un peu comme les formations à la laïcité. Il y a de vrais sujets à aborder. Aujourd’hui, quand on aborde les premières leçons d’éducation civique et morale à l’école, oui, c’est bien de ne pas vouloir être méchant, mais cela ne suffit pas pour mettre fin à des systèmes d’oppression qui se renforcent, que ce soit par le genre, la race ou la classe, et qui se renforcent entre eux depuis plusieurs siècles.
Donc oui à l’éducation à l’empathie, mais encore une fois comme un outil politique, avec une éducation à l’esprit critique, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Oui, je te rejoins tellement sur l’éducation à l’esprit critique. Cela fait partie des valeurs de Matrimoine Féministe, des choses qui me semblent tellement importantes. Surtout avec les réseaux sociaux, en fait, on n’est pas forcément capables, entre guillemets, de remettre en cause ce qui est dit, car cela arrive tout cuit d’un coup sur les réseaux. Ça pope, et en plus, c’est très court, donc c’est très difficile d’avoir vraiment un avis sur un sujet en seulement 10 slides ou 90 secondes. Cela souligne l’importance de la parentalité décoloniale.
Du coup, c’est une compétence super importante. Pour revenir aux mots-clés à définir pour notre épisode sur la parentalité décoloniale, car cela fait également partie de l’esprit critique, pourrais-tu nous définir les mots clés ?
Bien sûr. Peux-tu me les donner un par un ? Parce que sinon, je ne vais pas les reprendre moi non plus, tu vois ? Ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Qu’est-ce que le féminisme intersectionnel ?
Le féminisme intersectionnel. Pour cela, il est essentiel de se référer à Kimberlé Crenshaw ou Bell Hooks, qui sont des afro-féministes et autrices ayant vraiment travaillé sur ce sujet et l’ont défini. Le féminisme intersectionnel consiste à prendre en compte les différentes oppressions qui interviennent à l’intersection de plusieurs systèmes.
Ce n’est pas simplement de prendre le féminisme isolément, mais de considérer les questions féministes à la lumière de différentes identités sociologiques, telles que la race ou le genre. C’est là où l’on va parler, par exemple, pour les questions de race, d’asiophéminisme, d’afroféminisme ou de transféminisme concernant les questions de transidentité. Il est important de dire que, être une femme dans l’absolu pose de nombreux problèmes dans notre société, mais cela ne suffit pas.
C’est-à-dire qu’être une personne noire dans notre société engendre également énormément de problèmes, mais cela ne suffit pas. Quand on est une femme noire, par exemple, cela signifie souvent deux fois plus de problèmes face à notre société, mais potentiellement encore plus, car ce n’est pas simplement l’addition des deux. On parle souvent de misogynoir pour désigner ce type d’oppression.
Ce sont encore des oppressions supplémentaires que nous subissons et qui ne vont pas toujours dans le même sens. Typiquement, pour les personnes racisées, notamment celles perçues comme femmes, la question de l’agressivité est démultipliée par le processus de racialisation, par rapport à une femme blanche qui sera souvent perçue comme plus faible, surtout lorsqu’on les met en opposition. Il existe donc des perceptions très différentes, et il est important de pouvoir en tenir compte, car ce sont nos réalités et nos ancrages, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Qu’est-ce que le panasiatisme féministe ?
Merci pour cette première définition, elle est très claire. Je ne vais pas les commenter, car sinon le podcast sur la parentalité décoloniale se prolongera trop longtemps, donc nous allons procéder définition par définition. Pour la seconde, tu as parlé de panasiatisme féministe, pourrais-tu aussi nous le définir ?
