L’empire des femmes avec Cassandre Lambert

L'empire des femmes
Sommaire

Bonjour, bonsoir à toutes les personnes qui nous écoutent. Je suis en compagnie de Cassandre Lambert, avec qui nous avons échangé au sujet de ses livres « l’empire des femmes ». Toutefois, avant de lui laisser la parole, je tiens à adresser un hommage tout particulier à Audrey Tribot, qui possède une véritable maîtrise des mots. C’est grâce à son travail de création de contenu que j’ai découvert ta duologie. l’empire des femmes. Cassandre, je te laisse te présenter de la manière qui te convient.

Oui, bonjour. Merci pour l’invitation, tout d’abord. Je souhaitais commencer par cela. Je m’appelle Cassandre Lambert, j’ai 24 ans et je suis romancière depuis quatre ans. J’ai publié six romans chez Didier Jeunesse ainsi que chez Le Livre de Poche. J’écris aussi bien de la fantasy que de la dystopie et du contemporain, et bientôt, une réécriture mythologique, puisque mon prochain roman, qui paraîtra le 6 novembre, s’inscrit dans ce registre. l’empire des femmes.

En parallèle, j’affectionne particulièrement le sport, notamment l’escalade, que je pratique assidûment. Cette année, je participe également à Koh Lanta, pour celles et ceux qui suivent l’émission et connaissent un peu son univers. Je suis ravie d’être ici aujourd’hui pour parler de l’empire des femmes.

Pitche-nous l’empire des femmes

Merci pour ta présentation. À présent, pour entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous présenter l’empire des femmes en quelques mots, sans révéler d’éléments clés de l’intrigue ?

Allez, ça marche. l’empire des femmes, c’est une duologie dystopique qui met en scène une société matriarcale où les femmes dominent tandis que les hommes sont réduits à l’esclavage. L’histoire suit deux personnages : Adona, une jeune femme issue de l’élite de cette société, élevée dans le privilège, et Elios, un homme réduit en esclavage. Elios vit sur une île isolée appelée Teneros, où, chaque année, les femmes viennent sélectionner des hommes pour en faire des géniteurs. l’empire des femmes.

Les hommes choisis doivent alors participer à un tournoi de la procréation, un affrontement violent où ils s’entretuent pour obtenir le droit de devenir géniteurs. Ceux qui l’emportent ne sont plus considérés comme des esclaves ordinaires, mais bénéficient de droits légèrement supérieurs. Cependant, Elios n’a pas l’intention de se soumettre à ce système. Il ne participe pas dans l’espoir d’être sélectionné, mais dans un but bien plus ambitieux : provoquer une révolution et renverser l’ordre établi. l’empire des femmes.

Merci beaucoup pour cette présentation. D’ailleurs, j’ai les livres sous les yeux, car j’ai absolument tenu à t’interviewer après avoir été totalement captivée par cette duologie. l’empire des femmes. J’ai sincèrement adoré ton style d’écriture : ta plume est magnifique, et l’histoire est d’une intensité remarquable.

Ce qui m’a particulièrement plu, c’est que ton récit propose une perspective différente de ce que l’on retrouve dans La Servante écarlate ou encore L’Année de Grâce. Là où ces récits dénoncent un système patriarcal, tu proposes un contre-pied avec un régime matriarcal oppressif. C’est une approche originale et extrêmement bien menée. l’empire des femmes.

Merci.

Les citations inspirées de la réalité

Avec plaisir ! Je vais donc partager mon ressenti sur l’empire des femmes. J’ai été conquise dès la première page. Ce qui m’a particulièrement marquée dans le premier tome, c’est la manière dont, en début de chaque chapitre, tu inverses des textes. J’ai trouvé extrêmement puissant de débuter avec une réécriture du mythe d’Adam et Ève. l’empire des femmes. Cela donnait immédiatement une entrée en matière percutante. D’une certaine manière, dans les textes religieux, c’est à partir de là que les femmes ont commencé à être discriminées. Voir cette inversion m’a paru brillant.

C’était précisément l’objectif. Je voulais que cette société, bien que fictive, ait une base crédible et repose sur des éléments tangibles. J’ai donc pris beaucoup de plaisir à rechercher ces textes empreints de misogynie. l’empire des femmes. Je n’ai d’ailleurs pas eu à chercher longtemps, la matière était abondante. Le récit débute ainsi avec une réécriture du péché originel.

D’ailleurs, petite anecdote que je raconte souvent : lorsque j’ai écrit ces citations en tête de chapitre, je n’avais initialement pas précisé leurs sources. Mon éditrice, en découvrant le premier jet, m’a fait part de son étonnement : « Cassandre, c’est extrêmement violent, presque trop. Cela me semble irréaliste. » l’empire des femmes. Je lui ai alors répondu que ces citations étaient bien réelles et que je m’étais simplement contentée d’inverser certains termes comme « homme » et « femme ».

Lorsqu’elle a pris conscience de leur origine, elle a été véritablement choquée. Progressivement, je lui ai transmis les sources et les auteurs concernés. Nous avons alors décidé d’ajouter une annexe à la fin du livre pour montrer que ces textes ne sortaient pas de nulle part, mais qu’ils existaient bel et bien.

C’est fascinant, car moi aussi, au départ, je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait de véritables citations. l’empire des femmes. Cela met en lumière à quel point la misogynie est ancrée dans la société. Ce qui est particulièrement intéressant dans ton approche, c’est qu’en inversant le prisme et en plaçant un système matriarcal en position dominante, on perçoit beaucoup plus clairement les inégalités. Ce changement de perspective permet une prise de conscience percutante.

Pourquoi ton roman se passe à l’Antiquité ?

Et donc, ton roman se déroule à l’Antiquité. Pourquoi as-tu choisi cette période en particulier ? l’empire des femmes.

J’ai choisi l’Antiquité, car cela me semblait particulièrement visuel pour ancrer cette histoire dans une époque marquante. Bien que l’univers que j’ai créé soit totalement fictif, il s’inspire de l’Antiquité gréco-romaine. l’empire des femmes.

À cette époque, la possession d’esclaves était ancrée dans les mœurs. Chaque famille aisée en possédait. Cela me semblait donc immédiatement compréhensible pour le lecteur et la lectrice. l’empire des femmes. De plus, l’univers du roman diffère déjà énormément de notre réalité, et il contient un worldbuilding riche avec de nombreuses informations. En choisissant cette période, je savais que cela faciliterait l’immersion, car les lecteurs auraient instinctivement des images en tête, ce qui allègerait la complexité du worldbuilding tout en renforçant la crédibilité du récit.

Je pense qu’il m’aurait été bien plus difficile d’inventer une société entièrement nouvelle dans un univers de fantasy médiévale, ce qui aurait ajouté une couche de complexité supplémentaire. l’empire des femmes. Mon objectif était de rendre ce monde à la fois immersif et réaliste, et l’Antiquité s’est imposée comme un cadre idéal.

Comment as-tu eu l’idée d’écrire l’empire des femmes ?

Alors, je l’explique brièvement à la fin de l’empire des femmes dans une note où je retrace la genèse du projet. Cela faisait longtemps que je voulais écrire un roman engagé, un roman féministe, mais je ne savais pas trop comment l’aborder ni par où commencer.

L’idée s’est développée progressivement. En grandissant, j’ai pris conscience de nombreuses inégalités que l’on subit en tant que femme au quotidien. Plus j’avançais dans la puberté, plus je voyais le regard des hommes changer sur moi, et j’ai réalisé qu’il y avait un sujet essentiel à traiter. J’avais envie de l’écrire correctement, de lui donner la force nécessaire, alors j’ai attendu le bon moment.

L’élément déclencheur a été un cours de gymnastique. Pendant un an, j’ai été professeure et j’entraînais un groupe composé uniquement de filles, à l’exception d’un seul garçon. Ils avaient entre six et huit ans. Un jour, j’ai demandé à une fille et un garçon d’aller chercher une caisse pour un exercice. Ils s’exécutent, et lorsque je me retourne, je vois la fillette marcher joyeusement tandis que le garçon peine sous le poids de la caisse.

Surprise, je lui demande pourquoi elle ne l’aide pas. Et là, du haut de ses six ans, elle me répond : « C’était pour voir si c’était un vrai homme ou pas. » Cette phrase m’a coupé le souffle.

J’ai alors regardé le garçon et lui ai demandé si cela le dérangeait. Il m’a répondu avec assurance : « Non, moi aussi, je voulais voir si j’étais un vrai homme. » À cet instant, j’ai compris que, malgré les avancées sociétales, des stéréotypes aussi profondément ancrés continuaient de se transmettre dès l’enfance. Ces enfants incarnaient la nouvelle génération, ils n’avaient que six ans, et pourtant, ces idées étaient déjà implantées dans leur esprit.

Cette prise de conscience a été un déclic. J’ai su que je devais écrire sur ce sujet. J’ai alors commencé à faire des recherches, et l’empire des femmes a pris forme. Bien sûr, ce moment n’a été qu’un élément déclencheur parmi tant d’autres, car au quotidien, ces constats se multiplient.

Ton anecdote est édifiante. Elle illustre bien à quel point les stéréotypes sont intégrés dès l’enfance. Cela me fait penser à une étude où des scientifiques ont testé les performances des filles et des garçons en mathématiques. Lorsque l’exercice était présenté comme un problème de maths, les filles obtenaient de moins bons résultats. Mais lorsqu’il était formulé sous forme de dessin, elles réussissaient tout aussi bien que les garçons.

Cela prouve à quel point nous sommes conditionnés dès le plus jeune âge. Ces biais sont omniprésents et façonnent nos comportements sans même que nous en ayons conscience. C’est pour cela que l’existence de livres comme l’empire des femmes est essentielle : pour provoquer une réflexion et faire évoluer les mentalités.

Cela me rappelle une autre étude que tu as peut-être vue. Un groupe d’enfants devait goûter un yaourt volontairement surchargé en sel. Les garçons, après l’avoir goûté, n’ont pas hésité à cracher en déclarant que c’était immangeable. De leur côté, les filles, bien qu’on puisse lire leur dégoût sur leur visage, ont suivi les consignes et affirmé devant la caméra : « Ce yaourt est délicieux. »

Encore une fois, cela met en lumière la différence d’éducation. Dès l’enfance, on apprend aux filles à se conformer, à ne pas s’opposer, tandis que les garçons sont encouragés à affirmer leurs opinions et à contester ce qui ne leur convient pas.

Oh, je ne connaissais pas cette étude, mais cela ne m’étonne pas. C’est triste de voir que les filles sont éduquées dès leur plus jeune âge dans un esprit de sacrifice. Cela me fait penser à un autre phénomène très parlant : la place des filles et des garçons dans les cours de récréation. Le terrain de football est accaparé par les garçons, tandis que les filles restent sur les côtés, n’osant pas s’imposer.

Et le pire, c’est que cette dynamique est rarement questionnée, même par les adultes. J’ai discuté de cela avec Caroline Peiffer, que j’ai interviewée dans mon podcast. Elle expliquait que même dans les bulletins scolaires, une fille et un garçon ayant la même note reçoivent souvent des appréciations très différentes. Pour un garçon, on dira « Il n’a pas exploité tout son potentiel. » Pour une fille, ce sera plutôt « Peut mieux faire. »

C’est une manière insidieuse de maintenir les filles sous pression en leur faisant comprendre qu’elles doivent toujours fournir un effort supplémentaire.

J’ai également observé cela lors de mon service civique dans une école, où je gérais la bibliothèque et proposais des exercices de lecture et d’écriture. Le midi, la bibliothèque était en libre accès, et j’ai remarqué que 95 % des enfants qui venaient étaient des filles.

Les garçons, bien que certains semblaient intéressés, n’osaient pas entrer. Ils avaient peur d’être moqués par leurs camarades pour avoir choisi une activité perçue comme féminine. À la place, ils restaient dans la cour à courir et à jouer au ballon, même si ce n’était pas ce qu’ils avaient réellement envie de faire.

Le plus frappant, c’est que même les adultes participent à cet enracinement des stéréotypes. Je me souviens d’une surveillante qui, en voyant des garçons jouer de manière turbulente, envoyer le ballon sur les filles et crier, s’est contentée de dire : « C’est normal, ce sont des garçons, ils ont besoin de se défouler. »

J’étais sidérée. Dire cela devant eux, c’était leur donner l’impression que ce comportement était naturel et acceptable. Pourtant, ce genre d’attitude contribue à perpétuer ces différences, qui se retrouvent ensuite partout, jusque dans des structures sociales plus larges. C’est exactement ce que l’empire des femmes cherche à déconstruire : montrer que ces inégalités ne sont pas innées mais bien le fruit d’une éducation différenciée.

Le jugement de ton livre à son titre

Mais oui, c’est toujours la même chose. On trouve des excuses aux garçons, tandis que les filles sont bridées. Cela a toujours existé, et c’est vraiment regrettable. D’ailleurs, ce que tu disais sur les garçons qui n’allaient pas à la bibliothèque me rappelle une autre situation. En dédicace, j’ai vu sur tes réseaux sociaux que certains hommes jugeaient négativement ton livre juste à cause de son titre, sans même prendre le temps de le lire. l’empire des femmes, rien que ces mots semblent suffire à déclencher une réaction.

C’est une réaction que je rencontre fréquemment. Avec l’empire des femmes, j’ai très peu de lecteurs masculins. En dédicace, 90 % des personnes qui viennent me voir sont des femmes ou des jeunes filles. Le titre attire l’attention, il interpelle, et c’est précisément ce que je recherchais. Mais paradoxalement, je n’ai jamais eu autant de critiques gratuites de la part de passants – et non de lecteurs, car ces personnes n’ont même pas ouvert le livre.

Lors de certaines séances de dédicaces, des hommes s’arrêtent et lancent des remarques désobligeantes : « l’empire des femmes, encore un truc féministe exagéré.«  J’ai même entendu un homme commenter : « C’est comme maintenant, quoi. » Ce à quoi j’ai eu envie de répondre : « Donc on ne vit clairement pas dans le même monde. » Mais bon, passons.

Un exemple qui m’a particulièrement marquée : un couple d’une trentaine d’années avec une poussette. La femme jette un coup d’œil à mon livre et taquine son compagnon : « Regarde chéri, l’empire des femmes. » Lui, immédiatement, la prend par l’épaule et rétorque : « Oh non, tu vas encore te mettre des mauvaises idées en tête. » Puis ils s’éloignent sous mes yeux, comme si mon roman représentait une menace.

Ce qui me frappe avec ce titre, c’est qu’il dérange, il vexe. Certains le perçoivent comme une provocation avant même de s’intéresser à son contenu. Pourtant, la quatrième de couverture est explicite : « Les femmes dominent, les hommes sont esclaves, la révolte est en marche. » Tout est là, noir sur blanc, expliquant que le système en place est remis en question. Mais avant même d’y jeter un œil, le simple fait de voir ces trois mots – l’empire des femmes – déclenche une réaction épidermique.

