Le roman La Vie En Turquoise avec Élise Giraudau

La vie en turquoise
Sommaire

Bonjour, bonsoir, à toutes les personnes qui nous écoutent dans ce podcast hebdomadaire. Je suis en compagnie d’Élise Giraudau, avec qui nous allons parler de son livre La vie en turquoise. Avant de lui laisser la parole, je souhaiterais rendre hommage à Margaux Descennes. C’est grâce à la dédicace du tome 1 de sa saga absolue que j’ai eu l’occasion de rencontrer mon invitée du jour. Cela dit, Élise, je te laisse te présenter de la manière qui te convient.

Bonjour à toutes et à tous. Donc, je m’appelle Élise Giraudau, comme l’a dit Esthel précédemment. J’ai 29 ans, bientôt 30, et je suis autrice ainsi qu’ingénieure en informatique, cumulant ces deux métiers. Je suis autrice publiée depuis peu, avec mon roman La vie en turquoise, dont nous allons parler aujourd’hui, qui est sorti le 4 avril 2024. Cet épisode est enregistré en juillet, donc cela reste tout récent finalement.

J’ai également une nouvelle qui a été publiée dans le recueil d’hiver de ma maison d’édition, laquelle a aussi publié La vie en turquoise. Par ailleurs, comme Esthel, j’anime un podcast intitulé Microécriture, bien qu’il soit un peu en pause en ce moment. Il reprendra à la rentrée ; je vais essayer d’être plus organisée pour l’occasion. 

J’aime écrire, lire, et pratiquer le sport. Même si je ne suis pas une grande sportive, je fais du CrossFit plusieurs fois par semaine depuis plusieurs années, ce qui m’aide à me défouler et, je trouve, à mieux écrire. Voilà ce que je pouvais vous dire pour que vous me connaissiez un peu mieux, dans cette aventure de la vie en turquoise.

Comment vas-tu ?

Merci pour cette présentation. Avant de démarrer l’épisode, ma première question est simplement de savoir comment tu vas, car je sais que La vie en turquoise, que j’ai d’ailleurs juste à côté de moi, est ton premier roman, mais aussi un roman que tu n’aurais jamais voulu écrire dans ces circonstances. J’imagine que tu aurais préféré que ta sœur soit toujours là, et je comprends que cela peut être difficile, d’autant plus avec tous les retours que tu reçois.

Je te suis beaucoup sur Instagram ; j’aime beaucoup ce que tu fais et tu fais partie de ces personnes dont je regarde presque toutes les stories. Je vois les nombreux messages que tu reçois et combien La vie en turquoise aide et sensibilise sur la maladie, abordant la réalité sans tabou. C’est vraiment précieux, et je trouve cela très important. J’ai moi-même commencé le livre récemment et déjà lu une centaine de pages. Ta plume est magnifique, et tu arrives à transmettre l’amour qui existe dans ta famille ; c’est une véritable ode à l’amour.

Ma première question pour entrer dans le sujet est donc : comment vas-tu ?

Comment je vais… Eh bien, c’est une question vaste. Cela fait environ un an et demi que ma sœur nous a quittés. Mon état fluctue, un peu comme les chapitres de La vie en turquoise. Il y a des moments où je me retrouve vraiment dans le creux de la vague, où cela ne va pas du tout…

Et puis, il y a des moments où ça va un peu mieux, même si mon « ça va » quand on me demande ne sera plus jamais le même qu’avant. En effet, La vie en turquoise est un roman que je n’aurais jamais voulu écrire, comme tu l’as dit. C’est un peu ce que j’explique quand on me pose des questions plus approfondies. J’ai reçu de nombreux témoignages, de personnes qui, pour certaines, ne connaissaient pas du tout la vie avec le cancer et qui ont pu mieux l’appréhender à travers mon livre.

D’autres témoignages viennent de personnes qui, comme moi, ont été des aidantes et qui trouvent réconfort dans La vie en turquoise en reconnaissant un peu de ce qu’elles vivent. Et puis, il y a les personnes malades elles-mêmes, qui m’ont remerciée d’aborder des sujets sensibles et de poser des questions qu’elles se posent aussi, à travers le point de vue de ma petite sœur.

Tout cela fait que la sortie de mon livre s’est bien passée. J’ai l’impression de faire quelque chose d’utile, main dans la main avec ma petite sœur qui, je pense, me regarde de là-haut. Cela me fait du bien de savoir qu’elle et moi continuons à faire quelque chose ensemble, et que cela contribue à la vie en turquoise de chacun.

En quoi Louise est une héroïne ?

Oui, c’est clairement un roman à quatre mains que vous avez écrit ensemble, et c’est très beau et puissant. Pour les personnes qui nous écoutent et qui ne connaissent pas l’histoire de Louise, peux-tu nous dire qui elle était, en quoi elle était une héroïne, et comment elle continue de l’être en tant qu’héroïne de La vie en turquoise ?

Alors, Louise, c’est ma petite sœur, née cinq ans après moi. À 21 ans, elle a reçu le diagnostic d’un cancer de l’ovaire, contre lequel elle s’est battue pendant un an et demi, comme le font malheureusement beaucoup de personnes. Finalement, elle a appris qu’elle ne guérirait pas et a choisi d’arrêter les traitements pour échapper à la souffrance. Elle nous a quittés le 19 mars 2023. Elle est une héroïne parce qu’elle a fait preuve d’une résilience incroyable.

Elle nous a tous épatés, par sa famille, avec sa force, son humour et sa façon d’aborder la maladie sans jamais se plaindre. Dans La vie en turquoise, je décris son combat, qui a été un véritable enfer au fil des traitements, et pourtant elle restait inspirante. Louise était déjà mon modèle, et elle l’est devenue encore plus. J’ai voulu raconter son histoire, car, bien qu’étant ma petite sœur, elle représentait un modèle pour moi, quelqu’un qui était destinée à briller.