C’est une forme de féminisme intersectionnel qui se réfère à l’Asie, notamment de manière panasiatique, sur l’ensemble du continent. Cela inclut toutes les régions, et pas seulement la perception de l’Asie de l’Est et du Sud-Est asiatique que l’on peut avoir, occultant ainsi tout le Sud, l’Ouest et le Nord. Le panasiatisme féministe se réfère donc à l’ensemble du continent, de la Palestine jusqu’au Japon, de la Russie jusqu’à l’Indonésie, en considérant vraiment toutes les dimensions, de haut en bas et de gauche à droite, en fonction de notre perspective, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Qu’est-ce que l’adelphité ?
Ça marche, très clair. Dans la suite des définitions pour cet épisode sur la parentalité décoloniale, tu as parlé d’adelphité, donc de mémoire, c’est quelque chose qui se rapporte à l’adelphité. Pourrais-tu définir les deux ?
Absolument. Une personne qui est adelphe, c’est un terme épicène, c’est-à-dire qui s’emploie quel que soit le genre, pour désigner à la fois le frère et la sœur. Donc, l’adelphité est le terme inclusif, ou neutre, même si je n’aime pas ce mot, mais c’est en tout cas le terme épicène qui répond à la sororité ou à la fraternité. Pour moi, il n’y a rien de neutre à utiliser un langage spécifique et à inventer de nouveaux mots, puisque tous les mots ont déjà été inventés. C’est ce à quoi sert une langue vivante. Le français, n’en déplaise à nos vieux académiciens, évolue.
Oui, épicène a pour définition le fait qu’il s’agit d’un terme utilisé à la fois pour les masculins et pour les féminins, et également pour une certaine non-binarité.
Pour sortir de cette binarité, j’ai un problème avec le terme « inclusion », car, pour moi, cela implique une dynamique de pouvoir. Inclure, c’est-à-dire qui inclut qui dans l’inclusion. On rejoue encore une fois sur cette centralité qui va être capable d’inclure des personnes externes, des autres, à intégrer et à être validées dans cette dynamique. C’est pour ça que, pour moi, j’ai une difficulté avec ce terme. Je n’utilise pas ce mot. De la même manière, en ce qui concerne la neutralité, d’utiliser un langage neutre, par exemple, pour moi, il n’y a rien de neutre à utiliser « iel », à utiliser « adelphe », ou à utiliser des accords ou de nouveaux noms. C’est un engagement politique, et c’est extrêmement politique.
J’entends le fait que c’est ni féminin ni masculin, donc c’est neutre, mais en réalité, étant donné qu’il n’y a pas de neutre dans notre langue, reconnu comme il peut y en avoir, par exemple, en allemand, cela perd son sens. La neutralité, dans notre système, dans notre société, n’est pas ce que l’on croit. La neutralité est en réalité un moyen de lisser ou d’effacer les identités, alors que c’est un fort engagement politique de créer et d’utiliser les bons termes ou des nouveaux termes, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Quel terme serait plus inclusif ?
Merci pour ces précisions. Juste avant d’embrayer avec une prochaine définition de notre épisode sur la parentalité décoloniale, c’est parce que, quand tu as parlé de ton aversion pour le terme « inclusion », j’entends vraiment tes arguments. Je me demandais, du coup, quel terme préfèrerais-tu utiliser et qu’est-ce qui ferait sens pour avoir plus d’égalité, voire d’équité dans ce cadre-là ?
Le collectif PAAF avait une réflexion extrêmement poussée sur le sujet et avait proposé le terme de « constellaire ». Ce terme permet d’avoir une approche décentrée avec plusieurs centres, et donc pas seulement une dynamique unique, ce qui va vers ce centre. Cela signifie également ne pas être inclus par une dynamique de pouvoir central qui t’accepte ou non. Car, qui dit dynamique d’inclusion, dit forcément dynamique d’exclusion.
L’idée est donc d’avoir plusieurs centralités, de décentrer nos dynamiques et de disperser ce pouvoir, en travaillant plus sur un système d’alliance. L’idée de constellaire est assez imagée, et j’ai toujours beaucoup apprécié ce terme. Je sais qu’il a pu être repris par certaines personnes, et c’est plutôt chouette, ce qui souligne l’importance de la parentalité décoloniale.