Une fois qu’ils lisent le résumé, certains finissent par se rassurer : « Bon, d’accord, si c’est dénoncé, alors ça passe. » Pourtant, si je tombais sur un roman intitulé L’Empire des hommes, ma réaction ne serait pas d’être vexée, mais simplement de me demander si l’histoire m’intéresse ou non. Il y a ici une forme de résistance qui m’a réellement surprise.

Cela me fait penser à ces réactions classiques que l’on voit dès qu’il est question de féminisme ou de violences faites aux femmes. Il y a toujours un homme pour réagir avec un « Not all men », comme s’il fallait systématiquement détourner le débat pour défendre un point de vue personnel.

Ce que j’apprécie dans ton livre, c’est qu’il met en évidence le fait qu’un régime matriarcal totalitaire ne serait pas plus souhaitable qu’un régime patriarcal. L’inverse d’un système oppressif ne signifie pas nécessairement quelque chose de juste ou d’équilibré. C’est une réflexion qui me semble essentielle.

En tant qu’autrice, tu avais toute liberté d’écrire cette histoire comme tu l’entendais. Tu aurais très bien pu choisir de ne pas proposer de morale à la fin, de faire en sorte que la révolte échoue et que la condition des hommes empire encore plus. L’important est que la littérature reste un espace d’imaginaire où chacun peut interpréter une œuvre à sa manière et en tirer ses propres enseignements.

Certains hommes me disent : « Bon, ça va si à la fin c’est dénoncé. » Et à cela, j’ai envie de répondre : « Et alors ? J’aurais très bien pu ne pas le dénoncer. Et alors ? »

La signification du titre et de la couverture

Oui, tout ce que tu dis est très juste. Et cela me fait penser à plusieurs questions. J’avais vu que l’empire des femmes n’avait pas ce titre à l’origine, qu’il avait été modifié en cours de route. De même, la couverture a connu plusieurs versions avant d’arriver au visuel final. Peux-tu nous parler de cette évolution ? Et tant qu’on y est, pourrais-tu donner quelques exemples concrets de ce que tu dénonces dans ton livre ? Cela permettrait aux personnes qui nous écoutent de mieux comprendre comment on vit à Sapienta et à Teneros.

Alors, pour le titre, c’est vrai que lorsque j’ai écrit le roman, je l’avais initialement appelé Au nom de la Mère. Dans cet univers, il n’y a pas de dieu masculin, mais une déesse unique, appelée la Mère, qui régit toute la société. La population est profondément religieuse et utilise cette expression comme un mantra, une sorte de prière répétée au quotidien. Ce titre me semblait donc logique.

Cependant, mon éditrice a fait des tests avec des adolescents de 13-14 ans, qui restent le cœur de cible du roman. Lorsqu’elle leur a demandé ce que Au nom de la Mère leur évoquait, les réponses étaient très floues. Certains pensaient que cela parlait de maternité, d’autres ne voyaient pas vraiment où cela menait.

C’est alors qu’elle m’a proposé le titre l’empire des femmes. Et immédiatement, cela m’a semblé évident. Il n’y avait pas besoin de chercher plus loin : l’empire des femmes pose d’emblée l’univers, on comprend immédiatement de quoi il s’agit. C’était percutant, efficace, et j’ai tout de suite adhéré à cette idée.

Concernant la couverture, comme toujours, nous avons fait plusieurs essais avant de trouver la bonne. La première version ressemblait trop à une couverture déjà existante, et nous avions peur d’être accusés de plagiat. Nous avons donc dû revoir notre approche.

Finalement, nous avons opté pour un visuel mettant en avant un poignard, un symbole fort qui évoque à la fois l’Antiquité et la violence du système en place. La couverture est volontairement sombre, presque austère, car l’empire des femmes est un roman dur, avec des scènes qui peuvent être choquantes pour certains lecteurs. Il était important que cette ambiance se reflète dès le premier regard.

Comment on vit à Sapientia ?

Sapientia, d’ailleurs, signifie sagesse en latin. Je voulais vraiment enfoncer le couteau jusqu’au bout, car dans cette société, les hommes sont considérés comme des esclaves, sans aucun droit. l’empire des femmes repose sur l’idée que même si les hommes possèdent en moyenne une plus grande force physique que les femmes, pourquoi cette force serait-elle valorisée ?

Je suis partie du postulat que, dans ce système, la force physique serait au contraire perçue comme une faiblesse. Si la déesse t’a donné cette force, alors ton rôle est d’effectuer les tâches ingrates, celles que les femmes ne veulent pas faire. l’empire des femmes inverse totalement la hiérarchie traditionnelle des genres.

Je me suis beaucoup inspirée de l’Antiquité, où le travail manuel était considéré comme dégradant. À cette époque, la véritable valeur résidait dans l’éloquence, dans la culture de l’esprit. Travailler de ses mains était réservé aux esclaves. J’ai transposé cette vision dans le roman : les hommes ne peuvent rien faire d’autre que servir les femmes.

Lorsqu’un homme est sélectionné comme géniteur, il est littéralement acheté par une femme et n’a pour seule fonction que de lui donner un enfant. Et cela s’arrête là. Ceux qui ne sont pas géniteurs travaillent dans les champs, sont affectés au travail domestique ou exécutent d’autres tâches subalternes.

Il existe néanmoins une catégorie particulière d’hommes, appelés les Oncles. Ceux-là ont un peu plus de droits, mais à un prix terrible. Ils sont issus de familles riches, qui les envoient à l’Académie des Hommes Modèles, une institution où ils apprennent à s’occuper des enfants et à devenir des figures masculines acceptables pour la société. l’empire des femmes leur impose cependant une condition ultime : après avoir réussi une série de tests exigeants, ils doivent être émasculés pour être autorisés à travailler auprès des enfants. C’est ce prix qui leur permet d’accéder à un statut légèrement supérieur aux autres hommes.

Oui, c’est un univers très bien construit et certaines scènes sont marquantes. L’un des moments qui m’a le plus frappée est justement le passage où l’un des personnages veut devenir un Oncle. Déjà, le processus pour y parvenir est d’une brutalité incroyable… et l’épreuve finale avec l’émasculation est juste waouh. Quand j’ai lu ça, je me suis dit : Qu’est-ce qu’il se passe ?!

D’ailleurs, petite anecdote : un homme ayant lu l’empire des femmes m’a confié que le passage sur l’émasculation l’avait choqué. Il m’a demandé « Mais où est-ce que vous allez chercher toutes ces idées ? », complètement abasourdi. Et je lui ai simplement répondu que je m’étais inspirée de l’excision, une pratique qui existe encore aujourd’hui dans certaines régions du monde. Malheureusement, je n’ai pas eu besoin d’aller chercher bien loin dans mon imaginaire…

Le sexisme de la langue française

Non, je suis d’accord, c’est terrible ce qui peut se passer. D’ailleurs, quand tu me parles de ça, ça me fait penser à une comédienne-artiste que j’adore, Typhaine D. Dans ses spectacles, elle inverse les rôles et les situations, un peu comme ce que tu fais dans l’empire des femmes. Elle avait même trouvé un terme pour évoquer l’excision appliquée aux hommes : Pénexcision. Je trouve que c’est une idée forte. Si tu ne connais pas encore tout son travail, je pense que tu apprécierais, car c’est vraiment complémentaire à ton univers.

Je la suis sur Instagram et j’ai même eu l’occasion d’assister à l’un de ses spectacles. J’aime beaucoup ce qu’elle propose. Ses mises en scène choquent, font parler, et ses idées sont percutantes. Elle réussit à susciter le débat, et je trouve cela essentiel.

Oui, et ce qui est impressionnant avec Typhaine D, pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, c’est qu’elle a inventé un langage qu’elle appelle la féminine universelle. Elle conjugue et accorde tout au féminin, ce qui permet de mettre en lumière à quel point la langue française est genrée et sexiste. Encore une fois, en inversant la situation, on réalise immédiatement l’ampleur du problème.

Et pourtant, on doit encore se battre pour faire accepter des mots qui ont toujours existé, comme autrice. Chaque fois que je me présente en tant qu’autrice, on me rétorque : « Pourquoi tu inventes des mots ? ». Même dans mon propre métier, il faut encore justifier l’usage de termes qui font partie de la langue française depuis des siècles.

C’est absurde, surtout quand on sait que des termes comme chevaleresse ou philosophesse existaient au Moyen Âge. Ils ont été volontairement supprimés par l’Académie française à une époque où les femmes commençaient à prendre plus de place dans l’espace public. Il fallait alors les invisibiliser. Ce qui est d’autant plus ironique, c’est que la fameuse règle « le masculin l’emporte sur le féminin » n’a été imposée qu’au XVIIe siècle, alors qu’avant, l’accord se faisait en fonction du mot le plus important dans la phrase.

Exactement. Et ce qui me fait rire, c’est que les personnes qui s’opposent à ces mots se revendiquent souvent comme les grands défenseurs de la langue française. Pourtant, ils ne connaissent ni son histoire ni son évolution. Si c’était le cas, ils sauraient que autrice existait bien avant leur naissance.

Sur les réseaux sociaux, on retrouve énormément de ces réactions absurdes. Il y a une forte présence de haters dans les commentaires, et parfois, ça devient vraiment navrant.

Ouais, récemment sur TikTok, j’ai publié une vidéo où je disais simplement « Je suis autrice. » C’était une tendance, rien de plus. Et pourtant, les commentaires se sont emballés, avec des gens qui s’offusquaient juste pour ce mot.

C’est dingue qu’ils s’indignent pour si peu, alors que sur des sujets autrement plus graves, ils restent silencieux. Quand il s’agit d’affaires comme celle de Gisèle Halimi ou d’autres figures féministes, où sont-ils ? Certains prennent la parole, bien sûr, et c’est bien. Mais voir autant d’énergie dépensée à attaquer un mot, alors qu’il y a des combats bien plus importants à mener, c’est désespérant.

Après, sur les réseaux sociaux, c’est toujours un peu particulier. Ce sont surtout les haters qui s’expriment le plus fort, tandis que la majorité silencieuse ne dit rien. Je peux comprendre que certaines personnes n’osent pas intervenir, parce que les commentaires peuvent vite devenir violents et toxiques. Certains passent leur temps à chercher la moindre chose à critiquer, sans aucun recul.

On ne refera pas le monde… mais tout cela me fait encore une fois penser à l’empire des femmes.

Combien de temps as-tu mis pour écrire l’empire des femmes ?

Je crois que j’ai mis environ huit mois pour écrire le tome 1 et le tome 2, parce qu’à la base, je l’avais conçu comme un one-shot. C’était un manuscrit énorme, un one-shot de plus de 850 pages. Psychologiquement, après avoir terminé L’Antidote mortel en deux tomes, ce qui avait été éprouvant, je m’étais dit : Je ne veux pas écrire une duologie, cette fois je fais un seul livre.

Sauf qu’au final, ce one-shot faisait plus de 800 pages… et j’ai bâclé la fin, parce que je voyais le compteur de mots exploser. Je me répétais : C’est trop long, c’est trop long, et j’ai précipité la conclusion du récit.

Mon éditrice m’a alors dit : Cassandre, tu vois bien que c’est trop volumineux et que la fin est bâclée. On va couper le livre en deux et tu vas réécrire le tome 2 pour bien développer ce qui doit l’être. Et j’ai dû admettre qu’elle avait raison. J’ai voulu me simplifier la tâche en condensant tout en un seul volume, mais ça n’a pas fonctionné. J’ai donc retravaillé le texte, et cette réécriture m’a pris cinq à six mois supplémentaires.

En tout cas, je trouve que tu écris à une vitesse impressionnante ! Pour produire un livre aussi qualitatif en si peu de temps… Wow ! Franchement, tout mon respect. Ce sont les seuls livres que j’ai lus de toi pour l’instant, mais l’empire des femmes m’a donné envie de découvrir le reste de ton travail. D’ailleurs, je me suis souvent dit : J’aurais adoré qu’il y ait un troisième tome !

Le troisième tome, on me l’a énormément demandé. J’y ai moi-même réfléchi, mais pas pour une suite directe. J’ai hésité à écrire un spin-off ou une nouvelle histoire dans cet univers. J’avais même commencé à rédiger un synopsis, mais finalement, je suis partie sur un projet contemporain. Cela dit, il y a clairement de la matière pour revenir un jour à l’empire des femmes. Rien n’est exclu.

Oh, donc il y a peut-être une possibilité qu’un spin-off voie le jour un jour ? On ne sait pas quand, mais ça reste une possibilité ? C’est trop bien à savoir ! Le jour où ce sera en cours, je serai ravie et je l’achèterai sans hésiter !

Oui, et pour revenir à ce que tu disais sur ma rapidité d’écriture, ça peut sembler rapide, mais il ne faut pas oublier que j’écris à temps plein. Je n’ai pas d’autre métier à côté, donc mes journées sont entièrement consacrées à l’écriture. C’est ce qui explique que j’avance aussi vite sur mes projets.

A quel âge as-tu commencé à écrire ?

Oui, je comprends. Mais du coup, tu as commencé assez jeune ? À quel âge as-tu commencé à écrire ?

J’écris depuis que je suis toute petite. À 10 ans déjà, j’inventais des histoires. Au collège, j’ai écrit un roman à 14 ans que j’ai envoyé à des maisons d’édition. J’étais très optimiste et pleine de confiance… mais j’ai essuyé des refus partout. À cet âge-là, j’ai eu l’impression que ma carrière était terminée, qu’un échec signifiait que je ne serais jamais publiée. Dans ma tête, c’était irrévocable.

Ensuite, j’ai commencé L’Antidote mortel au lycée, à 17 ans. Il a finalement été publié quand j’avais 20 ans. Puis tout s’est enchaîné. En parallèle, j’ai fait une licence de droit, et entre deux cours, je continuais à écrire. Quand j’ai terminé ma licence, j’avais déjà trois romans à mon actif.

C’est là que je me suis posé la question : Est-ce que je continue vers un master, sachant que j’aurai beaucoup moins de temps pour écrire ? Ou bien Est-ce que je prends un boulot, au risque d’être happée par une routine qui me laissera peu d’espace pour ma passion ? J’avais peur de tomber dans une spirale où le besoin d’un revenu stable finirait par me freiner dans mes ambitions.

Je ne voulais pas m’habituer à la sécurité d’un salaire mensuel, me dire Si je perds cette stabilité financière, qu’est-ce que je fais ? et ne plus oser me lancer pleinement dans l’écriture. l’empire des femmes faisait déjà son chemin, et j’ai décidé que c’était le bon moment pour me donner toutes mes chances. Je me suis dit : Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave, je pourrai toujours reprendre des études ou un travail plus tard. Mais au moins, j’aurai essayé à fond.

Et voilà comment, après ma licence de droit, j’ai choisi de me consacrer entièrement à l’écriture.