Elle était grande, belle, drôle, intelligente, et toujours prête à trouver le mot juste. Je me disais qu’elle avait un avenir incroyable devant elle, alors, si elle ne pouvait plus briller dans cette vie, elle brillerait dans une autre. C’est pour cela que j’ai voulu qu’elle devienne l’héroïne d’un livre, de La vie en turquoise. Depuis qu’elle savait lire, elle était ma première lectrice, et je me suis dit que c’était logique de lui rendre hommage ainsi.

Maintenant, elle est ancrée dans ces pages, et j’espère que même après mon départ, ce livre continuera d’être trouvé et lu. De cette manière, elle restera une héroïne de papier, immortelle, et continuera à briller. La vie en turquoise est ma façon de m’assurer qu’elle continue d’inspirer et d’illuminer le monde.

En tout cas, bravo pour ce livre, qui est très émouvant. Je n’en suis qu’au début, mais dès les premières pages, il m’a profondément touchée. Quel travail incroyable et quel bel hommage de rendre Louise immortelle en partageant son histoire avec la vie en turquoise. Cela m’amène à une autre question : quel a été le parcours de Louise à travers son cancer, pour que les personnes qui nous écoutent puissent mieux comprendre l’enfer qu’elle a traversé ?

Son parcours est bien plus détaillé dans le roman, mais en résumé, on lui a diagnostiqué le cancer le 14 septembre 2021. Elle a ensuite subi une première chimiothérapie, suivie d’une opération très lourde de près de huit heures, puis d’une autre chimiothérapie. Malheureusement, les traitements ont dû s’intensifier.

Elle a dû endurer trois autres chimiothérapies très lourdes, avec des périodes d’hospitalisation d’un mois dans une chambre stérile, sans possibilité de sortir. Ensuite, une autre opération de plus de huit heures, et un début de nouvelle chimiothérapie avant de constater que cela ne fonctionnait pas. Et puis, au-delà de ces traitements principaux, il y a tant de choses que je n’ai pas mentionnées ici mais que l’on retrouve dans la vie en turquoise. Parce que soigner un cancer, ce n’est pas juste des séances de chimio entrecoupées de moments de répit. C’est une succession d’analyses, de prises de sangd’examens pour vérifier les constantes et d’opérations intermédiaires pour assurer la sécurité des traitements.

C’est un processus constant, épuisant, qui inclut également des transfusions de globules rouges et de plaquettes, car la chimio détruit non seulement le cancer, mais aussi le reste. On manque d’hémoglobine, de plaquettes, et il faut alors se faire transfuser, ce qui implique des journées entières à l’hôpital. Ce sont des journées qui ne comptent pas comme séances de chimiothérapie, mais où il est impossible de faire autre chose qu’attendre, se préparer à la transfusion, surveiller les réactions. Ces journées sont lourdes, très lourdes, et ne laissent aucune place à autre chose que la maladie, alors qu’on voudrait parfois juste pouvoir se reposer, comme le rappelle la vie en turquoise.

C’est un parcours extrêmement long et lourd, et c’est aussi cela que je voulais montrer dans La vie en turquoise, car c’est vraiment quelque chose qui pèse sur le moral des malades. Ils font déjà un effort immense pour essayer de garder le moral, et c’est une réalité que l’on ne peut pas imaginer tant qu’on ne l’a pas vécue. Bien sûr, c’est heureux de ne pas avoir à en faire l’expérience, mais dans ce devoir et cette envie de sensibilisation, c’était vraiment un aspect sur lequel je voulais insister.

En lisant le début du livre, on voit bien que les malades n’ont jamais vraiment la possibilité de se reposer. Comme tu le dis, il y a toujours du personnel médical – médecins, infirmières – qui vient vérifier les constantes, s’assurer que tout va bien, etc. C’est cette idée que, même à l’hôpital, on dit aux malades de se reposer, mais en réalité, ce n’est pas possible. La vie en turquoise montre bien cette tension entre le besoin de repos et l’impossibilité de l’obtenir.

Oui, exactement. Les équipes médicales font leur travail, bien sûr, mais on se dit souvent : « reposez-vous », alors que c’est quasi impossible. Il y a toujours quelqu’un qui vient pour faire le ménage de la chambre, prendre les constantes, poser des questions sur l’état de la personne, ou bien le médecin pour sa visite… C’est constant. Et comme je le mentionne dans La vie en turquoise, il y a aussi des soins à gérer en dehors de l’hôpital, des mesures de précaution comme les piqûres pour prévenir les phlébites.

Ces piqûres peuvent rappeler celles administrées après un accouchement, sauf qu’après un accouchement, c’est un événement heureux. Ici, c’est une piqûre de plus dans une série interminable, qui finit par laisser des bleus et devenir insupportable. C’est cette accumulation, ce poids quotidien, qui finit par atteindre un point d’épuisement total. Dans La vie en turquoise, j’ai voulu aussi révéler cet arrière-plan lourd et souvent invisible de la vie des malades.

Le don du sang, cela se passe comment ?

Oui, c’est important, car cela permet aux lecteurs de comprendre la réalité de ce qui se passe quand on est atteint d’une maladie. D’ailleurs, cela me fait penser à ta mention des dons de sang. Pour les personnes qui nous écoutent, pourrais-tu nous expliquer comment cela se passe de donner son sang, pourquoi il y a un manque de dons, et en quoi cela aide les malades ? Par exemple, lorsque ta sœur se faisait transfuser, qu’est-ce que cela lui apportait exactement dans la vie en turquoise ?

Alors, déjà, mon père nous a toujours transmis cette pratique. Je ne sais pas si on peut appeler cela une valeur, mais il nous a inculqué l’importance d’aller donner son sang. Mon père a donné du sang toute sa vie, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge limite, moment où cela devient potentiellement risqué pour le donneur. Il donnait régulièrement, tous les quatre à six mois, et ma petite sœur avait pris le relais avant de tomber malade. La vie en turquoise inclut d’ailleurs ces moments de transmission.

Concernant le don de sang, vous pouvez faire un test sur le site de l’Établissement Français du Sang (EFS) pour vérifier votre éligibilité et voir si c’est sans risque, pour vous et pour le receveur. Si tout est en ordre, vous pouvez vous rendre directement dans une maison de santé ou un centre de collecte. Il est aussi possible de consulter en ligne pour trouver la collecte la plus proche. De nombreuses universités et entreprises organisent des dons de sang, comme cela a été le cas dans ma prépa et à mon travail. En lien avec la vie en turquoise, cela montre aussi combien c’est simple de participer à cette cause.