C’est super de le partager, j’avoue que je ne le connaissais pas du tout, donc je suis très contente d’apprendre un nouveau mot grâce à ce podcast sur la parentalité décoloniale, donc merci pour ce partage. Dans la suite de mes petites définitions, il y a la non-binarité et la transidentité, c’est ça, c’est l’ensemble.
Qu’est-ce que la non-binarité et la transidentité ?
Avec plaisir. Et je crois qu’il y avait la transidentité aussi, c’est ça ? Parce que cela va aller ensemble.
Absolument. En fait, la transidentité et la non-binarité sont des termes parapluies. L’idée, enfin en tout cas ce n’est pas seulement une idée, c’est la définition, c’est de dire qu’il y a des personnes qui ne se reconnaissent pas dans le genre qui leur a été assigné à la naissance, souvent masculin ou féminin, et qui donc transitionnent vers soit un autre genre, soit pas de genre du tout.
C’est quelque chose de beaucoup plus fluide que cette binarité de genre. La définition de la transidentité est donc celle des personnes qui ne se reconnaissent pas dans le genre assigné à la naissance, ce qui inclut les personnes trans ou transgenres. La non-binarité, quant à elle, est un spectre spécifique où les personnes ne se reconnaissent pas strictement ni dans la masculinité, ni dans la féminité. Elles ne sont ni complètement des hommes, ni complètement des femmes.
Ce spectre est assez large ; il n’est pas étendu sur une simple ligne, mais plutôt très fluide. Il va de personnes vraiment bi-genres à des personnes genderfluides, ou des personnes agender, dont le genre évolue en fonction de comment elles se sentent. Ainsi, la non-binarité est souvent décrite comme un parapluie qui englobe la transidentité.
Il est important de noter qu’être transgenre peut aussi signifier sortir de la non-binarité. Personnellement, j’aime bien mettre l’autre parapluie au-dessus, mais ce n’est pas un vrai sujet aujourd’hui. Cela souligne encore l’importance de comprendre ces concepts dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Qu’est-ce que la grossophobie ?
Ok, hyper intéressant tout ce que tu nous dis dans cet épisode sur la parentalité décoloniale. Cela serait clairement l’objet d’un autre épisode, car ce serait quelque chose à approfondir, ce qui serait hyper passionnant. Je devrais me renseigner à ce sujet, ou même tu pourrais revenir, clairement. Un dernier terme que tu as évoqué, et qui pourrait aussi être intéressant à définir, c’est la grossophobie.
Avec plaisir. La grossophobie est un système d’oppression qui… Je sais que ce n’est pas souvent dit comme ça, mais je préfère le formuler ainsi. Elle s’attaque en réalité aux personnes grosses. Cela se manifeste dans tous les pans de nos vies, où les personnes grosses sont déshumanisées, altérisées, considérées comme « les autres » qui, en plus, ne feraient pas d’efforts, etc. Ces personnes sont souvent perçues comme horribles, méchantes, et au bout du compte, elles ne peuvent pas s’habiller correctement, ni se faire soigner adéquatement, car ce sera toujours le premier prisme.
Par exemple, tu vas chez le dentiste et, lorsqu’on te dit que tu as une rage de dents, on te répond : « Oui, mais en fait, vous êtes une personne trop grosse, je ne vois pas le rapport. » Ainsi, en réalité, nous sommes souvent mal soignés, ce qui est une discrimination subie au quotidien. C’est encore une fois une discrimination systémique, où l’on valorise toujours les personnes minces, ce qui souligne l’importance d’une réflexion sur la parentalité décoloniale.
Comment as-tu fait la paix avec ton identité raciale ?