Franchement, c’est inspirant. Je suis super contente que tu vives ton rêve aujourd’hui. C’est beau, et tu peux vraiment être fière de toi. Chapeau.

Comment cela se passe quand on est autrice ?

Mais du coup, pour les personnes qui nous écoutent, comment ça se passe quand on est autrice ? J’imagine que le milieu du livre a un fonctionnement très particulier en ce qui concerne les revenus. Combien gagne une autrice sur un livre vendu ? Je suppose que ce n’est pas énorme. Si tu pouvais nous expliquer un peu, ça permettrait aux gens de mieux comprendre cette réalité.

Alors, les revenus varient en fonction des maisons d’édition et des contrats signés. De manière générale, en littérature jeunesse, un auteur perçoit entre 8 et 10 % du prix de vente du livre. Pour la littérature adulte, les taux sont un peu plus élevés, autour de 10 à 12 %.

Ces pourcentages fonctionnent souvent par paliers : par exemple, un auteur peut toucher 8 % jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, puis 9 % jusqu’à 20 000, et enfin 10 % au-delà. l’empire des femmes suit ce même principe.

En plus de ces droits d’auteur, il existe ce qu’on appelle des avaloirs. Il s’agit d’une avance sur les ventes, que l’auteur touche au moment de la signature du contrat. Cette somme varie selon les maisons d’édition : elle peut être de 3 000 à 4 000 euros, parfois plus si l’éditeur mise beaucoup sur un livre. Cela permet d’avoir un minimum garanti, même si le roman ne se vend pas du tout.

Cependant, plus l’avance est élevée, plus il faut attendre avant de percevoir de nouveaux revenus. Tant que les ventes ne couvrent pas l’avance versée, l’auteur ne touche rien de plus. Certains préfèrent recevoir un gros avaloir immédiatement pour sécuriser leur trésorerie, tandis que d’autres, comme moi, préfèrent un avaloir plus modeste pour ensuite percevoir plus rapidement des droits d’auteur lors de la reddition de comptes annuelle.

Car oui, il faut savoir qu’en tant qu’auteur, on est payé une seule fois par an, généralement en juin ou juillet, au moment où l’éditeur nous envoie un relevé détaillant le nombre d’exemplaires vendus et les droits générés. C’est donc une grosse somme d’un coup… qu’il faut ensuite réussir à gérer sur l’ensemble de l’année.

Heureusement, il existe d’autres sources de revenus complémentaires. Par exemple, comme j’écris aussi pour la jeunesse, je fais beaucoup d’interventions scolaires dans les collèges et lycées. Ces interventions sont rémunérées selon les tarifs fixés par la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

On peut également être payé pour des tables rondes, des ateliers d’écriture ou des conférences. Souvent, dans les salons du livre, on dédicace nos livres le week-end, mais les jeudi et vendredi sont consacrés aux interventions et animations, qui permettent d’ajouter un complément de revenus non négligeable.

C’est donc un équilibre à trouver entre les ventes de livres et toutes ces activités annexes. l’empire des femmes, par exemple, m’a permis de multiplier les rencontres et de toucher un public plus large, ce qui est aussi une manière de pérenniser son activité d’autrice.

Combien de tomes vendus pour l’empire des femmes ?

Ok, merci pour ces explications, c’est très clair. On comprend mieux le fonctionnement du métier d’autrice. Est-ce que tu te souviens des chiffres pour l’empire des femmes ? Combien d’exemplaires ont été vendus ?

On est à plus de 10 000 exemplaires vendus pour le tome 1 de l’empire des femmes. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais c’est à peu près ça.

Oh, wow ! Et l’empire des femmes est sorti en septembre… Quelle année déjà ? 2022 ?

Honnêtement, je ne sais plus exactement. Je suis vraiment nulle avec les dates ! Mais oui, l’empire des femmes est sorti en septembre… il y a quelques années. Trois ans, je dirais. Voilà, à peu près.

Ton nouveau roman Atalante

Et il y a l’édition de poche de l’empire des femmes qui va bientôt sortir, si j’ai bien vu ?

Oui, le tome 1 en poche de l’empire des femmes est sorti en septembre, et le tome 2 devrait suivre en 2025.

Ok, c’est bon à savoir ! Et du coup, ça me fait penser à ton nouveau roman, Atalante, si je le prononce bien ? Est-ce qu’il s’inscrit dans un univers féministe, un peu comme l’empire des femmes, ou est-ce que c’est totalement différent ?

Atalante, oui. C’est une réécriture mythologique, donc là, on est vraiment ancré dans la Grèce antique, à 100 %. Contrairement à l’empire des femmes, qui était une dystopie, ici, on est dans un univers réaliste basé sur des villes qui ont existé : Sparte, Athènes… Il y a d’ailleurs une carte au début du livre pour mieux situer les déplacements des personnages.

Cela dit, Atalante reste un roman avec une portée féministe, puisque je donne la parole à une héroïne de la mythologie grecque qui a été largement oubliée. Personnellement, j’ai toujours été passionnée par la mythologie grecque, et pourtant, je n’ai découvert son existence que très récemment, il y a un an et demi.

Quand j’ai vu tout ce qu’elle avait accompli, tous les exploits auxquels elle était liée, je me suis dit : C’est incroyable qu’on n’en parle pas plus ! J’ai donc voulu lui rendre hommage à travers ce livre.

Cependant, à la différence de l’empire des femmes, où les femmes dominaient la société, ici, Atalante évolue dans un monde entièrement masculin. C’est d’ailleurs la seule femme de l’équipage des Argonautes, ces héros rassemblés par Jason pour partir en quête de la Toison d’Or. Elle a accompli de nombreux exploits, et j’avais envie de raconter son histoire en mettant en avant tout ce qu’elle a traversé. Le livre sort très bientôt, le 6 novembre !

D’accord ! Pour les personnes qui nous écoutent et qui ne connaissent pas du tout Atalante, est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur son mythe ? Parce que là, tu as évoqué la Toison d’Or, mais moi, je ne visualise pas du tout l’ensemble de son histoire.

Bien sûr ! Atalante est une héroïne de la mythologie grecque. Son père, Iasos, était un roi, et lorsqu’elle est née, il l’a abandonnée, car il voulait un héritier mâle et ne voulait pas s’embarrasser d’une fille.

Elle a été recueillie par une louve, puis élevée par deux chasseurs. C’est alors qu’Artémis, la déesse de la chasse, a remarqué son cas et s’est penchée sur son destin. Elle lui a accordé plusieurs dons, notamment une vitesse exceptionnelle. Grâce à Artémis, Atalante est devenue une coureuse prodigieuse, ce qui allait lui ouvrir un avenir hors du commun.

Après avoir grandi auprès des chasseurs, elle a été prise en charge par Chiron, le centaure légendaire qui formait les plus grands héros grecs. C’est lui qui a aussi enseigné à Jason, Ulysse, Asclépios… Atalante a donc reçu la même formation que ces figures mythologiques emblématiques.

Dans mon livre, je raconte son parcours en me basant sur les mythes existants. Évidemment, la mythologie est un univers très foisonnant, avec des récits qui varient selon les sources et des incohérences temporelles. J’ai essayé de rester fidèle aux grandes lignes tout en modernisant certains aspects et en ajoutant ma propre interprétation. Comme c’est une réécriture, j’ai pris certaines libertés… mais toujours en respectant l’esprit du mythe !

Ton rapport à l’écriture

J’ai hyper envie de lire Atalante également ! D’ailleurs, ce que je trouve fascinant, c’est que chacun de tes romans est très différent. Que ce soit L’Antidote mortel, l’empire des femmes, ou encore… mince, celui que… Ah, je ne me souviens plus du titre !

Celle que je cherchais ?

Oui, voilà ! Je ne l’ai pas encore lu, c’est pour ça. Mais ce qui est dingue, c’est ta capacité à écrire dans des genres si variés. En général, les auteurs restent dans une catégorie : un auteur de thrillers, par exemple, va souvent écrire exclusivement des thrillers. Toi, tu peux explorer tous les styles, et c’est fascinant ! Comment fais-tu pour naviguer d’un univers à un autre ?

Je pense que c’est parce que je me lasse vite. J’aime découvrir de nouvelles choses et me renouveler dans l’écriture. Pour moi, c’est aussi comme ça qu’on progresse : en testant différents genres.

Quand je passe un an à travailler dans un univers, une fois le projet terminé, j’ai besoin de changement. J’ai envie de passer à autre chose, de m’immerger dans un monde totalement différent. C’est ce qui m’a toujours poussée à varier mes projets.

Cela dit, j’avais quand même écrit quatre romans d’imaginaire : L’Antidote mortel et l’empire des femmes restent des récits avec une construction de monde très marquée. Puis, je suis passée à Celle que je cherchais, un roman contemporain ancré dans la réalité, qui se déroule à Lyon, ma ville. Là, c’était un vrai contraste.

Je me suis demandé si mon lectorat, habitué à me suivre sur des romans d’imaginaire, me suivrait aussi sur une histoire réaliste. C’était un pari risqué, mais je ne voulais pas m’enfermer dans un genre. Ce qui compte pour moi, c’est de tout explorer.

C’est une super façon de voir l’écriture ! Et justement, comment fais-tu pour progresser en tant qu’autrice ? Bien sûr, plus on écrit, plus on s’améliore, mais est-ce que tu aurais des conseils pour celles et ceux qui voudraient devenir auteur ou autrice ?

Franchement, ce n’est pas original, mais la clé, c’est de lire. Lire encore et encore. Et pas seulement un seul genre. Il faut s’ouvrir à tout : des classiques, de la littérature blanche, de la fantasy, du thriller, de la romance… C’est en lisant qu’on absorbe des structures narratives, des retournements de situation, des archétypes de personnages, des tropes. Même au niveau du style, de la formulation des phrases, du vocabulaire, on apprend énormément en étant simplement lecteur.

Après, il y a aussi des manuels d’écriture qui peuvent aider. L’Anatomie du scénario de John Truby est une vraie bible. Il y explique comment construire une intrigue, les différents archétypes de personnages, le rythme narratif, la tension dramatique… Tout ce qui permet de structurer une histoire.

Je lis aussi beaucoup de livres où des auteurs partagent leur approche de l’écriture. Ce ne sont pas vraiment des biographies, mais plutôt des témoignages sur leur méthode de travail. Par exemple, Christelle Dabos a écrit un livre sur son rapport à l’écriture, et je trouve ça passionnant. Ces réflexions nourrissent beaucoup ma propre manière de travailler.

D’ailleurs, j’ai vu sur Bookstagram qu’il existe différentes approches de l’écriture : il y a les architectes et les jardiniers, c’est ça ?

Oui, exactement ! Les architectes planifient tout à l’avance : chaque scène, chaque rebondissement. Ils construisent une structure hyper détaillée avant même de commencer à écrire. Les jardiniers, en revanche, avancent au feeling. Ils ont une idée de départ, mais ils découvrent l’histoire au fur et à mesure qu’ils l’écrivent.

Personnellement, je suis entre les deux. J’aime avoir une trame globale, des jalons narratifs bien posés, mais je laisse aussi une part d’improvisation pour que mes personnages aient la liberté d’évoluer. l’empire des femmes, par exemple, avait un cadre très précis dès le départ, mais certaines scènes se sont écrites spontanément, sans que je les aie forcément prévues à l’avance.

C’est une belle approche, et ça permet de garder une part de surprise même pour toi en tant qu’autrice !

Quelle est ta façon d’écrire ?

Moi, je suis jardinière. Vraiment, je ne fais pas de chapitrage, je n’ai pas de plan… ou alors, si j’en fais, ils sont tellement brouillons qu’on ne peut même pas appeler ça un plan.

En fait, si je connais l’histoire à 100 % avant de l’écrire, je perds tout intérêt. Je me dis : Pourquoi l’écrire, alors que je sais déjà tout ce qui va se passer ? Je risque de me lasser, et comme je vais passer un an sur cette histoire, il faut aussi que je sois surprise, que je découvre l’intrigue en même temps que je la construis. Sinon, ça devient une corvée pour moi.

C’est pour ça que je m’interdis de penser à la fin trop tôt. Si je me spoile moi-même, je perds cette excitation qui me motive à écrire. Et surtout, je veux laisser le champ libre aux évolutions possibles.

Avoir une ligne directrice, c’est bien, car ça permet de structurer et de ne pas perdre de temps, mais ça peut aussi brider l’imaginaire. Quand on laisse une histoire se construire librement, on peut être surpris par des tournants inattendus, des personnages secondaires qui prennent plus de place et deviennent essentiels. L’empire des femmes, par exemple, a été façonné en partie par ce processus. Certains rebondissements ne sont pas venus d’un plan initial, mais d’une évolution naturelle de l’histoire.

Bien sûr, cette méthode a un inconvénient : elle crée parfois des incohérences entre le début et la fin, puisqu’il n’y a pas de plan strict pour guider le récit. Ça demande donc un gros travail de réécriture pour lisser ces éléments et assurer une cohérence globale dans l’empire des femmes.

C’est hyper intéressant comme manière de travailler ! Et justement, pour revenir à l’empire des femmes, est-ce que ton approche de jardinière t’a causé des incohérences pendant l’écriture ? Si oui, est-ce que tu te souviens de ce que tu as dû retravailler ou supprimer par la suite ?

Alors… ma mauvaise mémoire va encore frapper, mais je ne crois pas que j’aie eu tant d’incohérences que ça dans l’empire des femmes. Il y en a sûrement eu, mais aucune ne m’a particulièrement marquée. Je n’ai pas d’exemple précis en tête.

Aucun souci ! Mais en tout cas, c’est fascinant de voir que toi aussi, tu es surprise par ton propre récit au fil de l’écriture de l’empire des femmes. Finalement, c’est logique que les lectrices et lecteurs ressentent cet effet, puisque toi-même, tu ne sais pas toujours à l’avance où vont les événements. Et d’ailleurs, dans le tome 2 de l’empire des femmes, j’ai été étonnée de voir qu’un certain personnage prenait beaucoup plus de place que dans le premier tome. J’ai trouvé ça génial !

Oui, clairement ! Ce n’était pas du tout prévu à la base. Je suppose que tu parles de Sirène, la meilleure amie d’Adona. Dans le tome 1, elle est un personnage secondaire. À l’origine, dans ma première version du roman l’empire des femmes (qui était un one-shot), elle était presque absente de la deuxième moitié.

Mais quand mon éditrice m’a suggéré de diviser le livre en deux l’empire des femmes, j’ai eu l’opportunité de développer une seconde intrigue avec Sirène sur Sapientia. Et en fait, ça a vraiment enrichi le tome 2. C’est un ajout qui s’est fait naturellement et qui, au final, était indispensable.

Oui, ça lui donne une vraie profondeur. Dans le premier tome, elle semble un peu superficielle, et dans le second, elle se révèle totalement. Son évolution est marquante. D’ailleurs, c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé dans l’empire des femmes : tous les personnages évoluent, parfois de manière inattendue.