Cela ne prend pas longtemps, une heure au maximum, y compris le rendez-vous médical et le don lui-même. Vous commencez par remplir un questionnaire, puis vous voyez un médecin qui vérifie que tout va bien. Ensuite, vous vous installez dans la salle de don, le personnel s’occupe de tout, et après le prélèvement, vous profitez d’un petit goûter convivial.

Après le don, il y a une collation pour vous remettre sur pied. Certaines personnes ne ressentent aucun effet, tandis que d’autres se sentent un peu faibles. Je fais partie de cette deuxième catégorie, mais ma sœur, par exemple, donnait sans problème et faisait même la fière après. Nous avions même donné ensemble une fois, avant qu’elle ne tombe malade. Dans la vie en turquoise, ces moments rappellent l’importance de cette solidarité.

Et alors, qu’apporte le don de sang ? Tout simplement, il sauve des vies. Ce n’est pas juste un slogan publicitaire, c’est une réalité. Dans le contexte du cancer, ce n’est pas toujours la maladie qui est fatale, mais parfois le manque de globules rouges et de plaquettes, qui empêche le corps de fonctionner correctement après la chimiothérapie. Pour ma sœur, malheureusement, cela n’a pas suffi, mais de nombreuses personnes sont en rémission grâce aux transfusions rendues possibles par les dons. La vie en turquoise montre bien que ce geste altruiste peut faire la différence.

Les dons de sang sont essentiels dans de nombreux autres cas, comme les accidents de la route ou les hémorragies diverses. C’est une vérité : cela sauve des vies, et donner une heure de son temps peut représenter une aide immense pour la personne qui reçoit le don. Si vous avez envie de faire une bonne action, pensez à donner votre sang. La vie en turquoise nous rappelle que ce geste simple peut changer des vies.

Merci pour cette sensibilisation, car il est important de comprendre l’impact de nos actions. Comme tu le dis, ce n’est pas un message en l’air : chaque don compte et peut sauver des vies. Merci pour ce rappel essentiel.

Que symbolise le titre et la couverture de la vie en turquoise ?

Je voudrais continuer avec des questions sur ton livre. Que symbolise La vie en turquoise et sa couverture ? Pour les personnes qui nous écoutent, on voit des mains tenant un ruban en forme de L. En arrière-plan, il y a des vagues, la mer… je ne suis peut-être pas très douée pour les descriptions raffinées, mais c’est l’idée.

Effectivement, la couverture a une très grande symbolique pour La vie en turquoise.

Pourquoi La vie en turquoise ? Ce titre est d’ailleurs expliqué dans le livre. Au début, mes personnages, bien que le roman évoque la maladie de Louise, ne se limitent pas à cela. Le roman a été conçu dans cette optique, mais c’est avant tout une histoire avec de vrais personnages, des scènes drôles, des scènes tristes, des moments de colère, de complicité familiale, d’amitié, de moments entre sœurs ou au travail.

C’est un quotidien de deux sœurs touchées par la maladie – l’une en tant que malade et l’autre en tant qu’aidante – mais le livre peut vraiment être lu comme un roman qu’on achète en librairie, et non comme un simple témoignage. La vie en turquoise offre un ensemble de scènes de vie, au-delà des passages à l’hôpital, qui font partie du quotidien des malades mais ne sont pas toute l’histoire.

Le titre prend tout son sens, car au début, mes personnages voyaient la vie en rose, et puis, pour la sœur qui reste, la vie ne sera plus jamais rose, mais elle devient turquoise.

Pourquoi turquoise ? Car le ruban turquoise est le symbole du cancer des ovaires, tout comme le ruban rose est associé au cancer du sein. La couleur turquoise représente donc la maladie qui affecte l’une des sœurs. Le titre et la couverture de La vie en turquoise, avec ce ruban en forme de L, symbolisent ainsi cette épreuve et la couleur qui leur est devenue chère.

Je trouve qu’on parle trop peu des cancers gynécologiques. On connaît bien Octobre Rose, qui est crucial, mais on oublie que Septembre Turquoise est normalement le mois dédié à ces cancers. La symbolique de la couverture de La vie en turquoise est donc très importante pour moi, et je suis vraiment ravie que ma maison d’édition et mes éditrices m’aient laissé exprimer pleinement ce que je souhaitais y voir. Elles m’ont guidée et soutenue, mais elles ont vraiment respecté mes envies en me laissant proposer mes idées avant de faire leurs suggestions. Cela a permis d’intégrer des éléments qui me tenaient particulièrement à cœur.

La plage, par exemple, est très présente dans La vie en turquoise, car c’est un lieu symbolique pour Louise. C’était son endroit préféré, en particulier la plage d’Arcachon. J’ai voulu représenter cela avec les cabanes tchanquées en arrière-plan, pour bien situer cet endroit. On voit aussi des mains avec du vernis turquoise ; c’est un clin d’œil, car je porte toujours du vernis turquoise pour les dédicaces. Ce sont mes mains tenant le carnet de Louise, dans lequel elle notait tout ce qu’elle voulait accomplir après sa maladie. Nous avions des carnets jumeaux, elle avec un L, et moi avec un E.

Sur les mains, il y a aussi une bague en forme de nœud marin, que je porte vraiment, et qui a une symbolique particulière. Louise, et donc son personnage dans La vie en turquoise, l’avait achetée pour la jeter dans l’océan lors de sa rémission, toujours avec cette symbolique de la plage. Le bracelet « Sister » est également visible ; nous avions le même toutes les deux.

Dans le roman, les sœurs s’échangent ces bracelets, et c’était essentiel pour moi de représenter ce lien. À l’arrière, on voit une image de Louise avec son chien Brona courant sur la plage. C’est inspiré d’une vidéo que j’avais filmée lors d’un de nos moments à Arcachon, car c’était l’une de ses activités préférées : aller à la plage avec son chien.