Merci encore pour cette nouvelle définition de terme. Avant de passer à la conclusion de l’épisode sur la parentalité décoloniale, j’avais une autre question par rapport à ce que tu avais dit beaucoup plus haut dans notre épisode sur la parentalité décoloniale, où tu mentionnais que tu avais fait la paix avec ton identité raciale et que tu la glorifies maintenant. J’aimerais bien connaître ton cheminement à ce sujet et si tu as des conseils pour les personnes qui nous écoutent et qui ont du mal à faire la paix, afin de les aider à avancer.
J’ai fait un long chemin individuel. Pour ce qui est de mon identité de genre, qui est vraiment incommunicable, mais qui pourrait être appliqué à d’autres aspects de mon identité, ce processus s’est fait petit à petit. J’ai commencé à accueillir mon corps, à accueillir qui j’étais, à accueillir mon héritage familial. Tout cela m’a amené, je pense, à parler de progression. Cela m’a permis d’accueillir sereinement, notamment ma non-binarité, en relation avec mon corps et mon histoire.
Il y a une partie de ce cheminement qui est individuelle, remplie de beaucoup de questions. C’est difficile d’aller au-delà, surtout quand on n’existe pas vraiment dans ce que l’on voit autour de soi. On peut se sentir sans crédibilité envers soi-même. Voilà, c’est cette première étape. Puis, on finit par trouver une personne, puis deux, et je pense vraiment que l’affirmation pleine et entière de soi, jusqu’à la valorisation — même si je ne sais pas si je me glorifie réellement — est nécessaire.
Peut-être qu’il faudrait le faire. En tout cas, ce processus est passé par la communauté. Je crois que tu avais justement cette question sur le soin communautaire, et je pense que l’on revient là-dessus. Ce cheminement est passé par la communauté, à travers des Adelphes qui me ressemblent, qui vivent les mêmes choses, qui ressentent les mêmes émotions, même si ce n’est pas forcément à 100 %, car c’est aussi cela, cette fâcheuse envie de pouvoir avancer, d’échanger et de continuer, ce qui est essentiel dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Ça passe par des groupes de paroles en non-mixité, ça passe par le collectif militant aussi, ça passe par la thérapie. Voilà, on échappe un peu moins au collectif, mais cela passe aussi par la thérapie, ce qui est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Il faut glorifier la santé mentale, il n’y a aucun doute là-dessus. C’est un vrai cheminement… Il faut trouver son petit groupe d’Adelphes. Cela peut être plusieurs petits groupes qui rassemblent toutes tes identités. Mais il est important de comprendre ce que c’est que d’être une personne non binaire, comment être bisexuelle, racisée, parent, grosse. En fait, il y a tellement d’éléments à prendre en compte. Tout le monde ne se retrouve pas, mais c’est aussi toute cette richesse et cette importance de pouvoir avoir des gens qui nous comprennent et qui nous font grandir.
C’est très beau ce que tu nous dis. Merci pour toutes ces pistes ! Je te conseille d’écouter, je ne sais pas quand cet épisode va sortir, mais je te recommanderais d’écouter l’épisode avec Mélanie Vijayaratnam, de psychologie transculturelle, parce que cela fait sens avec tout ce que tu as dit. Cela fait un pont incroyable.
Ça ne m’étonne pas du tout de Mélanie, ce qui souligne l’importance d’aborder ces sujets dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Le mot de la fin sur “la parentalité décoloniale”
Du coup, nous allons passer à la conclusion de l’épisode. Aurais-tu un mot de la fin par rapport à tout ce que nous avons discuté ?
Je pense que s’il y avait une chose à retenir de cette parentalité décoloniale, c’est de se réapproprier notre narratif, notre histoire, la manière dont nous la racontons, ainsi que notre ancrage par rapport à nos vies et à ce que nous vivons encore aujourd’hui. Il est également important de réfléchir à la façon dont nous souhaitons transmettre cela à nos enfants.