C’était aussi une façon d’apporter un autre angle de réflexion dans l’empire des femmes. Adona, par exemple, commence à questionner la société matriarcale parce qu’elle a un frère jumeau. Elle est donc sensibilisée à la cause des hommes. En plus, elle tombe amoureuse d’Hélios, ce qui renforce encore son engagement contre le système en place.

Mais je voulais aussi montrer qu’il pouvait exister d’autres prises de conscience dans l’empire des femmes. Sirène ne rejoint pas le mouvement parce qu’elle veut défendre les hommes, mais parce qu’elle réalise que le système matriarcal nuit aussi aux femmes.

C’est un parallèle avec notre société patriarcale : certains hommes ne prennent conscience du problème que lorsqu’ils réalisent que le patriarcat a aussi un impact négatif sur eux. Je trouvais intéressant d’intégrer cette double approche dans l’empire des femmes, avec deux personnages féminins qui arrivent à une conclusion similaire mais par des chemins différents.

Oui, c’est hyper intelligent, et ça rend l’histoire encore plus riche. Adona et Sirène ont des parcours complémentaires dans l’empire des femmes, et leurs évolutions respectives offrent deux perspectives qui se répondent. Franchement, j’ai adoré ! Maintenant, j’espère vraiment qu’un spin-off de l’empire des femmes verra le jour un jour…

Des anecdotes sur l’empire des femmes ?

J’ai trouvé ça vraiment génial ! Alors, est-ce que j’ai d’autres petites questions avant qu’on passe à la conclusion de l’épisode… Ah oui ! Je voulais savoir si tu avais des anecdotes à partager sur l’empire des femmes.

J’avais vu un de tes posts Instagram où tu partageais cinq anecdotes sur le roman l’empire des femmes, et j’avais trouvé ça trop intéressant ! Je sais, par exemple, que tu t’es inspirée du jeu Assassin’s Creed pour certains aspects du livre, et j’ai trouvé ça assez dingue.

Oui, j’ai vraiment saigné le jeu pendant l’écriture de l’empire des femmes ! Assassin’s Creed Odyssey se déroule dans la Grèce antique, et ses décors sont absolument magnifiques. Ça m’a énormément aidée à visualiser l’univers du livre et à peaufiner mes descriptions.

Bien sûr, j’avais des photos de référence et mon imagination, mais là, avec le jeu, c’était hyper immersif. J’avais littéralement un monde antique en 3D sous les yeux. Ça a rendu l’écriture plus fluide, parce que je pouvais observer chaque détail, chaque architecture, chaque paysage.

Et puis bon… techniquement, je passais des heures à jouer, mais je me disais : Non, non, je travaille en fait ! (rires)

C’est clairement l’un des avantages de ce métier. Même la bande-son du jeu est incroyable, et je l’ai écoutée en boucle pendant l’écriture de l’empire des femmes. Elle m’a aussi accompagnée pendant l’écriture d’Atalante, parce que les deux romans ont des atmosphères assez proches. Et là, même en corrigeant le tome 2 d’Atalante, je suis encore sur la playlist d’Assassin’s Creed Odyssey. Donc on peut dire que ça m’a suivi un bon moment depuis l’empire des femmes !

C’est magnifique de voir à quel point l’inspiration peut venir de partout ! Et ça me fait penser à une autre anecdote que j’avais lue sous ton post Instagram : tu t’es aussi inspirée d’une société matriarcale existante. Je ne savais pas du tout que la plus grande société matriarcale au monde était celle des Minangkabau. Je ne suis pas sûre de la prononciation…

Je ne suis pas sûre non plus de la prononciation, mais oui, les Minangkabau sont une société matriarcale qui existe encore aujourd’hui !

Quelles ont été tes inspirations pour l’empire des femmes ?

Et du coup, cette société matriarcale, où est-elle située ? Et qu’est-ce que tu as puisé chez elle pour écrire l’empire des femmes ?

Alors, elle se trouve en Sumatra occidental, en Indonésie. C’est une société matriarcale où la filiation se fait par la mère. La femme y occupe une place centrale, beaucoup plus importante que l’homme. Mais ce qui est intéressant, c’est que ce n’est pas la femme en tant qu’individu qui détient ce pouvoir, mais la figure maternelle.

C’est encore un autre modèle de matriarcat. Mais je me suis quand même inspirée de cette société et d’autres structures matriarcales qui ont existé à travers l’Histoire. J’ai fait pas mal de recherches et j’ai pioché un peu partout pour écrire l’empire des femmes.

Ce qui m’a particulièrement marquée chez les Minangkabau (si on le prononce bien, désolée, il faudrait que j’apprenne la bonne francisation !), c’est la place des hommes dans cette structure. Ils ont un rôle spécifique : les mamaks, qui sont en quelque sorte des oncles responsables de l’éducation des enfants. C’est cette idée qui m’a inspirée pour créer les « oncles » dans l’empire des femmes.

Ah mais c’est trop bien de découvrir ces coulisses de l’empire des femmes ! C’est hyper intéressant de voir comment tu as construit cet univers en puisant dans des réalités existantes. Ça donne encore plus envie d’explorer ces sociétés matriarcales, parce que ce sont des modèles qu’on connaît finalement très peu.

Oui, c’est passionnant ! J’ai adoré étudier les différentes structures familiales à travers le monde et les époques pour l’empire des femmes. On réalise à quel point ces modèles sont construits, qu’ils sont voués à évoluer et qu’ils ont toujours évolué. Rien n’est figé. Ça remet en perspective beaucoup d’idées reçues sur la famille et le pouvoir.

Faire ces recherches pour l’empire des femmes, c’était un vrai plaisir… beaucoup plus agréable que chercher les citations sexistes pour mon roman ! (rires)

Ah ça, j’imagine !

Mais vraiment, je me retrouvais en mode non, non, non ! (rires). C’était de pire en pire. Aristote, par exemple… Je ne savais pas qu’il avait une vision aussi dégradante des femmes. On l’étudie énormément au lycée en philosophie, et on parle toujours de ses grandes idées, mais jamais de ce qu’il pensait des femmes. Quand j’ai découvert ses écrits sur le sujet, j’étais choquée. Ma prof de philo ne m’avait pas dit ça !

Mais oui, ça me fait penser à Picasso. On l’admire, on étudie ses œuvres, mais on parle très peu du contexte dans lequel il les a créées et de la manière dont il traitait les femmes de sa vie. Il puisait son inspiration en les brisant psychologiquement, et pourtant, ce n’est quasiment jamais évoqué quand on parle de lui.

C’est exactement ça. Heureusement, grâce aux mouvements féministes, on commence à mettre en lumière ces aspects. Mais c’est vrai qu’il y a encore un énorme travail à faire pour analyser les figures historiques sous un prisme plus complet. Bien sûr, à certaines époques, la misogynie était omniprésente, donc on ne peut pas non plus juger avec nos yeux modernes. Mais savoir qui étaient réellement ces figures influentes, au-delà de leur œuvre, ça change complètement la perspective qu’on a sur elles.

Le mot de la fin sur “l’empire des femmes”

Lire des œuvres écrites par des femmes, s’intéresser au féminisme, écouter des podcasts sur le sujet… et surtout, continuer à apporter notre pierre à l’édifice pour faire avancer les choses vers une société plus égalitaire.

C’est peut-être un peu idéaliste, mais je pense que ça reste dans le thème de l’empire des femmes.

Tes rôles modèles

Je ne sais pas si j’ai vraiment des rôles modèles, mais il y a des femmes qui m’inspirent énormément.

Meryl Streep, par exemple. Je la trouve incroyable, c’est une actrice fascinante qui a toujours su imposer sa voix et son talent dans un milieu où les femmes ont longtemps été reléguées au second plan.

Et puis, il y a Virginia Woolf, notamment avec Une chambre à soi, qui est pour moi un véritable chef-d’œuvre. C’est une pionnière du féminisme, et son essai reste d’une pertinence folle encore aujourd’hui.

C’est vrai que ce sont de très belles figures d’inspiration, toutes les deux. Je les valide totalement ! D’ailleurs, l’esprit de l’empire des femmes s’inscrit aussi dans cette lignée de femmes qui questionnent et bouleversent les normes.

Quelles ressources tu recommanderais aux personnes qui nous écoutent ?

Je recommanderais d’abord ton podcast, évidemment ! Ensuite, j’adore le podcast Les Couilles sur la Table. Oh là là, j’en ai trop, mais là, on me prend au dépourvu, mon cerveau bug ! (rires)

Je recommanderais aussi les essais de Mona Chollet, notamment Réinventer l’amour et Sorcières. Bon, Sorcières n’est pas mon préféré, mais Réinventer l’amour, j’ai vraiment adoré. Ça remet en perspective la vision du couple hétérosexuel, et c’est hyper intéressant. J’ai eu la chance de rencontrer Mona Chollet au Salon du Livre de Montreuil… et j’étais totalement en transe.

D’ailleurs, petite anecdote : c’était lors d’un apéro avec la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, et je ne savais pas du tout qu’elle était là. Je ne l’avais jamais vue en vrai. Il y a eu un tour de table pour se présenter, et quand elle a dit : « Salut, je suis journaliste, je m’appelle Mona… », là j’ai eu un tilt : Mona… comment ?! Et quand j’ai compris, je suis passée en mode fan girl absolue. C’était foutu, on m’avait perdue ! (rires)

Elle est énorme cette anecdote ! C’est trop drôle de la découvrir comme ça, sans s’y attendre. Tu la connaissais à travers ses livres, mais pas son visage, et d’un coup, bam, la surprise ! Ça devait être trop bien de pouvoir lui dire directement tout ce que tu pensais de son travail.

Ah mais clairement, j’étais sous le choc !

C’est fou de passer de lectrice admirative à presque collègue, en quelque sorte. Même si, bon, Mona Chollet, je ne vais pas prétendre qu’on joue dans la même catégorie… (rires) Mais ça m’a déjà fait ça avec Victor Dixen. C’était un auteur que j’admirais énormément quand j’étais ado, c’était toute ma vie.

La première fois que je l’ai rencontré en salon, je n’étais pas encore publiée. J’étais venue avec les premiers chapitres de L’Antidote Mortel imprimés pour les distribuer aux maisons d’édition. D’ailleurs, ne faites pas ça… sauf si vous êtes capables de bien pitcher votre roman. Moi, j’étais tellement stressée que je tendais le manuscrit et je partais en courant. (rires) Pas vraiment la meilleure stratégie pour donner envie à une éditrice de lire…

Mais Victor Dixen a pris mon manuscrit et l’a fait passer à son éditrice. J’étais comme une folle. Et maintenant, je me retrouve à dédicacer pas très loin de lui lors des salons. C’est complètement fou quand j’y pense !

C’est incroyable comme anecdote ! J’ai adoré Phobos de Victor Dixen, il écrit tellement bien. C’est génial de voir ton évolution, entre ce moment où tu n’osais pas pitcher ton roman et aujourd’hui, où tu sais parfaitement le faire.

Oui, mais ça m’a pris du temps ! Pour L’Antidote Mortel, les premiers salons… quand on me demandait de pitcher, je ramais complètement. C’était une galère absolue. Mais maintenant, j’ai pris l’habitude, donc ça va mieux.

Oh non, ça te rappelle un traumatisme ! (rires)

Oui, c’est ça ! (rires) Un vrai traumatisme. J’ai dû le faire tellement de fois que maintenant, c’est presque devenu un automatisme… mais à quel prix !

Alors, défi : tu nous pitches rapidement L’Antidote Mortel ?

Non, c’est trop pour moi ! Je refuse ! (rires)

Je comprends, je comprends. Et pour les personnes qui nous écoutent, vous pouvez aller lire le résumé sur Internet, ce sera très bien !

Exactement, laissez-moi tranquille ! (rires) Vous pouvez chercher le résumé, je vous fais confiance. D’ailleurs, en dédicace, c’est toujours un grand moment quand on te demande de pitcher en fin de journée.

Tu viens de passer huit heures à signer, à parler, tu es épuisée, il est 18h45, tu n’as plus de voix… et là, quelqu’un arrive : « Pouvez-vous me pitcher vos cinq romans, s’il vous plaît ? »

Là, c’est NON. (rires) La quatrième de couverture est là pour ça, s’il vous plaît. Vraiment, pour le bien-être des auteurs, un seul pitch maximum en fin de journée ! On vous sera tous reconnaissants.

Ah oui, j’imagine ! Ça doit être hyper fatiguant de rencontrer autant de monde et de signer toute la journée… À la fin, tu dois être vidée.

Que signifie le terme féminisme pour toi ?

Pour moi, le féminisme, c’est avant tout sa définition de base : l’égalité entre les femmes et les hommes, en droit et dans les faits. Tout simplement.

Je précise « dans les faits », parce que souvent, on me rétorque : « Mais enfin, en droit, on est tous égaux devant la loi ! » Oui, en théorie… mais dans la réalité, ce n’est pas aussi simple. L’égalité légale ne garantit pas l’égalité réelle, et c’est là tout l’enjeu.

Très, très bonne précision ! Il y a une vraie différence entre le droit et la liberté, et c’est essentiel de le rappeler. Mais on progresse, c’est ça qui est bien. Les choses avancent, petit à petit. Ça prend du temps, mais il faut continuer à se battre.

D’ailleurs, c’est aussi ce que montre l’empire des femmes : un système peut sembler juste en apparence, mais ses mécanismes réels peuvent être profondément inégalitaires.

Qui aimerais-tu voir au micro de matrimoine féministe ?

J’aimerais bien recommander une autre autrice, une collègue. Pourquoi pas Clara Héraut ?

Elle écrit des romans contemporains, avec une approche très différente de la mienne. Elle traite de problématiques actuelles avec beaucoup de justesse. Son livre Nos plus belles années, par exemple, aborde les violences sexistes et sexuelles dans le milieu universitaire. C’est un sujet essentiel, qu’elle traite avec énormément de pertinence. Je pense qu’elle aurait plein de choses intéressantes à dire sur ce sujet.

Merci pour la recommandation ! Je la connais de nom, mais je n’ai pas encore lu Nos plus belles années, donc il faut que je l’ajoute à ma pile à lire.

Déjà la fin de l’épisode… Je remercie toutes les personnes qui nous ont écoutées jusqu’au bout notre épisode sur l’empire des femmes, et encore un grand merci pour ton temps, Cassandre. C’est passé super vite, c’était passionnant et hyper agréable d’échanger avec toi sur l’empire des femmes!

Du coup… ciao ciao tout le monde !

Merci à toi pour l’invitation pour parler de l’empire des femmes, vraiment. C’était un plaisir.

Salut !