Ainsi, chaque élément de la couverture de La vie en turquoise a une signification. Lorsque les lecteurs lisent le roman, ils peuvent retrouver ces symboles et comprendre leur lien avec l’histoire, chaque élément renvoyant à une scène spécifique. Cela crée un écho visuel et émotionnel entre la couverture et le récit.

Oui, en effet, il y a une multitude de belles symboliques dans cette couverture. C’est merveilleux que ta maison d’édition t’ait donné carte blanche sur ce sujet, car c’est si important.

Ta maison d’édition et ce que tu reverses aux organismes

Et puis, je trouve que dès le début de La vie en turquoise, il y a un texte de trigger warnings vraiment touchant, qui prend soin d’avertir les lecteurs et lectrices du contenu sensible. C’est un détail, mais je trouve cela très délicat et bien pensé. Je ne pensais pas être le genre de personne à lire les trigger warnings, mais en lisant celui-là, j’ai ressenti la profondeur de l’intention.

Ça prépare vraiment bien les lecteurs, et je suis ravie que tu aies trouvé une maison d’édition qui soit si compréhensive et à l’écoute de tes souhaits. J’ai suivi ton parcours pour trouver une maison d’édition, et je sais que plusieurs avaient refusé La vie en turquoise, car il était trop authentique et tu tenais à ne pas édulcorer la réalité.

Oui, tout à fait. C’était vraiment… Peut-être un peu audacieux pour un premier roman, surtout pour quelqu’un qui n’avait jamais été publié, mais j’avais une idée claire de ce que je voulais accomplir avec La vie en turquoise. Je ne voulais pas édulcorer ou modifier la réalité de ce que je racontais. Finalement, je pense que j’ai bien fait de persister, car j’ai trouvé la maison d’édition qui convenait parfaitement. Bien sûr, je ne jette pas la pierre aux autres maisons d’édition ; je comprends que parfois, la décision vient d’une direction plus haute, avec des choix éditoriaux spécifiques.

Mais pour moi, il était essentiel de préserver l’essence de La vie en turquoise et de ne pas perdre de vue la raison pour laquelle ce projet existait. Finalement, les planètes se sont alignées, et j’ai trouvé une maison d’édition capable de porter ce texte, de le corriger et de m’accompagner pour le faire connaître. Et ce qui m’a encore plus marquée, c’est que j’ai reçu leur « oui » le jour de mon anniversaire. Je me suis dit que c’était peut-être un cadeau de ma petite sœur, chacun ayant ses croyances, mais j’ai choisi de l’interpréter ainsi.

Je suis contente que La vie en turquoise ait pu voir le jour et que je puisse désormais le porter et le faire découvrir au plus grand nombre. Et je suis vraiment ravie que tu aies trouvé une maison d’édition comme Lézard des mots pour t’accompagner dans cette aventure. Comme tu le dis, c’est symbolique ; recevoir une réponse positive le jour de ton anniversaire semblait être un signe, comme si cette maison d’édition était destinée à porter La vie en turquoise. En suivant ton parcours, j’ai vu que, pour ce premier roman, tu avais choisi de reverser une partie, voire la totalité de tes droits d’auteur à des organismes. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Oui, alors, le but à terme serait de vivre de ma plume, bien sûr, mais pour La vie en turquoise, ce n’était pas du tout le cas, et ça ne l’est toujours pas. En effet, comme tu l’as mentionné, je reverse une partie des droits d’auteur. J’ai réparti les dons en plusieurs parties. Une petite partie est dédiée au chien de ma sœur, qu’elle avait adopté pendant sa maladie. Il est toujours avec nous, et comme elle adorait le gâter, je garde cette partie pour continuer à lui acheter des jouets – c’est ma façon d’être une tata gaga, car j’adore ça.

Ensuite, je reverse une partie pour la recherche contre le cancer des ovaires, à l’Institut Gustave Roussy. Si vous souhaitez faire un don, vous pouvez aller directement sur leur site. C’est un centre basé à Paris qui avait recommandé la seconde chimiothérapie de ma sœur. Ce lien avec la recherche est essentiel pour moi, et La vie en turquoise reflète cet engagement.

Je reverse également une partie à l’EFS (Établissement Français du Sang) dont nous avons parlé plus tôt, car le don du sang était très important pour Louise, avant même sa maladie. Une autre partie va à l’association Académie Paris Plongée, qui fait un travail incroyable avec les malades en leur permettant d’effectuer un baptême de plongée en piscine. Cela offre aux malades une expérience unique, surtout quand les activités deviennent limitées par la fatigue et les précautions médicales. Pour La vie en turquoise, il me semblait naturel de soutenir des organismes qui rendent la vie plus douce à ceux qui traversent des épreuves difficiles.

Le chien de ta soeur Brona

Merci pour ces précisions. C’est vraiment admirable que tu puisses apporter ton soutien aux organismes en lien avec ce que ta sœur a traversé. Et en parlant de Brona, je me rappelle avoir suivi cette histoire sur tes réseaux sociaux. Dans La vie en turquoise, tu parles de cette relation, et même si je n’en suis pas encore là dans le livre, j’avais compris que tes parents n’étaient pas très favorables à l’idée d’avoir un chien au début. Mais ta sœur, elle, tenait tellement à avoir Brona qu’elle a tout fait pour les convaincre, et maintenant elle fait partie intégrante de votre vie.

Oui, c’est tout à fait ça. En fait, avoir un chien était un souhait de longue date, mais mes parents n’étaient pas pour, non pas par manque d’affection pour les animaux, mais parce qu’ils avaient à cœur de bien s’en occuper. Avec notre rythme de vie, les voyages et les vacances à Arcachon, ils pensaient que ce n’était pas compatible avec les besoins d’un chien.

Ils se disaient qu’avoir un chien demandait un engagement important en termes de temps, de promenades, et qu’il valait mieux attendre. La vie en turquoise montre comment Louise, malgré les circonstances, a insisté pour que ce rêve devienne réalité. Son petit ami était en Espagne pour ses études, et moi, j’étais souvent à Paris pour le travail, donc elle se sentait seule pendant ses traitements de chimiothérapie. Finalement, elle a réussi à convaincre nos parents, et Brona est devenue une source de réconfort. Elle l’attendait à la maison, et leur présence lui donnait l’énergie pour sortir se promener, faire un peu d’exercice, ou tout simplement profiter du jardin.