Cela contribue vraiment à bâtir leur confiance, car malheureusement, comme d’autres l’ont sûrement mentionné dans ton podcast, nous ne pourrons pas les protéger tout le temps. Elles devront sortir de notre cocon. C’est déjà le cas pour moi, mais quand j’étais plus petite, je pensais : « Non, je vais les garder. » En réalité, nous ne pouvons pas les protéger d’elles-mêmes.
Ce n’est pas cela qu’il faut faire. Je sais que nous avons peur, et que nous avons beaucoup de questions sur l’affirmation de genre. Il est préférable de travailler sur leur affirmation et leur confiance. Il est important de garder cet espace de sécurité à la maison. Mais à l’extérieur, nous n’avons d’autre choix que de les outiller.
J’aime de moins en moins utiliser le mot « armé », car j’espère encore une révolution pacifiste, même si j’y crois de moins en moins. Parfois, il faut se défendre physiquement, mais il est tout aussi important de les préparer à vivre dans notre société. Cela ne signifie pas les empêcher d’être elles-mêmes.
C’est un point extrêmement important. On m’en parlait récemment, en me disant : « Mon fils veut mettre une jupe à l’école, que faire ? » Pourquoi le punir, lui, en fait ? Oui, c’est dur, ça va être difficile.
Mais ce dont il a besoin, c’est de notre soutien, de notre amour et de notre énergie. Nous pouvons intervenir auprès de l’école, alerter l’équipe éducative.
Peut-être faire des points là-dessus, mais il est essentiel d’investir dans l’école et dans les espaces où ils se trouvent en dehors de chez nous. Pourquoi punir un enfant d’être lui-même, au lieu de le soutenir ? Cela est fondamental dans le cadre de la parentalité décoloniale.
On n’irait jamais rien dire sur un enfant hétéro, parce qu’on part du principe que tous les enfants sont hétéros. Et on le rappelle s’il le faut : un garçon qui porte une jupe n’est pas forcément trans, n’est pas forcément non-binaire et n’est pas forcément en dehors de l’hétérosexualité.
Mais voilà, c’est vraiment un point sur lequel il faut travailler cette confiance, en reprenant notre narratif. Discuter avec nos enfants, c’est aussi les considérer et arrêter de les infantiliser, comme ils le sont déjà dans la société. Cette infantilisation existe également, ou alors on suradultise les enfants racisés, entre autres, en fonction de ce qui arrange la société, évidemment.
C’est vraiment quelque chose d’essentiel, je pense, pour nos enfants. Cette parentalité décoloniale s’inscrit dans cette volonté, en tout cas celle que je porte. Merci.
C’est très beau tout ce que tu viens de nous dire. C’est une véritable ode à l’amour envers ton enfant, donc je n’ai rien de plus à ajouter, car je trouve cela très beau. Du coup, continuons avec mes petites questions.
Qui sont tes rôles modèles ?
Quand j’ai vu cette question, je me suis vraiment interrogée, car en fait, je n’en ai pas des masses. Ou alors, je suis assez méfiante face à la personnification de certaines luttes. Les personnes qui m’inspirent sont plutôt celles de mon quotidien, mes Adelphes de lutte que je vois parler et qui m’inspirent et m’apprennent encore tous les jours, même si on discute quotidiennement.
Ce sont donc mes Adelphes proches qui représentent pour moi des modèles. Je suis assez contre la personnification ou l’individualisation de certaines luttes ou de certains sujets, même s’il faut parfois rendre à César ce qui appartient à César, mais rendre aux afrofemmes ce qui est aux afrofemmes. Voilà, cela pourrait être cette nouvelle citation dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Non, je comprends complètement. En fait, nous sommes tous et toutes badass à notre manière, donc c’est super. Nous pouvons trouver l’inspiration dans nos proches, même dans des personnes que nous ne connaissons pas, que nous voyons et dont nous nous disons : « Cette personne fait quelque chose que je trouve super. » C’est une bonne dose d’inspiration. L’inspiration est partout, en fait, et cela fait partie de notre démarche de parentalité décoloniale. Du coup, encore quelques petites questions.
