Bonjour et bienvenue à toutes et à tous. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’échanger avec Marine Petroline, créatrice du podcast Chronique du sexisme ordinaire. Ensemble, nous allons aborder ce sujet crucial. Marine, je te laisse te présenter à nos auditrices et auditeurs.
Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Marine Petroline et je suis la créatrice du podcast Chronique du sexisme ordinaire. Mon objectif est de dénoncer et analyser les différentes formes de sexisme ordinaire qui imprègnent notre quotidien. À partir de ce travail, j’ai également développé un spectacle sur le sujet.
En parallèle, j’interviens en entreprise pour sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles au travail. Actuellement, j’écris un livre destiné aux managers souhaitant agir en faveur de l’égalité, mais qui ne savent pas par où commencer. Il paraîtra en mars 2025 aux éditions Pearson.
Merci Marine pour cette présentation. Avant d’approfondir le sujet, j’aimerais que tu nous donnes une définition claire du sexisme et du sexisme ordinaire, afin que toutes les personnes qui nous écoutent puissent bien comprendre ces notions essentielles.
Définition du sexisme
Très simplement, le sexisme, c’est l’idée selon laquelle les hommes et les femmes seraient fondamentalement différents, et que ce qui est masculin est perçu comme supérieur.
Si l’on cherche une définition plus précise, je me réfère souvent au Haut Conseil à l’Égalité qui, dans son rapport de 2019 sur l’état des lieux du sexisme en France, l’explique en deux points :
- Une idéologie qui considère que les femmes sont inférieures aux hommes.
- Un ensemble de manifestations concrètes, allant des plus anodines aux plus graves, qui stigmatisent, délégitiment, humilient ou violentent les femmes.
Ces manifestations peuvent prendre différentes formes : remarques, blagues, comportements déplacés, mais aussi violences verbales, physiques ou sexuelles.
Le rapport souligne également que le sexisme est une idéologie dangereuse, qui renforce les inégalités au sein de la société. Ce n’est pas un simple état de fait ou une conséquence naturelle de la biologie, mais bien une construction sociale et culturelle. Et la bonne nouvelle, c’est que tout ce qui a été construit peut être déconstruit et reconstruit.
Les conséquences du sexisme
Le sexisme ordinaire est un phénomène systémique qui influence tous les aspects de la vie des femmes. Il contribue notamment à :
- Des inégalités salariales : les femmes sont moins rémunérées pour un travail équivalent.
- Une sous-représentation dans les médias, la politique et la culture. Lorsqu’elles sont visibles, c’est souvent à travers une hypersexualisation de leur corps.
- Une exposition accrue aux violences sexistes et sexuelles, qui touchent majoritairement les femmes.
Le sexisme ordinaire s’infiltre partout, dans tous les environnements. Lorsque j’entends certaines entreprises dire : « Chez nous, il n’y a pas de sexisme », je réponds souvent avec ironie : « Félicitations, vous devez vivre dans un monde parallèle ! » La réalité, c’est que nous avons toutes et tous été socialisés dans une société sexiste.
Qu’est-ce que le sexisme ordinaire ?
Contrairement au sexisme, il n’existe pas de définition officielle du sexisme ordinaire. On peut toutefois le décrire comme le sexisme du quotidien, souvent inconscient et perçu comme anodin.
Il se manifeste par :
- Des remarques condescendantes envers les femmes.
- Des comportements fondés sur des stéréotypes de genre.
- Une perception biaisée qui place les femmes dans une position inférieure, de manière subtile mais persistante.
Un exemple marquant est celui d’une femme trans qui a effectué sa transition tardivement, vers 40 ans. Dans une interview relayée par la comédienne Noémie de Lattre, elle expliquait avoir été perçue et socialisée en tant qu’homme durant toute sa vie. En devenant femme, elle a immédiatement ressenti un changement dans l’attitude des autres : on lui parlait différemment, avec plus de condescendance, ce qu’elle n’avait jamais expérimenté auparavant.
Cet exemple illustre parfaitement ce que les femmes vivent au quotidien, sans même s’en rendre compte, tant cette dynamique est ancrée dans notre société.