Mes parents ont finalement accepté, et c’est ainsi que Brona est arrivée dans notre famille. C’est une femelle Golden Retriever, qui a maintenant deux ans et demi. Quand nous l’avons adoptée, elle n’avait que deux mois. La vie en turquoise raconte cette symbolique que Louise avait en choisissant le prénom de Brona, même si c’était l’année des T pour les chiens. Elle avait découvert sur internet que « Brona » signifiait « celle qui apporte la victoire » en grec. Ironie du sort, quand nous avons adopté Brona, la personne en charge nous a expliqué que son père avait été récupéré en Grèce. Ce lien rendait ce prénom encore plus significatif.

C’était donc comme une évidence : Brona devait être notre chien. Elle est toujours parmi nous, et elle est d’ailleurs à mes côtés en ce moment. Une fois de plus, les planètes semblaient s’aligner, et tout cela donne un sens profond à son nom. Louise a trouvé en Brona une source de joie, et maintenant, après son départ, Brona est pour nous un lien vivant avec elle. À travers La vie en turquoise, on peut voir à quel point Louise est encore présente, notamment grâce à Brona.

Nous prenons grand soin de Brona, bien sûr, comme tout le monde devrait le faire avec son animal, mais c’est vrai que, pour nous, elle est une petite part de Louise qui demeure. Alors, oui, on veille doublement à son bien-être, car elle symbolise tout ce que la vie en turquoise représente : amour, résilience, et présence.

Qu’est-ce que tu dénonces, sensibilises et rends hommage avec ton roman ?

Merci pour cette question, elle permet d’aborder vraiment l’essence de La vie en turquoise. En effet, même si on a déjà exploré plusieurs aspects du roman, il y a des thèmes que je tiens particulièrement à mettre en avant. Quand je parle de mon roman, par exemple lors des dédicaces, je fais souvent le parallèle avec Nos étoiles contraires de John Green, un peu pour donner une idée du ton. Mais au-delà de ça, La vie en turquoise repose vraiment sur trois piliers fondamentaux.

Le premier, comme on en a déjà parlé, est de rendre hommage à ma petite sœur. Ce roman, c’est avant tout pour elle, pour raconter son histoire et faire d’elle une héroïne de papier immortelle, comme je le dis souvent. Ensuite, il y a une volonté de dénoncer certains dysfonctionnements du système hospitalier français. Tout le monde sait que ce système est en difficulté, mais on ne prend pleinement conscience de sa réalité que lorsqu’on y est confronté. Dans La vie en turquoise, j’aborde ces défis de manière directe, en montrant comment certaines failles peuvent peser lourdement sur les patients et leurs familles.

Cependant, il est important de souligner qu’il y a aussi des soignants exceptionnels, des personnes dévouées qui, malgré les contraintes, font preuve d’une humanité admirable. C’est une dualité que j’ai voulu montrer dans le roman : d’un côté, les difficultés systémiques et, de l’autre, la bienveillance de certains professionnels. Enfin, La vie en turquoise dénonce également certains comportements de proches, des réactions qui peuvent, sans le vouloir, alourdir la souffrance du malade.

Oui, c’est un sujet vraiment délicat et complexe. Ce phénomène de proches qui semblent « abandonner » le malade est assez récurrent dans la vie en turquoise et dans la réalité des personnes malades ou de leurs aidants. J’ai échangé avec plusieurs personnes qui ont vécu cette situation, et on retrouve souvent ce sentiment de solitude, comme si le malheur ou même la maladie étaient contagieux. Que ce soit dans le cadre du cancer ou d’une autre maladie, cette crainte ou cette difficulté à rester présent est une véritable réalité. C’est comme si soutenir le malade devenait parfois trop lourd à porter pour certains.

De mon côté, j’ai fait de mon mieux pour accompagner ma petite sœur dans la vie en turquoise, mais être témoin de l’abandon de certains de ses amis a été une épreuve supplémentaire. Cet aspect, cette « double peine » que l’on vit parfois, était quelque chose que je voulais absolument mettre en lumière dans mon roman. Il ne s’agissait pas de juger, mais plutôt de dénoncer cette facette de la maladie qu’on voit rarement et qui est pourtant si présente.

Enfin, l’un de mes objectifs dans la vie en turquoise est de sensibiliser à la maladie, de montrer tous ces aspects qu’on ne voit pas forcément au cinéma ou dans les livres. Très souvent, ces représentations sont édulcorées : on y voit des malades qui surmontent leurs chimios avec quelques nausées, puis reprennent leur vie comme si de rien n’était. Pour certains types de cancers, ce n’est pas la réalité. Je voulais donc une représentation plus authentique et nuancée de ce qu’implique réellement la maladie, et c’est ce que j’espère avoir réussi à transmettre dans ce livre.

C’est ainsi que je présente la vie en turquoise quand les personnes souhaitent en savoir davantage sur les intentions derrière ce roman.

Les patates filantes

Merci de cette présentation. Pour rebondir sur ce que tu disais par rapport au comportement des proches, ce que j’ai compris en te suivant, c’est que la durée d’une amitié ne signifie pas toujours grand-chose. D’après ce que j’avais saisi, tu as un très fort groupe d’amis qui s’appelle « les patates filantes » sur Instagram, et vous avez même créé un groupe et tout. Dans la vie en turquoise, ce soutien d’amis fidèles est essentiel et vibrant.

J’apprécie également suivre vos aventures sur Instagram. Je sais aussi qu’une des « patates filantes », bien que ce soit une amitié plus récente, t’a soutenue bien plus qu’une personne que tu connaissais depuis longtemps, qui finalement n’a pas su être présente comme tu aurais eu besoin. La maladie, comme tu l’évoques dans la vie en turquoise, peut rapprocher mais aussi éloigner les gens, en fonction de leur capacité à gérer la souffrance d’autrui.