Quelles ressources tu recommanderais aux personnes qui nous écoutent ?
Parmi les ressources, je dirais le livre Décolonisons-nous de Frank Lau, qui doit être sorti ou qui va paraître, ainsi que Mécanismes du privilège blanc d’Estelle Depris, qui est également très pertinent. Plus lié à la parentalité, il y a Les mythes sur l’adoption internationale de Julie Bourguin, qui est hyper intéressant et aborde vraiment la déconstruction, notamment en ce qui concerne la question du sauveur blanc. Il y a beaucoup de choses à apprendre sur ce sujet.
Peut-être aussi Ceci n’est pas un livre sur le genre de Morgan Noam. Tu parlais de quelques connaissances à acquérir sur la non-binarité et la transidentité. Le livre Parfait et également son conte, qui sont vraiment de belles ressources, mais surtout ce livre qui est sorti il y a quelques mois est une absolue pépite à avoir. C’est une grande pédagogie, vraiment, et cela s’inscrit parfaitement dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Merci beaucoup pour toutes ces ressources. C’est vrai que j’ai vu passer ce livre sur le genre. Je ne l’ai pas encore acheté, mais il fait partie des livres que j’aimerais découvrir, car je connais le travail de Morgan sur Instagram et je trouve cela très chouette.
Que signifie le terme féminisme pour toi ?
Je pense qu’on a pas mal parlé du féminisme. Le féminisme seul m’intéresse assez peu. Il est essentiel de parler des questions de genre sans y adosser d’autres oppressions, ainsi que les discriminations spécifiques qui en découlent.
Pour moi, le féminisme ne commence à être intéressant que lorsqu’il sort justement du féminisme blanc, c’est-à-dire celui du blanc bourgeois. Cela souligne l’importance de prendre en compte la diversité des expériences et des luttes dans le cadre de la parentalité décoloniale.
Qui aimerais-tu voir au micro de Matrimoine Féministe ?
Alors, je ne connais pas toute la liste, j’ai fait exprès de ne pas tout regarder sur ce qui allait sortir, donc voilà. Mais peut-être que les personnes que j’ai citées auparavant pourraient totalement être, notamment Morgan ou Julie. Et peut-être Diana de « la psy so socio » sur Instagram, qui aborde des questions de parentalité, mais pas seulement, d’un point de vue psychosocial et sociologique. Elle a beaucoup à dire, donc je pense que oui, absolument.
Merci pour ces recommandations. Je sais que j’avais envoyé un message à Morgan pour l’interviewer, mais c’est un grand compte Instagram, donc il faudrait plutôt envoyer un mail, je pense. Mais merci, en tout cas, je ne connaissais pas Diana et Julie. Ce serait un plaisir de les interviewer également. En tout cas, merci beaucoup pour cet épisode ensemble.
Et merci aux personnes qui nous écoutaient ! C’est ça. Ciao ciao tout le monde ! Rejoignez la newsletter de Matrimoine Féministe !
Merci beaucoup, merci Esthel pour l’invitation, merci pour ces échanges, et merci à tout le monde. Au plaisir d’échanger. Bye bye !
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Ses rôles modèles et ressources mises en avant sur la parentalité décoloniale
- Mes Adelphes de lutte
- Le livre Décolonisons-nous de Frank Lao
- Mécanismes du privilège blanc d’Estelle Depris
- Les mythes sur l’adoption internationale de Joohee Bourgain
- Ceci n’est pas un livre sur le genre de Morgan Noam
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- Sur son site internet
Episode complémentaires
- Tes livres jeunesse inclusifs avec Sylvie Li
- Le petit guide fun et simple du féminisme avec Samantha Feitelson
- Le féminisme intersectionnel avec Asli Ciyow
- La psychologie transculturelle avec Mélanie Vijayaratnam