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Les sources de l’épisode

Ses rôles modèles et ressources mises en avant dans l’empire des femmes

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Retrouvez Cassandre Lambert de l’empire des femmes

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Episodes complémentaires à l’empire des femmes

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Bonjour, bonsoir à toutes les personnes qui nous écoutent. Je suis en compagnie de Cassandre Lambert, avec qui nous avons échangé au sujet de ses livres « l’empire des femmes ». Toutefois, avant de lui laisser la parole, je tiens à adresser un hommage tout particulier à Audrey Tribot, qui possède une véritable maîtrise des mots. C’est grâce à son travail de création de contenu que j’ai découvert ta duologie. l’empire des femmes. Cassandre, je te laisse te présenter de la manière qui te convient.

Oui, bonjour. Merci pour l’invitation, tout d’abord. Je souhaitais commencer par cela. Je m’appelle Cassandre Lambert, j’ai 24 ans et je suis romancière depuis quatre ans. J’ai publié six romans chez Didier Jeunesse ainsi que chez Le Livre de Poche. J’écris aussi bien de la fantasy que de la dystopie et du contemporain, et bientôt, une réécriture mythologique, puisque mon prochain roman, qui paraîtra le 6 novembre, s’inscrit dans ce registre. l’empire des femmes.

En parallèle, j’affectionne particulièrement le sport, notamment l’escalade, que je pratique assidûment. Cette année, je participe également à Koh Lanta, pour celles et ceux qui suivent l’émission et connaissent un peu son univers. Je suis ravie d’être ici aujourd’hui pour parler de l’empire des femmes.

Pitche-nous l’empire des femmes

Merci pour ta présentation. À présent, pour entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous présenter l’empire des femmes en quelques mots, sans révéler d’éléments clés de l’intrigue ?

Allez, ça marche. l’empire des femmes, c’est une duologie dystopique qui met en scène une société matriarcale où les femmes dominent tandis que les hommes sont réduits à l’esclavage. L’histoire suit deux personnages : Adona, une jeune femme issue de l’élite de cette société, élevée dans le privilège, et Elios, un homme réduit en esclavage. Elios vit sur une île isolée appelée Teneros, où, chaque année, les femmes viennent sélectionner des hommes pour en faire des géniteurs. l’empire des femmes.

Les hommes choisis doivent alors participer à un tournoi de la procréation, un affrontement violent où ils s’entretuent pour obtenir le droit de devenir géniteurs. Ceux qui l’emportent ne sont plus considérés comme des esclaves ordinaires, mais bénéficient de droits légèrement supérieurs. Cependant, Elios n’a pas l’intention de se soumettre à ce système. Il ne participe pas dans l’espoir d’être sélectionné, mais dans un but bien plus ambitieux : provoquer une révolution et renverser l’ordre établi. l’empire des femmes.

Merci beaucoup pour cette présentation. D’ailleurs, j’ai les livres sous les yeux, car j’ai absolument tenu à t’interviewer après avoir été totalement captivée par cette duologie. l’empire des femmes. J’ai sincèrement adoré ton style d’écriture : ta plume est magnifique, et l’histoire est d’une intensité remarquable.

Ce qui m’a particulièrement plu, c’est que ton récit propose une perspective différente de ce que l’on retrouve dans La Servante écarlate ou encore L’Année de Grâce. Là où ces récits dénoncent un système patriarcal, tu proposes un contre-pied avec un régime matriarcal oppressif. C’est une approche originale et extrêmement bien menée. l’empire des femmes.

Merci.

Les citations inspirées de la réalité

Avec plaisir ! Je vais donc partager mon ressenti sur l’empire des femmes. J’ai été conquise dès la première page. Ce qui m’a particulièrement marquée dans le premier tome, c’est la manière dont, en début de chaque chapitre, tu inverses des textes. J’ai trouvé extrêmement puissant de débuter avec une réécriture du mythe d’Adam et Ève. l’empire des femmes. Cela donnait immédiatement une entrée en matière percutante. D’une certaine manière, dans les textes religieux, c’est à partir de là que les femmes ont commencé à être discriminées. Voir cette inversion m’a paru brillant.

C’était précisément l’objectif. Je voulais que cette société, bien que fictive, ait une base crédible et repose sur des éléments tangibles. J’ai donc pris beaucoup de plaisir à rechercher ces textes empreints de misogynie. l’empire des femmes. Je n’ai d’ailleurs pas eu à chercher longtemps, la matière était abondante. Le récit débute ainsi avec une réécriture du péché originel.

D’ailleurs, petite anecdote que je raconte souvent : lorsque j’ai écrit ces citations en tête de chapitre, je n’avais initialement pas précisé leurs sources. Mon éditrice, en découvrant le premier jet, m’a fait part de son étonnement : « Cassandre, c’est extrêmement violent, presque trop. Cela me semble irréaliste. » l’empire des femmes. Je lui ai alors répondu que ces citations étaient bien réelles et que je m’étais simplement contentée d’inverser certains termes comme « homme » et « femme ».

Lorsqu’elle a pris conscience de leur origine, elle a été véritablement choquée. Progressivement, je lui ai transmis les sources et les auteurs concernés. Nous avons alors décidé d’ajouter une annexe à la fin du livre pour montrer que ces textes ne sortaient pas de nulle part, mais qu’ils existaient bel et bien.

C’est fascinant, car moi aussi, au départ, je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait de véritables citations. l’empire des femmes. Cela met en lumière à quel point la misogynie est ancrée dans la société. Ce qui est particulièrement intéressant dans ton approche, c’est qu’en inversant le prisme et en plaçant un système matriarcal en position dominante, on perçoit beaucoup plus clairement les inégalités. Ce changement de perspective permet une prise de conscience percutante.

Pourquoi ton roman se passe à l’Antiquité ?

Et donc, ton roman se déroule à l’Antiquité. Pourquoi as-tu choisi cette période en particulier ? l’empire des femmes.

J’ai choisi l’Antiquité, car cela me semblait particulièrement visuel pour ancrer cette histoire dans une époque marquante. Bien que l’univers que j’ai créé soit totalement fictif, il s’inspire de l’Antiquité gréco-romaine. l’empire des femmes.

À cette époque, la possession d’esclaves était ancrée dans les mœurs. Chaque famille aisée en possédait. Cela me semblait donc immédiatement compréhensible pour le lecteur et la lectrice. l’empire des femmes. De plus, l’univers du roman diffère déjà énormément de notre réalité, et il contient un worldbuilding riche avec de nombreuses informations. En choisissant cette période, je savais que cela faciliterait l’immersion, car les lecteurs auraient instinctivement des images en tête, ce qui allègerait la complexité du worldbuilding tout en renforçant la crédibilité du récit.

Je pense qu’il m’aurait été bien plus difficile d’inventer une société entièrement nouvelle dans un univers de fantasy médiévale, ce qui aurait ajouté une couche de complexité supplémentaire. l’empire des femmes. Mon objectif était de rendre ce monde à la fois immersif et réaliste, et l’Antiquité s’est imposée comme un cadre idéal.

Comment as-tu eu l’idée d’écrire l’empire des femmes ?

Alors, je l’explique brièvement à la fin de l’empire des femmes dans une note où je retrace la genèse du projet. Cela faisait longtemps que je voulais écrire un roman engagé, un roman féministe, mais je ne savais pas trop comment l’aborder ni par où commencer.

L’idée s’est développée progressivement. En grandissant, j’ai pris conscience de nombreuses inégalités que l’on subit en tant que femme au quotidien. Plus j’avançais dans la puberté, plus je voyais le regard des hommes changer sur moi, et j’ai réalisé qu’il y avait un sujet essentiel à traiter. J’avais envie de l’écrire correctement, de lui donner la force nécessaire, alors j’ai attendu le bon moment.

L’élément déclencheur a été un cours de gymnastique. Pendant un an, j’ai été professeure et j’entraînais un groupe composé uniquement de filles, à l’exception d’un seul garçon. Ils avaient entre six et huit ans. Un jour, j’ai demandé à une fille et un garçon d’aller chercher une caisse pour un exercice. Ils s’exécutent, et lorsque je me retourne, je vois la fillette marcher joyeusement tandis que le garçon peine sous le poids de la caisse.

Surprise, je lui demande pourquoi elle ne l’aide pas. Et là, du haut de ses six ans, elle me répond : « C’était pour voir si c’était un vrai homme ou pas. » Cette phrase m’a coupé le souffle.

J’ai alors regardé le garçon et lui ai demandé si cela le dérangeait. Il m’a répondu avec assurance : « Non, moi aussi, je voulais voir si j’étais un vrai homme. » À cet instant, j’ai compris que, malgré les avancées sociétales, des stéréotypes aussi profondément ancrés continuaient de se transmettre dès l’enfance. Ces enfants incarnaient la nouvelle génération, ils n’avaient que six ans, et pourtant, ces idées étaient déjà implantées dans leur esprit.

Cette prise de conscience a été un déclic. J’ai su que je devais écrire sur ce sujet. J’ai alors commencé à faire des recherches, et l’empire des femmes a pris forme. Bien sûr, ce moment n’a été qu’un élément déclencheur parmi tant d’autres, car au quotidien, ces constats se multiplient.

Ton anecdote est édifiante. Elle illustre bien à quel point les stéréotypes sont intégrés dès l’enfance. Cela me fait penser à une étude où des scientifiques ont testé les performances des filles et des garçons en mathématiques. Lorsque l’exercice était présenté comme un problème de maths, les filles obtenaient de moins bons résultats. Mais lorsqu’il était formulé sous forme de dessin, elles réussissaient tout aussi bien que les garçons.

Cela prouve à quel point nous sommes conditionnés dès le plus jeune âge. Ces biais sont omniprésents et façonnent nos comportements sans même que nous en ayons conscience. C’est pour cela que l’existence de livres comme l’empire des femmes est essentielle : pour provoquer une réflexion et faire évoluer les mentalités.

Cela me rappelle une autre étude que tu as peut-être vue. Un groupe d’enfants devait goûter un yaourt volontairement surchargé en sel. Les garçons, après l’avoir goûté, n’ont pas hésité à cracher en déclarant que c’était immangeable. De leur côté, les filles, bien qu’on puisse lire leur dégoût sur leur visage, ont suivi les consignes et affirmé devant la caméra : « Ce yaourt est délicieux. »

Encore une fois, cela met en lumière la différence d’éducation. Dès l’enfance, on apprend aux filles à se conformer, à ne pas s’opposer, tandis que les garçons sont encouragés à affirmer leurs opinions et à contester ce qui ne leur convient pas.

Oh, je ne connaissais pas cette étude, mais cela ne m’étonne pas. C’est triste de voir que les filles sont éduquées dès leur plus jeune âge dans un esprit de sacrifice. Cela me fait penser à un autre phénomène très parlant : la place des filles et des garçons dans les cours de récréation. Le terrain de football est accaparé par les garçons, tandis que les filles restent sur les côtés, n’osant pas s’imposer.

Et le pire, c’est que cette dynamique est rarement questionnée, même par les adultes. J’ai discuté de cela avec Caroline Peiffer, que j’ai interviewée dans mon podcast. Elle expliquait que même dans les bulletins scolaires, une fille et un garçon ayant la même note reçoivent souvent des appréciations très différentes. Pour un garçon, on dira « Il n’a pas exploité tout son potentiel. » Pour une fille, ce sera plutôt « Peut mieux faire. »

C’est une manière insidieuse de maintenir les filles sous pression en leur faisant comprendre qu’elles doivent toujours fournir un effort supplémentaire.

J’ai également observé cela lors de mon service civique dans une école, où je gérais la bibliothèque et proposais des exercices de lecture et d’écriture. Le midi, la bibliothèque était en libre accès, et j’ai remarqué que 95 % des enfants qui venaient étaient des filles.

Les garçons, bien que certains semblaient intéressés, n’osaient pas entrer. Ils avaient peur d’être moqués par leurs camarades pour avoir choisi une activité perçue comme féminine. À la place, ils restaient dans la cour à courir et à jouer au ballon, même si ce n’était pas ce qu’ils avaient réellement envie de faire.

Le plus frappant, c’est que même les adultes participent à cet enracinement des stéréotypes. Je me souviens d’une surveillante qui, en voyant des garçons jouer de manière turbulente, envoyer le ballon sur les filles et crier, s’est contentée de dire : « C’est normal, ce sont des garçons, ils ont besoin de se défouler. »

J’étais sidérée. Dire cela devant eux, c’était leur donner l’impression que ce comportement était naturel et acceptable. Pourtant, ce genre d’attitude contribue à perpétuer ces différences, qui se retrouvent ensuite partout, jusque dans des structures sociales plus larges. C’est exactement ce que l’empire des femmes cherche à déconstruire : montrer que ces inégalités ne sont pas innées mais bien le fruit d’une éducation différenciée.

Le jugement de ton livre à son titre

Mais oui, c’est toujours la même chose. On trouve des excuses aux garçons, tandis que les filles sont bridées. Cela a toujours existé, et c’est vraiment regrettable. D’ailleurs, ce que tu disais sur les garçons qui n’allaient pas à la bibliothèque me rappelle une autre situation. En dédicace, j’ai vu sur tes réseaux sociaux que certains hommes jugeaient négativement ton livre juste à cause de son titre, sans même prendre le temps de le lire. l’empire des femmes, rien que ces mots semblent suffire à déclencher une réaction.

C’est une réaction que je rencontre fréquemment. Avec l’empire des femmes, j’ai très peu de lecteurs masculins. En dédicace, 90 % des personnes qui viennent me voir sont des femmes ou des jeunes filles. Le titre attire l’attention, il interpelle, et c’est précisément ce que je recherchais. Mais paradoxalement, je n’ai jamais eu autant de critiques gratuites de la part de passants – et non de lecteurs, car ces personnes n’ont même pas ouvert le livre.

Lors de certaines séances de dédicaces, des hommes s’arrêtent et lancent des remarques désobligeantes : « l’empire des femmes, encore un truc féministe exagéré.«  J’ai même entendu un homme commenter : « C’est comme maintenant, quoi. » Ce à quoi j’ai eu envie de répondre : « Donc on ne vit clairement pas dans le même monde. » Mais bon, passons.

Un exemple qui m’a particulièrement marquée : un couple d’une trentaine d’années avec une poussette. La femme jette un coup d’œil à mon livre et taquine son compagnon : « Regarde chéri, l’empire des femmes. » Lui, immédiatement, la prend par l’épaule et rétorque : « Oh non, tu vas encore te mettre des mauvaises idées en tête. » Puis ils s’éloignent sous mes yeux, comme si mon roman représentait une menace.

Ce qui me frappe avec ce titre, c’est qu’il dérange, il vexe. Certains le perçoivent comme une provocation avant même de s’intéresser à son contenu. Pourtant, la quatrième de couverture est explicite : « Les femmes dominent, les hommes sont esclaves, la révolte est en marche. » Tout est là, noir sur blanc, expliquant que le système en place est remis en question. Mais avant même d’y jeter un œil, le simple fait de voir ces trois mots – l’empire des femmes – déclenche une réaction épidermique.