Cela me fait penser à un passage de la vie en turquoise où Elie parle avec ses amis qui disent « on est là pour toi, courage ». Mais Elie ne voulait pas juste entendre cela ; elle espérait davantage de moments ensemble, de profondeur, et d’attention véritable. Pour les personnes qui liront ton roman, cela peut donner une perspective sur ce que signifie être réellement présent pour quelqu’un qui traverse la maladie, et la vie en turquoise permet de mieux comprendre ce rôle essentiel.

Donc, pour ta première question, en effet, la durée d’une amitié n’a pas toujours d’importance, surtout dans la vie en turquoise. Par exemple, tu mentionnais les « patates filantes » qui sont arrivées dans ta vie en 2022, soit après que ta sœur est tombée malade en 2021, et qui sont aujourd’hui bien plus présentes que certains amis de longue date, qui, eux, ne sont plus dans ta vie.

Cette réalité, tu l’as représentée en partie dans ton roman, même s’il y a une part de fiction. Certaines choses se sont passées différemment dans la vraie vie, mais il y a un parallèle fort. La vie en turquoise montre bien ces amitiés solides, celles qui comprennent ce que tu traverses, qui demandent sincèrement ce dont tu as besoin, car chacun a des attentes et des besoins différents, comme pour toi et ta mère.

Donc je pense que si l’on veut vraiment être présent pour quelqu’un qui est aidant, ou quelqu’un qui est malade, ou même pour toute autre situation dans la vie en général, il faut simplement demander à la personne ce dont elle a besoin. Dans la vie en turquoise, cette question d’écoute est primordiale. Cela peut être un simple message de temps en temps, ou encore des actions plus concrètes, comme de se voir. Chacun est différent, et il est essentiel de s’adapter à chaque personne.

Ce qu’on observe dans la vie en turquoise, c’est que les amis d’Elie, mon personnage, ne sont pas vraiment là pour elle. Elle avait des attentes, mais ils ne lui demandaient jamais ce dont elle avait besoin. Ils se contentaient de dire « on est là, courage » sans aucune action concrète, ce qui n’a que peu de sens face à un tsunami comme la maladie. En revanche, les patates filantes, qui existent dans le roman et dans la réalité, ont agi avec bien plus d’implication, et la vie en turquoise rend hommage à ce type de soutien précieux.

Le roman la vie en turquoise dépeint aussi la période Covid, lorsque ma sœur était malade, ce qui a rajouté une couche de complexité. Certaines personnes refusaient de se tester pour pouvoir nous voir, invoquant l’inconfort d’un test, alors que pour ma sœur, supporter bien plus qu’un simple « bâton dans le nez » était le quotidien. Les patates filantes, elles, faisaient attention, se testaient matin et soir pour me permettre de la voir ensuite sans risque.

Ce sont de petites attentions, mais la vie en turquoise montre que ce sont celles-ci qui font toute la différence. Inutile de dépenser beaucoup d’argent ; il s’agit simplement de prendre soin, comme demander « comment tu vas aujourd’hui ? », plutôt que « comment tu vas ? », car la réalité change chaque jour. De petites nuances dans la phrase révèlent une attention sincère et évitent les maladresses. C’est ce type d’écoute et de bienveillance que j’ai voulu transmettre dans la vie en turquoise.

Donc, cela aussi, c’est quelque chose que je voulais montrer dans la vie en turquoise. À travers le personnage de Romain, on se rend compte que parfois, on n’a même pas besoin de parler ; si la personne n’a pas envie de se confier, il suffit d’envoyer une chanson ou un petit texte. Cela peut être amplement suffisant pour montrer qu’on est là. Et puis, il y a aussi l’amie de Ellie, Carole, qui est inspirée d’une amie réelle. Elle s’est révélée extrêmement présente, et c’était une belle surprise, car nous étions proches, mais pas autant que d’autres amis. Pourtant, c’est elle qui s’est montrée la plus présente, un soutien énorme que la vie en turquoise souligne.

Grâce à cette période difficile, Carole et moi nous sommes beaucoup rapprochées, tandis que mes autres amis proches, avec qui j’échangeais tous les jours, se sont éloignés un par un, jusqu’à ce qu’on ne se parle plus du tout. C’est aussi un aspect que la vie en turquoise explore. Je pense que cela ne s’applique pas seulement à la maladie ; les moments de difficulté, qu’ils soient liés à la santé ou aux finances, révèlent souvent les véritables soutiens. Je crois avoir écrit dans la vie en turquoise que ces épreuves, comme la maladie ou les soucis financiers, font un tri dans les amitiés et les relations familiales.

Cela peut sembler un peu philosophique, mais finalement, c’est profondément humain. À la fin de la vie en turquoise, le lecteur peut se poser la question : « Qui serait vraiment là pour moi si je traversais une épreuve majeure ? » Cela invite chacun à une réflexion sur la véritable profondeur des relations qui nous entourent.

Je te remercie pour tes mots bienveillants et pour mettre en lumière l’importance de ces soutiens précieux. En effet, avoir un cercle de personnes sur qui compter, comme les patates filantes ou mon amie Carole, est inestimable, surtout dans des périodes aussi difficiles que celles que la vie en turquoise évoque. C’est essentiel de savoir que certains gestes, même petits, ne sont pas de simples paroles en l’air, mais témoignent d’une réelle présence, d’un amour sincère et d’une attention authentique.

Cela amène aussi à réfléchir sur ce que signifie être aidant, un rôle souvent méconnu, mais si important. Être aidant, comme la vie en turquoise le montre, ce n’est pas seulement accompagner physiquement une personne malade, mais aussi apporter un soutien moral et émotionnel qui doit s’adapter aux besoins de la personne aidée. Parfois, juste poser la question « Comment ça va aujourd’hui ? » plutôt que « Comment ça va ? » peut faire une grande différence, en montrant que l’on est attentif aux variations de son état, que l’on est là pour chaque étape, chaque jour.

Être aidant, c’est avoir cette attention aux détails, cette écoute bienveillante, et c’est souvent un rôle qui demande beaucoup de force intérieure, car il faut savoir être là, sans forcément pouvoir agir pour alléger la souffrance directement. Mais c’est en étant attentif, en montrant de petites attentions, que l’on exprime toute l’importance de cet amour, comme la vie en turquoise le rappelle avec des mots et des gestes délicats.