Les manifestations du sexisme ordinaire
Un exemple flagrant de sexisme ordinaire est cette tendance à s’adresser aux femmes avec une attitude condescendante. Imaginez une scène chez le boucher : « Ma petite dame, pour cuire vos steaks, vous devez faire comme ceci… » Comme si une femme n’était pas capable de savoir comment cuisiner un steak !
Ce phénomène se retrouve aussi dans d’autres contextes : au magasin de bricolage, à la banque ou encore au restaurant. Lorsqu’une femme est accompagnée d’un homme, c’est souvent vers lui que l’interlocuteur s’adresse, même lorsque la femme est la principale décisionnaire – par exemple, lorsqu’elle finance majoritairement un bien immobilier ou qu’elle gère les travaux.
Le sexisme ordinaire, c’est aussi ces questions intrusives posées aux jeunes femmes : « Alors, quand est-ce que tu comptes avoir des enfants ? » Comme si la maternité était une obligation évidente.
Ces stéréotypes affectent autant les femmes que les hommes. Dire à une fille qu’elle est « trop sensible » ou à un garçon qu’il « ne doit pas pleurer » renforce des normes de genre qui enferment chacun et perpétuent les inégalités.
Un autre aspect insidieux du sexisme ordinaire est la focalisation systématique sur l’apparence des femmes. C’est un de mes chevaux de bataille : je vous invite à y prêter attention, vous verrez que c’est partout, tout le temps.
Dans les conversations professionnelles, on entend fréquemment : « J’ai travaillé avec X sur ce dossier, elle est brillante et… qu’est-ce qu’elle est jolie ! »
Un homme serait-il présenté de la même manière ? Jamais.
Dans les médias, lorsqu’une femme est interviewée, la description de son apparence précède souvent ses compétences : « Elle entre dans la pièce vêtue d’un élégant imperméable, un rouge à lèvres rose mettant en valeur son teint… » En revanche, personne ne commence un article sur un homme en mentionnant sa cravate assortie à ses yeux.
Derrière ces détails en apparence anodins, se cache une réalité bien plus profonde : le physique d’une femme est perçu comme son principal attribut. Elle est jugée d’abord en tant qu’objet, avant d’être considérée comme un sujet à part entière.
Le sexisme ordinaire s’étend également aux pratiques commerciales :
- Les produits d’hygiène destinés aux femmes coûtent souvent plus cher que ceux pour les hommes – c’est ce qu’on appelle la taxe rose.
- Dans un restaurant, la carte des vins est systématiquement donnée à l’homme, sous-entendant qu’il est le seul décisionnaire en matière de choix et de budget.
Tous ces exemples peuvent sembler anecdotiques, mais leur accumulation crée un socle invisible qui perpétue les inégalités et les violences sexistes.
Les conséquences du sexisme ordinaire
Comme le sexisme est omniprésent, il finit par façonner notre manière de penser. Les femmes intègrent ces injonctions et biais au point de les considérer comme normaux. Cela peut engendrer :
- Un manque de confiance en soi
- Le syndrome de l’impostrice
- L’absence de modèles féminins visibles
L’histoire a invisibilisé les femmes, bien qu’elles aient toujours été actrices du changement. Cette absence de représentation accentue encore davantage ce sentiment d’illégitimité.
On entend souvent que les femmes doivent « briser le plafond de verre », « négocier leur salaire », « oser »… Bien sûr, ces conseils sont importants. Mais ils reposent sur une vision individualiste du féminisme, souvent qualifiée de féminisme de marché.
Certains discours encouragent les femmes à s’intégrer dans un système inégalitaire, plutôt que de le remettre en question. Or, les règles du jeu sont biaisées dès le départ.
Comme le dit Sheryl Sandberg, grande promotrice de cette approche, les femmes doivent « prendre leur place à la table des négociations ». Mais moi, je pense surtout que nous devons changer les règles du jeu.
Plutôt que de demander aux femmes de se conformer à un système inéquitable, il faut transformer ce système. Aujourd’hui, on demande aux femmes de s’adapter, comme si on leur demandait :
« Après des années de danse classique, allez jouer au rugby dans l’équipe masculine ».