Une fois qu’ils lisent le résumé, certains finissent par se rassurer : « Bon, d’accord, si c’est dénoncé, alors ça passe. » Pourtant, si je tombais sur un roman intitulé L’Empire des hommes, ma réaction ne serait pas d’être vexée, mais simplement de me demander si l’histoire m’intéresse ou non. Il y a ici une forme de résistance qui m’a réellement surprise.

Cela me fait penser à ces réactions classiques que l’on voit dès qu’il est question de féminisme ou de violences faites aux femmes. Il y a toujours un homme pour réagir avec un « Not all men », comme s’il fallait systématiquement détourner le débat pour défendre un point de vue personnel.

Ce que j’apprécie dans ton livre, c’est qu’il met en évidence le fait qu’un régime matriarcal totalitaire ne serait pas plus souhaitable qu’un régime patriarcal. L’inverse d’un système oppressif ne signifie pas nécessairement quelque chose de juste ou d’équilibré. C’est une réflexion qui me semble essentielle.

En tant qu’autrice, tu avais toute liberté d’écrire cette histoire comme tu l’entendais. Tu aurais très bien pu choisir de ne pas proposer de morale à la fin, de faire en sorte que la révolte échoue et que la condition des hommes empire encore plus. L’important est que la littérature reste un espace d’imaginaire où chacun peut interpréter une œuvre à sa manière et en tirer ses propres enseignements.

Certains hommes me disent : « Bon, ça va si à la fin c’est dénoncé. » Et à cela, j’ai envie de répondre : « Et alors ? J’aurais très bien pu ne pas le dénoncer. Et alors ? »

La signification du titre et de la couverture

Oui, tout ce que tu dis est très juste. Et cela me fait penser à plusieurs questions. J’avais vu que l’empire des femmes n’avait pas ce titre à l’origine, qu’il avait été modifié en cours de route. De même, la couverture a connu plusieurs versions avant d’arriver au visuel final. Peux-tu nous parler de cette évolution ? Et tant qu’on y est, pourrais-tu donner quelques exemples concrets de ce que tu dénonces dans ton livre ? Cela permettrait aux personnes qui nous écoutent de mieux comprendre comment on vit à Sapienta et à Teneros.

Alors, pour le titre, c’est vrai que lorsque j’ai écrit le roman, je l’avais initialement appelé Au nom de la Mère. Dans cet univers, il n’y a pas de dieu masculin, mais une déesse unique, appelée la Mère, qui régit toute la société. La population est profondément religieuse et utilise cette expression comme un mantra, une sorte de prière répétée au quotidien. Ce titre me semblait donc logique.

Cependant, mon éditrice a fait des tests avec des adolescents de 13-14 ans, qui restent le cœur de cible du roman. Lorsqu’elle leur a demandé ce que Au nom de la Mère leur évoquait, les réponses étaient très floues. Certains pensaient que cela parlait de maternité, d’autres ne voyaient pas vraiment où cela menait.

C’est alors qu’elle m’a proposé le titre l’empire des femmes. Et immédiatement, cela m’a semblé évident. Il n’y avait pas besoin de chercher plus loin : l’empire des femmes pose d’emblée l’univers, on comprend immédiatement de quoi il s’agit. C’était percutant, efficace, et j’ai tout de suite adhéré à cette idée.

Concernant la couverture, comme toujours, nous avons fait plusieurs essais avant de trouver la bonne. La première version ressemblait trop à une couverture déjà existante, et nous avions peur d’être accusés de plagiat. Nous avons donc dû revoir notre approche.

Finalement, nous avons opté pour un visuel mettant en avant un poignard, un symbole fort qui évoque à la fois l’Antiquité et la violence du système en place. La couverture est volontairement sombre, presque austère, car l’empire des femmes est un roman dur, avec des scènes qui peuvent être choquantes pour certains lecteurs. Il était important que cette ambiance se reflète dès le premier regard.

Comment on vit à Sapientia ?

Sapientia, d’ailleurs, signifie sagesse en latin. Je voulais vraiment enfoncer le couteau jusqu’au bout, car dans cette société, les hommes sont considérés comme des esclaves, sans aucun droit. l’empire des femmes repose sur l’idée que même si les hommes possèdent en moyenne une plus grande force physique que les femmes, pourquoi cette force serait-elle valorisée ?

Je suis partie du postulat que, dans ce système, la force physique serait au contraire perçue comme une faiblesse. Si la déesse t’a donné cette force, alors ton rôle est d’effectuer les tâches ingrates, celles que les femmes ne veulent pas faire. l’empire des femmes inverse totalement la hiérarchie traditionnelle des genres.

Je me suis beaucoup inspirée de l’Antiquité, où le travail manuel était considéré comme dégradant. À cette époque, la véritable valeur résidait dans l’éloquence, dans la culture de l’esprit. Travailler de ses mains était réservé aux esclaves. J’ai transposé cette vision dans le roman : les hommes ne peuvent rien faire d’autre que servir les femmes.

Lorsqu’un homme est sélectionné comme géniteur, il est littéralement acheté par une femme et n’a pour seule fonction que de lui donner un enfant. Et cela s’arrête là. Ceux qui ne sont pas géniteurs travaillent dans les champs, sont affectés au travail domestique ou exécutent d’autres tâches subalternes.

Il existe néanmoins une catégorie particulière d’hommes, appelés les Oncles. Ceux-là ont un peu plus de droits, mais à un prix terrible. Ils sont issus de familles riches, qui les envoient à l’Académie des Hommes Modèles, une institution où ils apprennent à s’occuper des enfants et à devenir des figures masculines acceptables pour la société. l’empire des femmes leur impose cependant une condition ultime : après avoir réussi une série de tests exigeants, ils doivent être émasculés pour être autorisés à travailler auprès des enfants. C’est ce prix qui leur permet d’accéder à un statut légèrement supérieur aux autres hommes.

Oui, c’est un univers très bien construit et certaines scènes sont marquantes. L’un des moments qui m’a le plus frappée est justement le passage où l’un des personnages veut devenir un Oncle. Déjà, le processus pour y parvenir est d’une brutalité incroyable… et l’épreuve finale avec l’émasculation est juste waouh. Quand j’ai lu ça, je me suis dit : Qu’est-ce qu’il se passe ?!

D’ailleurs, petite anecdote : un homme ayant lu l’empire des femmes m’a confié que le passage sur l’émasculation l’avait choqué. Il m’a demandé « Mais où est-ce que vous allez chercher toutes ces idées ? », complètement abasourdi. Et je lui ai simplement répondu que je m’étais inspirée de l’excision, une pratique qui existe encore aujourd’hui dans certaines régions du monde. Malheureusement, je n’ai pas eu besoin d’aller chercher bien loin dans mon imaginaire…

Le sexisme de la langue française

Non, je suis d’accord, c’est terrible ce qui peut se passer. D’ailleurs, quand tu me parles de ça, ça me fait penser à une comédienne-artiste que j’adore, Typhaine D. Dans ses spectacles, elle inverse les rôles et les situations, un peu comme ce que tu fais dans l’empire des femmes. Elle avait même trouvé un terme pour évoquer l’excision appliquée aux hommes : Pénexcision. Je trouve que c’est une idée forte. Si tu ne connais pas encore tout son travail, je pense que tu apprécierais, car c’est vraiment complémentaire à ton univers.

Je la suis sur Instagram et j’ai même eu l’occasion d’assister à l’un de ses spectacles. J’aime beaucoup ce qu’elle propose. Ses mises en scène choquent, font parler, et ses idées sont percutantes. Elle réussit à susciter le débat, et je trouve cela essentiel.

Oui, et ce qui est impressionnant avec Typhaine D, pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, c’est qu’elle a inventé un langage qu’elle appelle la féminine universelle. Elle conjugue et accorde tout au féminin, ce qui permet de mettre en lumière à quel point la langue française est genrée et sexiste. Encore une fois, en inversant la situation, on réalise immédiatement l’ampleur du problème.

Et pourtant, on doit encore se battre pour faire accepter des mots qui ont toujours existé, comme autrice. Chaque fois que je me présente en tant qu’autrice, on me rétorque : « Pourquoi tu inventes des mots ? ». Même dans mon propre métier, il faut encore justifier l’usage de termes qui font partie de la langue française depuis des siècles.

C’est absurde, surtout quand on sait que des termes comme chevaleresse ou philosophesse existaient au Moyen Âge. Ils ont été volontairement supprimés par l’Académie française à une époque où les femmes commençaient à prendre plus de place dans l’espace public. Il fallait alors les invisibiliser. Ce qui est d’autant plus ironique, c’est que la fameuse règle « le masculin l’emporte sur le féminin » n’a été imposée qu’au XVIIe siècle, alors qu’avant, l’accord se faisait en fonction du mot le plus important dans la phrase.

Exactement. Et ce qui me fait rire, c’est que les personnes qui s’opposent à ces mots se revendiquent souvent comme les grands défenseurs de la langue française. Pourtant, ils ne connaissent ni son histoire ni son évolution. Si c’était le cas, ils sauraient que autrice existait bien avant leur naissance.

Sur les réseaux sociaux, on retrouve énormément de ces réactions absurdes. Il y a une forte présence de haters dans les commentaires, et parfois, ça devient vraiment navrant.

Ouais, récemment sur TikTok, j’ai publié une vidéo où je disais simplement « Je suis autrice. » C’était une tendance, rien de plus. Et pourtant, les commentaires se sont emballés, avec des gens qui s’offusquaient juste pour ce mot.

C’est dingue qu’ils s’indignent pour si peu, alors que sur des sujets autrement plus graves, ils restent silencieux. Quand il s’agit d’affaires comme celle de Gisèle Halimi ou d’autres figures féministes, où sont-ils ? Certains prennent la parole, bien sûr, et c’est bien. Mais voir autant d’énergie dépensée à attaquer un mot, alors qu’il y a des combats bien plus importants à mener, c’est désespérant.

Après, sur les réseaux sociaux, c’est toujours un peu particulier. Ce sont surtout les haters qui s’expriment le plus fort, tandis que la majorité silencieuse ne dit rien. Je peux comprendre que certaines personnes n’osent pas intervenir, parce que les commentaires peuvent vite devenir violents et toxiques. Certains passent leur temps à chercher la moindre chose à critiquer, sans aucun recul.

On ne refera pas le monde… mais tout cela me fait encore une fois penser à l’empire des femmes.

Combien de temps as-tu mis pour écrire l’empire des femmes ?

Je crois que j’ai mis environ huit mois pour écrire le tome 1 et le tome 2, parce qu’à la base, je l’avais conçu comme un one-shot. C’était un manuscrit énorme, un one-shot de plus de 850 pages. Psychologiquement, après avoir terminé L’Antidote mortel en deux tomes, ce qui avait été éprouvant, je m’étais dit : Je ne veux pas écrire une duologie, cette fois je fais un seul livre.

Sauf qu’au final, ce one-shot faisait plus de 800 pages… et j’ai bâclé la fin, parce que je voyais le compteur de mots exploser. Je me répétais : C’est trop long, c’est trop long, et j’ai précipité la conclusion du récit.

Mon éditrice m’a alors dit : Cassandre, tu vois bien que c’est trop volumineux et que la fin est bâclée. On va couper le livre en deux et tu vas réécrire le tome 2 pour bien développer ce qui doit l’être. Et j’ai dû admettre qu’elle avait raison. J’ai voulu me simplifier la tâche en condensant tout en un seul volume, mais ça n’a pas fonctionné. J’ai donc retravaillé le texte, et cette réécriture m’a pris cinq à six mois supplémentaires.

En tout cas, je trouve que tu écris à une vitesse impressionnante ! Pour produire un livre aussi qualitatif en si peu de temps… Wow ! Franchement, tout mon respect. Ce sont les seuls livres que j’ai lus de toi pour l’instant, mais l’empire des femmes m’a donné envie de découvrir le reste de ton travail. D’ailleurs, je me suis souvent dit : J’aurais adoré qu’il y ait un troisième tome !

Le troisième tome, on me l’a énormément demandé. J’y ai moi-même réfléchi, mais pas pour une suite directe. J’ai hésité à écrire un spin-off ou une nouvelle histoire dans cet univers. J’avais même commencé à rédiger un synopsis, mais finalement, je suis partie sur un projet contemporain. Cela dit, il y a clairement de la matière pour revenir un jour à l’empire des femmes. Rien n’est exclu.

Oh, donc il y a peut-être une possibilité qu’un spin-off voie le jour un jour ? On ne sait pas quand, mais ça reste une possibilité ? C’est trop bien à savoir ! Le jour où ce sera en cours, je serai ravie et je l’achèterai sans hésiter !

Oui, et pour revenir à ce que tu disais sur ma rapidité d’écriture, ça peut sembler rapide, mais il ne faut pas oublier que j’écris à temps plein. Je n’ai pas d’autre métier à côté, donc mes journées sont entièrement consacrées à l’écriture. C’est ce qui explique que j’avance aussi vite sur mes projets.

A quel âge as-tu commencé à écrire ?

Oui, je comprends. Mais du coup, tu as commencé assez jeune ? À quel âge as-tu commencé à écrire ?

J’écris depuis que je suis toute petite. À 10 ans déjà, j’inventais des histoires. Au collège, j’ai écrit un roman à 14 ans que j’ai envoyé à des maisons d’édition. J’étais très optimiste et pleine de confiance… mais j’ai essuyé des refus partout. À cet âge-là, j’ai eu l’impression que ma carrière était terminée, qu’un échec signifiait que je ne serais jamais publiée. Dans ma tête, c’était irrévocable.

Ensuite, j’ai commencé L’Antidote mortel au lycée, à 17 ans. Il a finalement été publié quand j’avais 20 ans. Puis tout s’est enchaîné. En parallèle, j’ai fait une licence de droit, et entre deux cours, je continuais à écrire. Quand j’ai terminé ma licence, j’avais déjà trois romans à mon actif.

C’est là que je me suis posé la question : Est-ce que je continue vers un master, sachant que j’aurai beaucoup moins de temps pour écrire ? Ou bien Est-ce que je prends un boulot, au risque d’être happée par une routine qui me laissera peu d’espace pour ma passion ? J’avais peur de tomber dans une spirale où le besoin d’un revenu stable finirait par me freiner dans mes ambitions.

Je ne voulais pas m’habituer à la sécurité d’un salaire mensuel, me dire Si je perds cette stabilité financière, qu’est-ce que je fais ? et ne plus oser me lancer pleinement dans l’écriture. l’empire des femmes faisait déjà son chemin, et j’ai décidé que c’était le bon moment pour me donner toutes mes chances. Je me suis dit : Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave, je pourrai toujours reprendre des études ou un travail plus tard. Mais au moins, j’aurai essayé à fond.

Et voilà comment, après ma licence de droit, j’ai choisi de me consacrer entièrement à l’écriture.

Franchement, c’est inspirant. Je suis super contente que tu vives ton rêve aujourd’hui. C’est beau, et tu peux vraiment être fière de toi. Chapeau.

Comment cela se passe quand on est autrice ?