Je comprends tout à fait la complexité que tu décris et la difficulté de parler de ce rôle sans vouloir faire passer l’aidant pour une victime, car, comme tu le soulignes, ce n’est en rien comparable à la souffrance de la personne malade elle-même. Être aidant, comme tu le décris si justement, c’est en grande partie faire face à cette impuissance, à cette douleur silencieuse de voir quelqu’un qu’on aime souffrir, sans pouvoir alléger véritablement sa charge.

Tu évoques l’impuissance, et c’est effectivement un sentiment central pour les aidants, car même si on peut offrir une présence, on reste souvent spectateur de la douleur et de l’évolution de la maladie. Dans La vie en turquoise, cette expérience est particulièrement palpable, car elle illustre aussi les petites actions du quotidien — apporter un plat, accompagner aux rendez-vous, être présent lors des nuits à l’hôpital — qui sont des formes de soutien, certes, mais qui ne soulagent pas vraiment les souffrances du malade.

Les souffrances de l’aidant sont avant tout psychologiques, comme tu l’expliques, et elles s’intensifient avec l’inquiétude constante et la peur de l’issue finale. On vit au rythme des hauts et des bas de la personne malade, et chaque petit signe, chaque amélioration ou dégradation, influence profondément notre propre état émotionnel.

c’est comme si vous étiez spectateurs d’un film où vous aimeriez intervenir, mais vous ne pouvez qu’observer. Cette impuissance est d’autant plus difficile à vivre parce que vous avez l’envie de prendre soin, de soulager, mais rien de concret n’est possible pour atténuer les souffrances de la personne que vous aimez.

Les rôles d’aidants, comme tu le décris si bien, sont empreints de cette dualité : d’un côté, la responsabilité de rester fort, de garder une vie « normale » malgré l’immense bouleversement, et de l’autre, la souffrance de ne pouvoir rien changer. La personne malade devient parfois un pilier émotionnel pour les aidants, inversant les rôles, et cette dynamique est, comme tu dis, très paradoxale mais bien réelle. Louise, en rassurant sa famille, protégeait peut-être aussi vos cœurs tout en essayant de garder le sien au calme.

Et comme tu l’as dit, chaque aidant vit ce rôle différemment : entre l’angoisse, le pessimisme ou le déni, chaque personnalité apporte une réaction propre, qui peut évoluer avec le temps et les événements. Vous êtes là, dans le quotidien, à tenir la main, à faire de petites actions qui, bien que modestes, montrent que vous êtes présents. Et, comme tu le dis magnifiquement, c’est cela, être aidant : être là, même si cette présence ne peut malheureusement pas changer le cours de la maladie.

Oui, absolument, c’est tout ce qu’on peut faire, faire de son mieux. C’est ce courage-là qui illumine même les moments les plus sombres, le fait de donner tout ce qu’on peut malgré la douleur, malgré les épreuves. Et oui, la décision de ta sœur de mettre fin à ses traitements, de dire « non » à la souffrance, est aussi un acte de bravoure et de paix immense. Elle a choisi de vivre les derniers moments comme elle l’entendait, de se réapproprier cette partie de sa vie, même dans l’épreuve.

Pour toutes les personnes qui écoutent et qui vivent ces épreuves, que ce soit en tant que malade ou aidant, chaque petit acte de résistance, chaque moment où l’on trouve la force d’avancer malgré tout, est une victoire en soi. C’est un chemin qui demande un courage incroyable, et comme tu l’as si bien dit, être simplement là, jour après jour, et faire de son mieux, c’est déjà beaucoup, parfois même tout ce qui est nécessaire.

La jolie métaphore de ton livre

J’ai vraiment essayé de mettre dans La Vie en Turquoise tout ce que ma sœur et moi avons partagé, et entendre que les métaphores, comme celle du nid et des branches, résonnent auprès des lecteurs, c’est un vrai cadeau. L’écriture m’a permis de transformer des émotions brutes en quelque chose de plus poétique, de plus léger, sans pour autant nier la profondeur et la complexité de ce que nous avons traversé dans La Vie en Turquoise.

C’est vrai que, pour moi, La Vie en Turquoise est plus qu’un récit. C’est une façon de faire vivre cette histoire autrement, de lui donner une autre couleur, un autre relief, peut-être même une forme de réconfort, tant pour ceux qui y trouvent des échos de leurs propres expériences que pour moi-même. Et merci pour tes encouragements pour mon parcours d’écriture, ça me va droit au cœur et donne du sens à ce projet dans La Vie en Turquoise.

Avant de conclure, je tiens vraiment à dire à toutes celles et ceux qui traversent des moments difficiles : vous n’êtes pas seuls, même si parfois la solitude semble immense. Le chemin est souvent long et douloureux, mais chaque petite victoire, chaque geste de bienveillance envers soi ou les autres compte, et c’est un message que j’ai souhaité transmettre à travers La Vie en Turquoise.

Le mot de la fin

Alors ça, c’est une question compliquée, le mot de la fin… Ce serait de dire que si vous avez envie de découvrir ma petite sœur, n’hésitez pas à vous procurer La Vie en Turquoise, soit à l’acheter, ce qui me permet aussi de faire une bonne action derrière, ou de l’emprunter si vous n’avez pas forcément les moyens.

Ce n’est pas du tout une manière de pousser à la consommation ou à l’achat, mais simplement, si ce livre peut circuler, que ce soit par le bouche-à-oreille ou d’autres moyens, cela me ferait énormément plaisir. En fait, ce qui me touche le plus à travers La Vie en Turquoise, ce n’est pas tant de parler de cancer ou de maladie, mais de faire découvrir ma petite sœur à toutes les personnes qui ne la connaissaient pas, ou même aux personnes qui la connaissaient.

J’ai reçu beaucoup de messages de proches qui la connaissaient et m’ont dit que vraiment, en lisant, ils entendaient sa voix, et même mes parents m’ont dit ça aussi. C’est, pour moi, la plus belle victoire, au-delà même de la publication : avoir réussi à retranscrire l’essence de Louise dans La Vie en Turquoise.