Mais la vraie question, c’est : et si nous changions les règles du rugby pour que tout le monde puisse jouer à égalité ?
Comment agir contre le sexisme ordinaire ?
À mon échelle, ce que je fais, c’est de la vulgarisation. J’ai commencé ma carrière dans la vulgarisation scientifique, et aujourd’hui, je mets ces compétences au service des études de genre.
À travers mon podcast sur le sexisme ordinaire, mon spectacle et mon futur livre, je traduis les travaux en sociologie, en histoire et en sciences politiques pour les rendre accessibles à toutes et tous. Mon objectif est de faire comprendre l’aspect systémique du sexisme ordinaire et d’aider chacun à changer de regard.
Lutter contre le sexisme ordinaire, ce n’est pas seulement une affaire individuelle. Il ne s’agit pas seulement d’« oser plus », de « prendre confiance » ou de « s’imposer » : c’est un enjeu de société.
Changer les mentalités passe par des prises de conscience, mais aussi par des réformes structurelles :
- Mieux former les entreprises à détecter et combattre les discriminations
- Représenter davantage les femmes dans les médias et la politique
- Éduquer dès le plus jeune âge pour déconstruire les stéréotypes de genre
Le sexisme ordinaire n’est pas une fatalité. Il est possible de le remettre en question, de le dénoncer et de le déconstruire pour construire une société plus égalitaire.
Comment déconstruire les stéréotypes et lutter contre les inégalités ?
Chacun peut agir à sa manière pour faire évoluer les mentalités et lutter contre le sexisme ordinaire. Pour ma part, j’ai choisi la vulgarisation car c’est mon domaine d’expertise. Cependant, il existe de nombreux autres leviers d’action, notamment dans le monde du travail.
Je suis formatrice sur les violences sexistes et sexuelles au travail, et mon livre en préparation s’inscrit dans cette démarche : changer les règles du jeu. Plutôt que d’écrire un énième guide expliquant aux femmes comment négocier leur salaire, j’ai voulu m’adresser aux managers.
Car si l’on apprend aux femmes à revendiquer leurs droits, mais que les personnes qui les encadrent ne changent pas leur façon de manager, c’est comme verser de l’eau dans un panier percé. Le problème n’est pas uniquement individuel : il est structurel.
1. Prendre conscience des biais cognitifs et des stéréotypes
Manager sans discriminer, c’est avant tout réduire l’impact des biais cognitifs et des stéréotypes de genre.
Les biais cognitifs sont des raccourcis mentaux que notre cerveau utilise pour traiter rapidement l’information. Ils sont naturels et ont permis l’évolution humaine, mais ils posent problème dans des contextes professionnels, notamment lors des recrutements ou des évaluations.
Par exemple, nous avons tendance à privilégier inconsciemment une personne qui nous ressemble, ce qui peut exclure des profils différents. Ce biais peut être activé aussi bien par des hommes que par des femmes, car nous avons toutes et tous été socialisés dans une société sexiste.
Le sexisme ordinaire intériorisé est une réalité : il ne suffit pas d’être une femme pour être exempt de biais de genre. Comme dans tout système de domination, il existe des stratégies de survie qui amènent les personnes discriminées à adopter les codes du groupe dominant.
2. Objectiver au maximum les décisions
Lutter contre ces biais passe par l’objectivation des processus de décision.
Dans le recrutement par exemple, il faut éviter de se fier uniquement à son intuition. Le feeling, souvent mis en avant dans l’embauche, est en réalité un puissant vecteur de discrimination.
Recruter, c’est un métier : il ne s’agit pas juste d’une compétence qu’on improvise une fois devenu manager. Malheureusement, beaucoup de responsables se retrouvent à embaucher sans avoir été formés à cette tâche essentielle.
Pour limiter les discriminations, il faut :
- Se former au recrutement sans discrimination
- Définir clairement les compétences recherchées (éviter les termes flous comme leadership, qui véhiculent des stéréotypes)
- Structurer le recrutement en plusieurs étapes, avec des regards croisés pour limiter les biais d’une seule personne
3. Ralentir la prise de décision
Une autre clé essentielle est de ralentir le processus de décision.