Mais du coup, pour les personnes qui nous écoutent, comment ça se passe quand on est autrice ? J’imagine que le milieu du livre a un fonctionnement très particulier en ce qui concerne les revenus. Combien gagne une autrice sur un livre vendu ? Je suppose que ce n’est pas énorme. Si tu pouvais nous expliquer un peu, ça permettrait aux gens de mieux comprendre cette réalité.

Alors, les revenus varient en fonction des maisons d’édition et des contrats signés. De manière générale, en littérature jeunesse, un auteur perçoit entre 8 et 10 % du prix de vente du livre. Pour la littérature adulte, les taux sont un peu plus élevés, autour de 10 à 12 %.

Ces pourcentages fonctionnent souvent par paliers : par exemple, un auteur peut toucher 8 % jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, puis 9 % jusqu’à 20 000, et enfin 10 % au-delà. l’empire des femmes suit ce même principe.

En plus de ces droits d’auteur, il existe ce qu’on appelle des avaloirs. Il s’agit d’une avance sur les ventes, que l’auteur touche au moment de la signature du contrat. Cette somme varie selon les maisons d’édition : elle peut être de 3 000 à 4 000 euros, parfois plus si l’éditeur mise beaucoup sur un livre. Cela permet d’avoir un minimum garanti, même si le roman ne se vend pas du tout.

Cependant, plus l’avance est élevée, plus il faut attendre avant de percevoir de nouveaux revenus. Tant que les ventes ne couvrent pas l’avance versée, l’auteur ne touche rien de plus. Certains préfèrent recevoir un gros avaloir immédiatement pour sécuriser leur trésorerie, tandis que d’autres, comme moi, préfèrent un avaloir plus modeste pour ensuite percevoir plus rapidement des droits d’auteur lors de la reddition de comptes annuelle.

Car oui, il faut savoir qu’en tant qu’auteur, on est payé une seule fois par an, généralement en juin ou juillet, au moment où l’éditeur nous envoie un relevé détaillant le nombre d’exemplaires vendus et les droits générés. C’est donc une grosse somme d’un coup… qu’il faut ensuite réussir à gérer sur l’ensemble de l’année.

Heureusement, il existe d’autres sources de revenus complémentaires. Par exemple, comme j’écris aussi pour la jeunesse, je fais beaucoup d’interventions scolaires dans les collèges et lycées. Ces interventions sont rémunérées selon les tarifs fixés par la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

On peut également être payé pour des tables rondes, des ateliers d’écriture ou des conférences. Souvent, dans les salons du livre, on dédicace nos livres le week-end, mais les jeudi et vendredi sont consacrés aux interventions et animations, qui permettent d’ajouter un complément de revenus non négligeable.

C’est donc un équilibre à trouver entre les ventes de livres et toutes ces activités annexes. l’empire des femmes, par exemple, m’a permis de multiplier les rencontres et de toucher un public plus large, ce qui est aussi une manière de pérenniser son activité d’autrice.

Combien de tomes vendus pour l’empire des femmes ?

Ok, merci pour ces explications, c’est très clair. On comprend mieux le fonctionnement du métier d’autrice. Est-ce que tu te souviens des chiffres pour l’empire des femmes ? Combien d’exemplaires ont été vendus ?

On est à plus de 10 000 exemplaires vendus pour le tome 1 de l’empire des femmes. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais c’est à peu près ça.

Oh, wow ! Et l’empire des femmes est sorti en septembre… Quelle année déjà ? 2022 ?

Honnêtement, je ne sais plus exactement. Je suis vraiment nulle avec les dates ! Mais oui, l’empire des femmes est sorti en septembre… il y a quelques années. Trois ans, je dirais. Voilà, à peu près.

Ton nouveau roman Atalante

Et il y a l’édition de poche de l’empire des femmes qui va bientôt sortir, si j’ai bien vu ?

Oui, le tome 1 en poche de l’empire des femmes est sorti en septembre, et le tome 2 devrait suivre en 2025.

Ok, c’est bon à savoir ! Et du coup, ça me fait penser à ton nouveau roman, Atalante, si je le prononce bien ? Est-ce qu’il s’inscrit dans un univers féministe, un peu comme l’empire des femmes, ou est-ce que c’est totalement différent ?

Atalante, oui. C’est une réécriture mythologique, donc là, on est vraiment ancré dans la Grèce antique, à 100 %. Contrairement à l’empire des femmes, qui était une dystopie, ici, on est dans un univers réaliste basé sur des villes qui ont existé : Sparte, Athènes… Il y a d’ailleurs une carte au début du livre pour mieux situer les déplacements des personnages.

Cela dit, Atalante reste un roman avec une portée féministe, puisque je donne la parole à une héroïne de la mythologie grecque qui a été largement oubliée. Personnellement, j’ai toujours été passionnée par la mythologie grecque, et pourtant, je n’ai découvert son existence que très récemment, il y a un an et demi.

Quand j’ai vu tout ce qu’elle avait accompli, tous les exploits auxquels elle était liée, je me suis dit : C’est incroyable qu’on n’en parle pas plus ! J’ai donc voulu lui rendre hommage à travers ce livre.

Cependant, à la différence de l’empire des femmes, où les femmes dominaient la société, ici, Atalante évolue dans un monde entièrement masculin. C’est d’ailleurs la seule femme de l’équipage des Argonautes, ces héros rassemblés par Jason pour partir en quête de la Toison d’Or. Elle a accompli de nombreux exploits, et j’avais envie de raconter son histoire en mettant en avant tout ce qu’elle a traversé. Le livre sort très bientôt, le 6 novembre !

D’accord ! Pour les personnes qui nous écoutent et qui ne connaissent pas du tout Atalante, est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur son mythe ? Parce que là, tu as évoqué la Toison d’Or, mais moi, je ne visualise pas du tout l’ensemble de son histoire.

Bien sûr ! Atalante est une héroïne de la mythologie grecque. Son père, Iasos, était un roi, et lorsqu’elle est née, il l’a abandonnée, car il voulait un héritier mâle et ne voulait pas s’embarrasser d’une fille.

Elle a été recueillie par une louve, puis élevée par deux chasseurs. C’est alors qu’Artémis, la déesse de la chasse, a remarqué son cas et s’est penchée sur son destin. Elle lui a accordé plusieurs dons, notamment une vitesse exceptionnelle. Grâce à Artémis, Atalante est devenue une coureuse prodigieuse, ce qui allait lui ouvrir un avenir hors du commun.

Après avoir grandi auprès des chasseurs, elle a été prise en charge par Chiron, le centaure légendaire qui formait les plus grands héros grecs. C’est lui qui a aussi enseigné à Jason, Ulysse, Asclépios… Atalante a donc reçu la même formation que ces figures mythologiques emblématiques.

Dans mon livre, je raconte son parcours en me basant sur les mythes existants. Évidemment, la mythologie est un univers très foisonnant, avec des récits qui varient selon les sources et des incohérences temporelles. J’ai essayé de rester fidèle aux grandes lignes tout en modernisant certains aspects et en ajoutant ma propre interprétation. Comme c’est une réécriture, j’ai pris certaines libertés… mais toujours en respectant l’esprit du mythe !

Ton rapport à l’écriture

J’ai hyper envie de lire Atalante également ! D’ailleurs, ce que je trouve fascinant, c’est que chacun de tes romans est très différent. Que ce soit L’Antidote mortel, l’empire des femmes, ou encore… mince, celui que… Ah, je ne me souviens plus du titre !

Celle que je cherchais ?

Oui, voilà ! Je ne l’ai pas encore lu, c’est pour ça. Mais ce qui est dingue, c’est ta capacité à écrire dans des genres si variés. En général, les auteurs restent dans une catégorie : un auteur de thrillers, par exemple, va souvent écrire exclusivement des thrillers. Toi, tu peux explorer tous les styles, et c’est fascinant ! Comment fais-tu pour naviguer d’un univers à un autre ?

Je pense que c’est parce que je me lasse vite. J’aime découvrir de nouvelles choses et me renouveler dans l’écriture. Pour moi, c’est aussi comme ça qu’on progresse : en testant différents genres.

Quand je passe un an à travailler dans un univers, une fois le projet terminé, j’ai besoin de changement. J’ai envie de passer à autre chose, de m’immerger dans un monde totalement différent. C’est ce qui m’a toujours poussée à varier mes projets.

Cela dit, j’avais quand même écrit quatre romans d’imaginaire : L’Antidote mortel et l’empire des femmes restent des récits avec une construction de monde très marquée. Puis, je suis passée à Celle que je cherchais, un roman contemporain ancré dans la réalité, qui se déroule à Lyon, ma ville. Là, c’était un vrai contraste.

Je me suis demandé si mon lectorat, habitué à me suivre sur des romans d’imaginaire, me suivrait aussi sur une histoire réaliste. C’était un pari risqué, mais je ne voulais pas m’enfermer dans un genre. Ce qui compte pour moi, c’est de tout explorer.

C’est une super façon de voir l’écriture ! Et justement, comment fais-tu pour progresser en tant qu’autrice ? Bien sûr, plus on écrit, plus on s’améliore, mais est-ce que tu aurais des conseils pour celles et ceux qui voudraient devenir auteur ou autrice ?

Franchement, ce n’est pas original, mais la clé, c’est de lire. Lire encore et encore. Et pas seulement un seul genre. Il faut s’ouvrir à tout : des classiques, de la littérature blanche, de la fantasy, du thriller, de la romance… C’est en lisant qu’on absorbe des structures narratives, des retournements de situation, des archétypes de personnages, des tropes. Même au niveau du style, de la formulation des phrases, du vocabulaire, on apprend énormément en étant simplement lecteur.

Après, il y a aussi des manuels d’écriture qui peuvent aider. L’Anatomie du scénario de John Truby est une vraie bible. Il y explique comment construire une intrigue, les différents archétypes de personnages, le rythme narratif, la tension dramatique… Tout ce qui permet de structurer une histoire.

Je lis aussi beaucoup de livres où des auteurs partagent leur approche de l’écriture. Ce ne sont pas vraiment des biographies, mais plutôt des témoignages sur leur méthode de travail. Par exemple, Christelle Dabos a écrit un livre sur son rapport à l’écriture, et je trouve ça passionnant. Ces réflexions nourrissent beaucoup ma propre manière de travailler.

D’ailleurs, j’ai vu sur Bookstagram qu’il existe différentes approches de l’écriture : il y a les architectes et les jardiniers, c’est ça ?

Oui, exactement ! Les architectes planifient tout à l’avance : chaque scène, chaque rebondissement. Ils construisent une structure hyper détaillée avant même de commencer à écrire. Les jardiniers, en revanche, avancent au feeling. Ils ont une idée de départ, mais ils découvrent l’histoire au fur et à mesure qu’ils l’écrivent.

Personnellement, je suis entre les deux. J’aime avoir une trame globale, des jalons narratifs bien posés, mais je laisse aussi une part d’improvisation pour que mes personnages aient la liberté d’évoluer. l’empire des femmes, par exemple, avait un cadre très précis dès le départ, mais certaines scènes se sont écrites spontanément, sans que je les aie forcément prévues à l’avance.

C’est une belle approche, et ça permet de garder une part de surprise même pour toi en tant qu’autrice !

Quelle est ta façon d’écrire ?

Moi, je suis jardinière. Vraiment, je ne fais pas de chapitrage, je n’ai pas de plan… ou alors, si j’en fais, ils sont tellement brouillons qu’on ne peut même pas appeler ça un plan.

En fait, si je connais l’histoire à 100 % avant de l’écrire, je perds tout intérêt. Je me dis : Pourquoi l’écrire, alors que je sais déjà tout ce qui va se passer ? Je risque de me lasser, et comme je vais passer un an sur cette histoire, il faut aussi que je sois surprise, que je découvre l’intrigue en même temps que je la construis. Sinon, ça devient une corvée pour moi.

C’est pour ça que je m’interdis de penser à la fin trop tôt. Si je me spoile moi-même, je perds cette excitation qui me motive à écrire. Et surtout, je veux laisser le champ libre aux évolutions possibles.

Avoir une ligne directrice, c’est bien, car ça permet de structurer et de ne pas perdre de temps, mais ça peut aussi brider l’imaginaire. Quand on laisse une histoire se construire librement, on peut être surpris par des tournants inattendus, des personnages secondaires qui prennent plus de place et deviennent essentiels. L’empire des femmes, par exemple, a été façonné en partie par ce processus. Certains rebondissements ne sont pas venus d’un plan initial, mais d’une évolution naturelle de l’histoire.

Bien sûr, cette méthode a un inconvénient : elle crée parfois des incohérences entre le début et la fin, puisqu’il n’y a pas de plan strict pour guider le récit. Ça demande donc un gros travail de réécriture pour lisser ces éléments et assurer une cohérence globale dans l’empire des femmes.

C’est hyper intéressant comme manière de travailler ! Et justement, pour revenir à l’empire des femmes, est-ce que ton approche de jardinière t’a causé des incohérences pendant l’écriture ? Si oui, est-ce que tu te souviens de ce que tu as dû retravailler ou supprimer par la suite ?

Alors… ma mauvaise mémoire va encore frapper, mais je ne crois pas que j’aie eu tant d’incohérences que ça dans l’empire des femmes. Il y en a sûrement eu, mais aucune ne m’a particulièrement marquée. Je n’ai pas d’exemple précis en tête.

Aucun souci ! Mais en tout cas, c’est fascinant de voir que toi aussi, tu es surprise par ton propre récit au fil de l’écriture de l’empire des femmes. Finalement, c’est logique que les lectrices et lecteurs ressentent cet effet, puisque toi-même, tu ne sais pas toujours à l’avance où vont les événements. Et d’ailleurs, dans le tome 2 de l’empire des femmes, j’ai été étonnée de voir qu’un certain personnage prenait beaucoup plus de place que dans le premier tome. J’ai trouvé ça génial !

Oui, clairement ! Ce n’était pas du tout prévu à la base. Je suppose que tu parles de Sirène, la meilleure amie d’Adona. Dans le tome 1, elle est un personnage secondaire. À l’origine, dans ma première version du roman l’empire des femmes (qui était un one-shot), elle était presque absente de la deuxième moitié.

Mais quand mon éditrice m’a suggéré de diviser le livre en deux l’empire des femmes, j’ai eu l’opportunité de développer une seconde intrigue avec Sirène sur Sapientia. Et en fait, ça a vraiment enrichi le tome 2. C’est un ajout qui s’est fait naturellement et qui, au final, était indispensable.

Oui, ça lui donne une vraie profondeur. Dans le premier tome, elle semble un peu superficielle, et dans le second, elle se révèle totalement. Son évolution est marquante. D’ailleurs, c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé dans l’empire des femmes : tous les personnages évoluent, parfois de manière inattendue.

C’était aussi une façon d’apporter un autre angle de réflexion dans l’empire des femmes. Adona, par exemple, commence à questionner la société matriarcale parce qu’elle a un frère jumeau. Elle est donc sensibilisée à la cause des hommes. En plus, elle tombe amoureuse d’Hélios, ce qui renforce encore son engagement contre le système en place.