Elle est restée elle-même pendant toute sa maladie, avec son humour intact. Parfois, je relis des passages juste pour revivre ses punchlines, parce qu’elle avait toujours le bon mot au bon moment. C’est ça qui me fait le plus plaisir, qu’on me dise : « J’ai vraiment l’impression de connaître un peu ta sœur », et que les lecteurs puissent rencontrer Louise à travers La Vie en Turquoise.

Comme tu disais, c’est un peu un roman à quatre mains, car il y a des passages qu’elle avait elle-même écrits, dans l’idée de faire peut-être un livre témoignage. Elle m’avait envoyé ces textes, et j’ai pu les intégrer dans le roman, ce qui le rend d’autant plus précieux et authentique.

Je souhaite de tout cœur que les personnes qui nous écoutent aient l’envie de rencontrer Louise et découvrent La Vie en Turquoise.

Qui sont tes rôles modèles ?

Oui, c’est une belle pensée qui m’accompagne souvent et qui m’aide à traverser l’absence. Je pense que dans La Vie en Turquoise, cette idée se retrouve aussi : donner une voix à Louise, même après son départ, lui permet de rester vivante dans le cœur des gens, de ceux qui la lisent et qui la découvrent.

On continue de se demander, avec mes parents, ce qu’elle aurait dit dans certaines situations, et souvent, ça nous fait sourire, parce qu’elle avait toujours une manière très unique de répondre, avec cette franchise et ce sens de l’humour qui lui étaient propres. Imaginer ses punchlines dans nos conversations, c’est notre façon de la garder parmi nous.

Et cette citation, « le jour où on meurt vraiment, ce n’est pas le jour de notre mort, mais le jour où on ne parle plus de nous », m’a profondément marquée. Elle m’a aussi donné envie de maintenir le souvenir de Louise bien vivant, non seulement dans nos discussions familiales, mais aussi à travers La Vie en Turquoise et toutes les personnes qui pourraient s’en inspirer.

Quelles ressources recommanderais-tu aux personnes qui nous écoutent ?

Louise tenait beaucoup à sa féminité, et la perte de ses cheveux a été l’une des étapes les plus difficiles pour elle. C’est vrai que dans notre société, on n’a pas l’habitude de voir des femmes chauves, et cela peut toucher à l’identité, à l’estime de soi. C’est pourquoi les perruques, notamment celles faites avec des cheveux naturels, sont si précieuses. Elles aident les personnes qui en ont besoin à retrouver un sentiment de normalité, à se sentir elles-mêmes, même dans ces moments éprouvants.

La Ligue contre le cancer et des associations comme Fake Hair Don’t Care sont formidables pour cela, parce qu’elles offrent une option concrète pour apporter du réconfort et de la dignité. On oublie souvent que les petits gestes comme donner ses cheveux, ses plaquettes, ou même offrir un simple sourire peuvent faire une énorme différence. C’est tout un ensemble de choses qui permettent d’apporter du soutien au-delà des traitements médicaux.

Et pour revenir aux ressources, si certains préfèrent les documentaires, il en existe aussi sur les parcours de malades et sur la vie des aidants, qui peuvent être éclairants et aider à comprendre ce que traversent les personnes concernées et leurs familles. Chaque ressource compte, que ce soit pour sensibiliser, pour informer, ou pour soutenir directement les malades et leurs proches.

Que signifie le féminisme pour moi ?

Exactement, le féminisme, dans sa définition la plus simple, cherche simplement à établir une égalité réelle entre les hommes et les femmes, pour que chacun puisse vivre dans le respect et la justice. Ce qui est demandé n’est pas d’enlever des droits à quiconque, mais plutôt de combler un déséquilibre historique. C’est vrai que parfois, cela paraît beaucoup plus complexe qu’il ne l’est, mais au fond, c’est une question de bon sens et de respect de chacun. C’est juste permettre à tous et toutes de vivre en paix, avec les mêmes droits et opportunités, sans discrimination.

Qui aimerais-tu voir au micro de Matrimoine Féministe ?

Peut-être, je pense à mes copines les Patates Filantes, qui elles aussi écrivent.

Je dirais peut-être Marie Vareille ou Virginie Grimaldi, je peux aussi citer Mélissa Da Costa ou Morgane Moncomble, qui sont, je crois, les quatre plus grandes autrices de France et je trouve ça super cool en fait qu’elles puissent vivre de leurs plumes et du coup prendre leur place parce que c’est vrai que maintenant on dit autrice mais avant on disait auteur et moi j’aime bien les femmes qui prennent leur place sans faire forcément de l’ombre aux autres femmes, aux hommes, parce que je pense qu’on a tous notre place, mais du coup voilà, je vais répondre ça pour rester dans le thème des livres et du coup pas du féminisme ici.

Merci beaucoup pour ces partages, ça serait avec plaisir d’interviewer les patates filantes, Marina, Virginie, Mélissa et Morgane dont je dis leur prénom, je ne les connais pas mais ça va plus vite. Parce que oui, sur Matrimoine Féministe, j’ai un peu d’autrice, c’est vrai, mais c’est toujours bien de pouvoir représenter encore plus la pluralité des féminismes, donc comme tu dis, de représenter des femmes qui prennent leur place, dans la vie en turquoise, c’est super.

Et du coup, sinon, merci beaucoup Élise pour ton temps et pour cet épisode. Et merci aux personnes qui nous ont écoutées d’être restées jusqu’au bout. Ciao, ciao tout le monde.

Merci beaucoup. Au revoir.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Ses rôles modèles et ressources mises en avant

  • Sa soeur Louise Giraudau
  • Les perruques, notamment celles faites avec des cheveux naturels
  • La Ligue contre le cancer et des associations comme Take Air Don’t Care sont formidables
  • Donner ses cheveux, ses plaquettes, ou même offrir un simple sourire peuvent faire une énorme différence
  • Les documentaires sur les parcours de malades et sur la vie des aidants

Retrouvez Elise Giraudau

Episodes complémentaires

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