Des études montrent que 80 % des décisions d’embauche sont prises dans les 15 premières minutes d’un entretien. C’est catastrophique, car cela signifie que la plupart des recrutements sont basés sur une impression immédiate et non sur des critères objectifs.
Pour y remédier, il faut :
- Structurer les entretiens en plusieurs étapes
- Faire des recrutements collégiaux, avec plusieurs évaluateurs
- Se forcer à questionner chaque décision avec un « pourquoi ? » afin de déjouer les automatismes cognitifs
L’importance de la formation sur le sexisme en entreprise
Lutter contre le sexisme ordinaire en entreprise passe aussi par une formation adaptée. Le Code du travail définit ce que l’on appelle les agissements sexistes, qui peuvent être assimilés au sexisme ordinaire dans un contexte professionnel.
Un agissement sexiste est :
« Tout comportement lié au sexe d’une personne, homme ou femme, qui porte atteinte à sa dignité ou crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
Cela inclut :
- Les remarques déplacées sur l’apparence physique
- Les blagues sexistes
- Les discriminations à l’embauche ou à la promotion
- Les stéréotypes qui influencent les décisions managériales
Aujourd’hui, former les managers et les RH est un impératif pour créer des environnements de travail plus sains et inclusifs.
Les biais sexistes dans l’intelligence artificielle
Le sexisme ordinaire ne se limite pas aux interactions humaines : il se retrouve aussi dans les technologies, notamment dans les intelligences artificielles.
Un exemple frappant est une étude menée par Jamais sans elles sur les IA génératives d’images. Lorsqu’on demandait à une IA comme Midjourney de représenter un PDG (CEO), l’image produite était systématiquement celle d’un homme blanc, élégant, en costume. En revanche, pour une secrétaire, l’IA générait une femme hypersexualisée, souvent avec des lunettes et une poitrine exagérément mise en avant.
Les algorithmes et IA ne sont pas neutres :
- Ils sont conçus par des humains qui ont leurs propres biais et stéréotypes.
- Ils sont entraînés sur des données réelles, qui reflètent les inégalités déjà existantes dans la société.
Ainsi, une IA qui apprend en analysant des images de PDG issus d’internet risque de renforcer les stéréotypes au lieu de les déconstruire.
Certaines initiatives visent à réduire ces biais, en entraînant les IA sur des bases de données plus inclusives. Cependant, cela demande un travail titanesque, qui est encore en cours de développement.
Comment réagir face au sexisme ordinaire ?
Lorsqu’une femme est confrontée à une situation sexiste, il est essentiel de ne pas culpabiliser si elle ne réagit pas immédiatement.
Première règle : on fait comme on peut.
Se préserver est la priorité.
Notre cerveau répond aux agressions (ici le sexisme ordinaire) selon trois mécanismes :
- La sidération
- La fuite
- L’affrontement
1. La sidération
C’est la réaction la plus fréquente face au sexisme ordinaire. Lorsqu’un événement soudain et violent survient, le cerveau disjoncte et place la personne en état de choc.
Exemple : imaginez être agressé en pleine rue. Vous êtes figé, incapable de bouger ou de parler. Ce même mécanisme explique pourquoi, lors d’une agression sexuelle, certaines victimes ne crient pas, ne se débattent pas et ne réagissent pas.
Cette réaction est naturelle et automatique. Elle ne signifie en aucun cas un consentement ou un manque de volonté de réagir.
2. La fuite
Parfois, notre cerveau choisit l’option de l’évitement face au sexisme ordinaire. C’est une réaction stratégique, qui permet d’échapper à une situation dangereuse.
Dans un environnement professionnel, l’impact du sexisme ordinaire, cela peut se traduire par :
- Éviter certaines réunions par peur d’être rabaissée
- Se détourner de certaines opportunités pour ne pas affronter un cadre sexiste
3. L’affrontement
Lorsque les conditions le permettent avec le sexisme ordinaire, certaines personnes choisissent de répliquer, soit par l’humour, soit par une remise en question directe du propos sexiste.