Mais je voulais aussi montrer qu’il pouvait exister d’autres prises de conscience dans l’empire des femmes. Sirène ne rejoint pas le mouvement parce qu’elle veut défendre les hommes, mais parce qu’elle réalise que le système matriarcal nuit aussi aux femmes.

C’est un parallèle avec notre société patriarcale : certains hommes ne prennent conscience du problème que lorsqu’ils réalisent que le patriarcat a aussi un impact négatif sur eux. Je trouvais intéressant d’intégrer cette double approche dans l’empire des femmes, avec deux personnages féminins qui arrivent à une conclusion similaire mais par des chemins différents.

Oui, c’est hyper intelligent, et ça rend l’histoire encore plus riche. Adona et Sirène ont des parcours complémentaires dans l’empire des femmes, et leurs évolutions respectives offrent deux perspectives qui se répondent. Franchement, j’ai adoré ! Maintenant, j’espère vraiment qu’un spin-off de l’empire des femmes verra le jour un jour…

Des anecdotes sur l’empire des femmes ?

J’ai trouvé ça vraiment génial ! Alors, est-ce que j’ai d’autres petites questions avant qu’on passe à la conclusion de l’épisode… Ah oui ! Je voulais savoir si tu avais des anecdotes à partager sur l’empire des femmes.

J’avais vu un de tes posts Instagram où tu partageais cinq anecdotes sur le roman l’empire des femmes, et j’avais trouvé ça trop intéressant ! Je sais, par exemple, que tu t’es inspirée du jeu Assassin’s Creed pour certains aspects du livre, et j’ai trouvé ça assez dingue.

Oui, j’ai vraiment saigné le jeu pendant l’écriture de l’empire des femmes ! Assassin’s Creed Odyssey se déroule dans la Grèce antique, et ses décors sont absolument magnifiques. Ça m’a énormément aidée à visualiser l’univers du livre et à peaufiner mes descriptions.

Bien sûr, j’avais des photos de référence et mon imagination, mais là, avec le jeu, c’était hyper immersif. J’avais littéralement un monde antique en 3D sous les yeux. Ça a rendu l’écriture plus fluide, parce que je pouvais observer chaque détail, chaque architecture, chaque paysage.

Et puis bon… techniquement, je passais des heures à jouer, mais je me disais : Non, non, je travaille en fait ! (rires)

C’est clairement l’un des avantages de ce métier. Même la bande-son du jeu est incroyable, et je l’ai écoutée en boucle pendant l’écriture de l’empire des femmes. Elle m’a aussi accompagnée pendant l’écriture d’Atalante, parce que les deux romans ont des atmosphères assez proches. Et là, même en corrigeant le tome 2 d’Atalante, je suis encore sur la playlist d’Assassin’s Creed Odyssey. Donc on peut dire que ça m’a suivi un bon moment depuis l’empire des femmes !

C’est magnifique de voir à quel point l’inspiration peut venir de partout ! Et ça me fait penser à une autre anecdote que j’avais lue sous ton post Instagram : tu t’es aussi inspirée d’une société matriarcale existante. Je ne savais pas du tout que la plus grande société matriarcale au monde était celle des Minangkabau. Je ne suis pas sûre de la prononciation…

Je ne suis pas sûre non plus de la prononciation, mais oui, les Minangkabau sont une société matriarcale qui existe encore aujourd’hui !

Quelles ont été tes inspirations pour l’empire des femmes ?

Et du coup, cette société matriarcale, où est-elle située ? Et qu’est-ce que tu as puisé chez elle pour écrire l’empire des femmes ?

Alors, elle se trouve en Sumatra occidental, en Indonésie. C’est une société matriarcale où la filiation se fait par la mère. La femme y occupe une place centrale, beaucoup plus importante que l’homme. Mais ce qui est intéressant, c’est que ce n’est pas la femme en tant qu’individu qui détient ce pouvoir, mais la figure maternelle.

C’est encore un autre modèle de matriarcat. Mais je me suis quand même inspirée de cette société et d’autres structures matriarcales qui ont existé à travers l’Histoire. J’ai fait pas mal de recherches et j’ai pioché un peu partout pour écrire l’empire des femmes.

Ce qui m’a particulièrement marquée chez les Minangkabau (si on le prononce bien, désolée, il faudrait que j’apprenne la bonne francisation !), c’est la place des hommes dans cette structure. Ils ont un rôle spécifique : les mamaks, qui sont en quelque sorte des oncles responsables de l’éducation des enfants. C’est cette idée qui m’a inspirée pour créer les « oncles » dans l’empire des femmes.

Ah mais c’est trop bien de découvrir ces coulisses de l’empire des femmes ! C’est hyper intéressant de voir comment tu as construit cet univers en puisant dans des réalités existantes. Ça donne encore plus envie d’explorer ces sociétés matriarcales, parce que ce sont des modèles qu’on connaît finalement très peu.

Oui, c’est passionnant ! J’ai adoré étudier les différentes structures familiales à travers le monde et les époques pour l’empire des femmes. On réalise à quel point ces modèles sont construits, qu’ils sont voués à évoluer et qu’ils ont toujours évolué. Rien n’est figé. Ça remet en perspective beaucoup d’idées reçues sur la famille et le pouvoir.

Faire ces recherches pour l’empire des femmes, c’était un vrai plaisir… beaucoup plus agréable que chercher les citations sexistes pour mon roman ! (rires)

Ah ça, j’imagine !

Mais vraiment, je me retrouvais en mode non, non, non ! (rires). C’était de pire en pire. Aristote, par exemple… Je ne savais pas qu’il avait une vision aussi dégradante des femmes. On l’étudie énormément au lycée en philosophie, et on parle toujours de ses grandes idées, mais jamais de ce qu’il pensait des femmes. Quand j’ai découvert ses écrits sur le sujet, j’étais choquée. Ma prof de philo ne m’avait pas dit ça !

Mais oui, ça me fait penser à Picasso. On l’admire, on étudie ses œuvres, mais on parle très peu du contexte dans lequel il les a créées et de la manière dont il traitait les femmes de sa vie. Il puisait son inspiration en les brisant psychologiquement, et pourtant, ce n’est quasiment jamais évoqué quand on parle de lui.

C’est exactement ça. Heureusement, grâce aux mouvements féministes, on commence à mettre en lumière ces aspects. Mais c’est vrai qu’il y a encore un énorme travail à faire pour analyser les figures historiques sous un prisme plus complet. Bien sûr, à certaines époques, la misogynie était omniprésente, donc on ne peut pas non plus juger avec nos yeux modernes. Mais savoir qui étaient réellement ces figures influentes, au-delà de leur œuvre, ça change complètement la perspective qu’on a sur elles.

Le mot de la fin sur “l’empire des femmes”

Lire des œuvres écrites par des femmes, s’intéresser au féminisme, écouter des podcasts sur le sujet… et surtout, continuer à apporter notre pierre à l’édifice pour faire avancer les choses vers une société plus égalitaire.

C’est peut-être un peu idéaliste, mais je pense que ça reste dans le thème de l’empire des femmes.

Tes rôles modèles

Je ne sais pas si j’ai vraiment des rôles modèles, mais il y a des femmes qui m’inspirent énormément.

Meryl Streep, par exemple. Je la trouve incroyable, c’est une actrice fascinante qui a toujours su imposer sa voix et son talent dans un milieu où les femmes ont longtemps été reléguées au second plan.

Et puis, il y a Virginia Woolf, notamment avec Une chambre à soi, qui est pour moi un véritable chef-d’œuvre. C’est une pionnière du féminisme, et son essai reste d’une pertinence folle encore aujourd’hui.

C’est vrai que ce sont de très belles figures d’inspiration, toutes les deux. Je les valide totalement ! D’ailleurs, l’esprit de l’empire des femmes s’inscrit aussi dans cette lignée de femmes qui questionnent et bouleversent les normes.

Quelles ressources tu recommanderais aux personnes qui nous écoutent ?

Je recommanderais d’abord ton podcast, évidemment ! Ensuite, j’adore le podcast Les Couilles sur la Table. Oh là là, j’en ai trop, mais là, on me prend au dépourvu, mon cerveau bug ! (rires)

Je recommanderais aussi les essais de Mona Chollet, notamment Réinventer l’amour et Sorcières. Bon, Sorcières n’est pas mon préféré, mais Réinventer l’amour, j’ai vraiment adoré. Ça remet en perspective la vision du couple hétérosexuel, et c’est hyper intéressant. J’ai eu la chance de rencontrer Mona Chollet au Salon du Livre de Montreuil… et j’étais totalement en transe.

D’ailleurs, petite anecdote : c’était lors d’un apéro avec la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, et je ne savais pas du tout qu’elle était là. Je ne l’avais jamais vue en vrai. Il y a eu un tour de table pour se présenter, et quand elle a dit : « Salut, je suis journaliste, je m’appelle Mona… », là j’ai eu un tilt : Mona… comment ?! Et quand j’ai compris, je suis passée en mode fan girl absolue. C’était foutu, on m’avait perdue ! (rires)

Elle est énorme cette anecdote ! C’est trop drôle de la découvrir comme ça, sans s’y attendre. Tu la connaissais à travers ses livres, mais pas son visage, et d’un coup, bam, la surprise ! Ça devait être trop bien de pouvoir lui dire directement tout ce que tu pensais de son travail.

Ah mais clairement, j’étais sous le choc !

C’est fou de passer de lectrice admirative à presque collègue, en quelque sorte. Même si, bon, Mona Chollet, je ne vais pas prétendre qu’on joue dans la même catégorie… (rires) Mais ça m’a déjà fait ça avec Victor Dixen. C’était un auteur que j’admirais énormément quand j’étais ado, c’était toute ma vie.

La première fois que je l’ai rencontré en salon, je n’étais pas encore publiée. J’étais venue avec les premiers chapitres de L’Antidote Mortel imprimés pour les distribuer aux maisons d’édition. D’ailleurs, ne faites pas ça… sauf si vous êtes capables de bien pitcher votre roman. Moi, j’étais tellement stressée que je tendais le manuscrit et je partais en courant. (rires) Pas vraiment la meilleure stratégie pour donner envie à une éditrice de lire…

Mais Victor Dixen a pris mon manuscrit et l’a fait passer à son éditrice. J’étais comme une folle. Et maintenant, je me retrouve à dédicacer pas très loin de lui lors des salons. C’est complètement fou quand j’y pense !

C’est incroyable comme anecdote ! J’ai adoré Phobos de Victor Dixen, il écrit tellement bien. C’est génial de voir ton évolution, entre ce moment où tu n’osais pas pitcher ton roman et aujourd’hui, où tu sais parfaitement le faire.

Oui, mais ça m’a pris du temps ! Pour L’Antidote Mortel, les premiers salons… quand on me demandait de pitcher, je ramais complètement. C’était une galère absolue. Mais maintenant, j’ai pris l’habitude, donc ça va mieux.

Oh non, ça te rappelle un traumatisme ! (rires)

Oui, c’est ça ! (rires) Un vrai traumatisme. J’ai dû le faire tellement de fois que maintenant, c’est presque devenu un automatisme… mais à quel prix !

Alors, défi : tu nous pitches rapidement L’Antidote Mortel ?

Non, c’est trop pour moi ! Je refuse ! (rires)

Je comprends, je comprends. Et pour les personnes qui nous écoutent, vous pouvez aller lire le résumé sur Internet, ce sera très bien !

Exactement, laissez-moi tranquille ! (rires) Vous pouvez chercher le résumé, je vous fais confiance. D’ailleurs, en dédicace, c’est toujours un grand moment quand on te demande de pitcher en fin de journée.

Tu viens de passer huit heures à signer, à parler, tu es épuisée, il est 18h45, tu n’as plus de voix… et là, quelqu’un arrive : « Pouvez-vous me pitcher vos cinq romans, s’il vous plaît ? »

Là, c’est NON. (rires) La quatrième de couverture est là pour ça, s’il vous plaît. Vraiment, pour le bien-être des auteurs, un seul pitch maximum en fin de journée ! On vous sera tous reconnaissants.

Ah oui, j’imagine ! Ça doit être hyper fatiguant de rencontrer autant de monde et de signer toute la journée… À la fin, tu dois être vidée.

Que signifie le terme féminisme pour toi ?

Pour moi, le féminisme, c’est avant tout sa définition de base : l’égalité entre les femmes et les hommes, en droit et dans les faits. Tout simplement.

Je précise « dans les faits », parce que souvent, on me rétorque : « Mais enfin, en droit, on est tous égaux devant la loi ! » Oui, en théorie… mais dans la réalité, ce n’est pas aussi simple. L’égalité légale ne garantit pas l’égalité réelle, et c’est là tout l’enjeu.

Très, très bonne précision ! Il y a une vraie différence entre le droit et la liberté, et c’est essentiel de le rappeler. Mais on progresse, c’est ça qui est bien. Les choses avancent, petit à petit. Ça prend du temps, mais il faut continuer à se battre.

D’ailleurs, c’est aussi ce que montre l’empire des femmes : un système peut sembler juste en apparence, mais ses mécanismes réels peuvent être profondément inégalitaires.

Qui aimerais-tu voir au micro de matrimoine féministe ?

J’aimerais bien recommander une autre autrice, une collègue. Pourquoi pas Clara Héraut ?

Elle écrit des romans contemporains, avec une approche très différente de la mienne. Elle traite de problématiques actuelles avec beaucoup de justesse. Son livre Nos plus belles années, par exemple, aborde les violences sexistes et sexuelles dans le milieu universitaire. C’est un sujet essentiel, qu’elle traite avec énormément de pertinence. Je pense qu’elle aurait plein de choses intéressantes à dire sur ce sujet.

Merci pour la recommandation ! Je la connais de nom, mais je n’ai pas encore lu Nos plus belles années, donc il faut que je l’ajoute à ma pile à lire.

Déjà la fin de l’épisode… Je remercie toutes les personnes qui nous ont écoutées jusqu’au bout notre épisode sur l’empire des femmes, et encore un grand merci pour ton temps, Cassandre. C’est passé super vite, c’était passionnant et hyper agréable d’échanger avec toi sur l’empire des femmes!

Du coup… ciao ciao tout le monde !

Merci à toi pour l’invitation pour parler de l’empire des femmes, vraiment. C’était un plaisir.

Salut !

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Les sources de l’épisode

  • Étude sur l’influence des stéréotypes sur la capacité de réussite des petites filles à un test de géométrie vs un test de dessin
  • Étude sur les filles, les garçons et les yaourts salés

Ses rôles modèles et ressources mises en avant dans l’empire des femmes

  • Meryl Streep
  • Virgina Woolf avec une chambre à soi
  • Réinventer l’amour et Sorcières de Mona Chollet

Retrouvez Cassandre Lambert de l’empire des femmes

Episodes complémentaires à l’empire des femmes

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