Exemple :
« Pourquoi tu ne souris pas ? »
« Tu demandes aussi ça à ton collègue masculin ? »
Cependant, il est important de rappeler que chaque contexte est différent, et que l’affrontement peut ne pas toujours être la meilleure option, notamment pour préserver sa sécurité psychologique et physique.
L’autodéfense féministe : un outil pour réagir au sexisme ordinaire
Lorsqu’une femme est confrontée à une situation de violence ou de sexisme ordinaire, son cerveau peut réagir de trois manières instinctives :
- La sidération : l’incapacité à réagir sur le moment, due à un état de choc.
- La fuite : l’évitement de la situation pour se protéger.
- L’affrontement : la riposte, qui nécessite préparation et entraînement.
Un détail important : lorsqu’une femme porte des talons hauts, sa capacité à fuir est réduite, ce qui peut affecter sa sécurité physique en cas d’agression. C’est une réalité qui illustre comment des choix vestimentaires sont aussi influencés par des considérations de survie.
L’autodéfense féministe : une approche historique et militante
Depuis plusieurs décennies, les mouvements féministes développent des techniques d’autodéfense féministe, permettant aux femmes de se protéger, verbalement et physiquement.
- Le livre de Irène Zeilinger, Non c’est non : une référence sur l’autodéfense émotionnelle, verbale et physique.
- La BD Défends-toi toi-même : une introduction accessible aux principes de riposte féministe.
Ces outils permettent d’apprendre à reprendre le pouvoir face aux situations de sexisme ordinaire et d’agressions.
Répondre au sexisme ordinaire : faut-il utiliser l’humour ?
Face à un propos sexiste, beaucoup de femmes ressentent une pression à réagir immédiatement, avec une réplique percutante. Mais avoir de la répartie est une compétence qui s’acquiert avec le temps, et il est normal de ne pas toujours trouver la bonne réponse sur le moment.
- Se rappeler qu’il est possible de réagir plus tard.
- Ne pas culpabiliser si l’on ne répond pas immédiatement.
L’humour peut parfois être une arme efficace contre le sexisme, mais en milieu professionnel, il est souvent contre-productif.
L’humour est subjectif : une blague peut être mal comprise ou tourner en dérision la gravité de la situation.
L’humour peut renforcer le conflit : une remarque humoristique peut être perçue comme une attaque personnelle, détournant l’attention du problème initial.
L’objectif est de faire cesser le comportement : le but n’est pas de ridiculiser la personne, mais d’empêcher que cela se reproduise.
Les étapes pour recadrer un propos sexiste
Dans le cadre du travail, il est essentiel d’avoir une approche structurée pour recadrer un propos sexiste de manière efficace et respectueuse.
1. Verbaliser la situation
Répéter le propos entendu : « Tu viens de dire… »
Expliquer pourquoi c’est problématique : « C’est une blague qui dévalorise les femmes. »
Cette étape permet de gagner du temps, d’éviter la sidération et d’amener l’interlocuteur à prendre conscience de ses paroles.
2. Exprimer son ressenti et rappeler la loi
Utiliser le je pour exprimer son inconfort : « Ça me met mal à l’aise. »
Faire appel à un cadre législatif si nécessaire : « D’ailleurs, ce type de propos est interdit par le Code du travail. »
Si l’on est témoin : on peut exprimer son ressenti, mais sans parler à la place de la victime.
Ne pas adopter une posture de sauveur (white savior pour les discriminations racistes, chevalier servant pour le sexisme).
3. Formuler une demande claire
Exiger que cela cesse immédiatement : « Je ne veux plus entendre ce type de propos. »
Cette phase est essentielle pour lutter contre le sexisme ordinaire : elle clôt la discussion et envoie un message clair aux témoins présents.
L’importance du suivi après un recadrage
Une fois la situation passée, il est utile de revenir calmement vers la personne qui a tenu des propos sexistes pour :
Débriefer et expliquer pourquoi ce n’était pas acceptable.
Faire de la pédagogie si on en a l’énergie.
Le but est d’amener l’interlocuteur à une réflexion durable, sans le braquer ou l’humilier en public.
Lorsqu’on est témoin d’un agissement sexiste, il est important de prendre des nouvelles de la personne concernée, sans imposer d’émotions.
Exemple :
« Tout à l’heure, j’ai remarqué que cette remarque t’a peut-être mis mal à l’aise. Est-ce que tout va bien ? »
« Si tu as besoin d’en parler ou d’un soutien, je suis là. »
Ne pas forcer une personne à exprimer un malaise qu’elle ne ressent pas ou ne veut pas partager.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il existe des référents pour les violences sexistes et sexuelles.
Le référent CSE : il s’agit d’une personne désignée au sein du Comité Social et Économique (CSE) pour traiter ces problématiques.
Le référent employeur : désigné par l’entreprise pour prévenir et gérer les situations de sexisme et harcèlement sexuel.
Si l’on est victime ou témoin, il est possible de signaler les faits à ces référents ou d’engager une procédure légale.
Faut-il toujours éduquer son entourage ?
Réagir au sexisme ordinaire ne signifie pas qu’il faut systématiquement prendre le rôle de pédagogue auprès de son entourage.
On peut sensibiliser si l’on en a l’énergie et l’envie.
On n’est pas obligé d’être un·e « professeur·e gratuit·e » pour les autres.
Il est souvent épuisant de toujours expliquer et justifier des réalités accessibles à toutes et tous. Il existe aujourd’hui de nombreuses ressources en ligne pour celles et ceux qui souhaitent s’informer.
- Le podcast Matrimoine Féministe
- Le podcast Chronique du sexisme ordinaire
- Des articles, vidéos et livres disponibles en ligne
Les personnes non concernées qui souhaitent être allié·es ne doivent pas attendre des femmes féministes qu’elles leur expliquent tout gratuitement.
Utiliser Google pour chercher des informations.
Être proactif·ve et lire les travaux existants.
Prendre du recul sur ses propres biais et stéréotypes.
Petit rappel : même ChatGPT peut avoir des biais sexistes, car il est entraîné sur des données humaines, qui contiennent déjà ces discriminations structurelles.
Lutter contre le harcèlement dans l’espace public : la méthode des 5D
Lorsqu’on est témoin ou victime de harcèlement de rue, il existe une méthode concrète pour réagir : les 5D.
Cette approche, développée par la fondation Stand Up, propose cinq stratégies pour intervenir face au harcèlement sexiste et sexuel dans l’espace public.
- Distraire : détourner l’attention pour interrompre la situation.
- Documenter : filmer ou noter des détails si la victime en a besoin.
- Déléguer : demander de l’aide à un tiers (police, conducteur de bus, etc.).
- Diriger : intervenir en s’adressant directement à l’agresseur.
- Dialoguer : soutenir la victime après l’incident.
Cette formation, d’une durée de deux heures, est gratuite et ouverte à toutes et tous.
Apprendre des réflexes concrets à adopter en cas de harcèlement.
Comprendre comment réagir sans se mettre en danger.
Devenir un allié actif contre les violences sexistes.
Témoignage : certaines personnes ayant suivi cette formation lors du Train de l’Égalité ont témoigné de son impact positif et concret dans leur quotidien.
Le parcours de Marine Petroline : du féminisme de marché à l’engagement militant
Comme beaucoup de personnes de ma génération, mon engagement féministe n’est pas venu du jour au lendemain.
Enfant des années 80, j’ai grandi dans une période où le féminisme était en creux.
Contrairement à aujourd’hui, il n’y avait pas autant de ressources accessibles pour comprendre ces enjeux.
Petit à petit, au fil des années, j’ai commencé à me déconstruire et à m’intéresser aux inégalités de genre.
- Le magazine Cosette, que j’ai suivi pendant des années.
- Des lectures et podcasts, comme Les Couilles sur la Table.
- Des échanges et des expériences personnelles qui m’ont permis d’ouvrir les yeux.
J’ai d’abord découvert le féminisme par le prisme du travail et des inégalités professionnelles.
Comme beaucoup de femmes diplômées, j’ai été confrontée à des discriminations dans le monde du travail.
J’ai exploré le women empowerment, qui encourage les femmes à « briser le plafond de verre ».
Même si ce discours est parfois critiqué pour son approche individualiste, il reste un point d’entrée utile pour de nombreuses femmes qui prennent conscience des injustices systémiques.
De la prise de conscience à l’action : pourquoi j’ai créé Chronique du sexisme ordinaire
Mon engagement militant a été catalysé par deux moments clés de ma vie.
1. Une transition professionnelle difficile
J’ai vécu une période de burn-out qui a remis en question mon parcours.
Pendant mon arrêt maladie, j’ai conceptualisé mon projet, qui m’a servi de thérapie et de nouveau départ.
2. La lecture du livre Femmes invisibles de Caroline Criado-Pérez
Ce livre a été un véritable choc et a inspiré toute ma ligne éditoriale.
Criado-Pérez démontre comment l’absence de statistiques genrées invisibilise les problèmes spécifiques aux femmes.
Elle analyse l’impact de cette invisibilisation dans tous les domaines : santé, transport, sécurité, travail, etc.
Pendant des décennies, les mannequins de crash-test étaient conçus exclusivement sur des morphologies masculines.
Résultat : les femmes ont un risque accru de blessures graves en cas d’accident.
Cette invisibilisation dans la conception des technologies met des vies en danger.
Ce livre m’a montré à quel point notre société a été pensée pour les hommes, et m’a convaincue qu’il fallait agir pour dénoncer ces biais systémiques.
Un choc qui change tout : comment le féminisme est devenu une évidence
La lecture de Femmes invisibles de Caroline Criado-Pérez a été une véritable révélation pour moi.
Un coup de poing dans le ventre, une baffe en pleine face.
Une impression que tout s’éclaire d’un coup : les inégalités sont partout.
Une évidence : il faut en parler, expliquer, partager.
Une fois qu’on ouvre les yeux sur ces mécanismes invisibles, il devient impossible de faire semblant.
Ce ne sont pas juste des « problèmes isolés » comme les écarts de salaire ou les violences sexuelles.
C’est un système entier, une matrice dans laquelle nous sommes tous et toutes immergé·es.
Avec Chronique du sexisme ordinaire, j’ai voulu parler de ces inégalités invisibles, celles auxquelles on ne pense pas forcément :
- Les représentations des femmes dans la préhistoire.
- L’histoire des vêtements et du pantalon.
- Les discriminations dans le sport olympique.
- Les femmes dans la tech et les stéréotypes qui les freinent.
- Même des sujets du quotidien comme les files d’attente aux toilettes.
Un travail de vulgarisation rigoureux et accessible
J’accorde une importance fondamentale aux sources et à la rigueur intellectuelle.
Mon parcours universitaire m’a appris à recouper les informations et à vérifier mes sources.
Comme une journaliste, je vérifie, analyse et cite des travaux d’expert·es et d’universitaires.
Pourquoi ? Parce que les personnes qui dénoncent le sexisme sont souvent attaquées sur la crédibilité de leurs propos. Il est donc crucial de fournir des données sourcées et incontestables.
L’enjeu du podcast est de traduire des recherches complexes en contenus accessibles.
Beaucoup de personnes ne liront pas un essai féministe dense, mais écouteront un podcast de 20 minutes.
Mon but est de toucher un public plus large, sans sacrifier la qualité et la précision des informations.
D’après mes premières analyses d’audience, mon public est composé à :
90 % de femmes.
Principalement blanches, diplômées et cadres.
Ce profil reflète une réalité du féminisme contemporain : il est souvent plus accessible aux femmes ayant déjà une certaine conscience des inégalités et un accès à l’information.
Mais mon objectif est d’aller au-delà de cette audience acquise et de toucher un public encore plus diversifié.
Même si je sais que mon travail touche avant tout des personnes déjà sensibilisées, il reste essentiel.
- Déconstruire encore plus profondément les idées reçues.
- Donner des arguments et des outils à celles et ceux qui veulent sensibiliser leur entourage.
- Faire en sorte que ces contenus circulent et touchent de nouvelles personnes.
TikTok et la stratégie de communication du podcast
Sur TikTok et Instagram, je crée des vidéos pédagogiques courtes et engageantes.
- Mise en scène humoristique : apprendre en s’amusant.
- Formats dynamiques et accessibles : parfaits pour capter une nouvelle audience.
Ce format permet de faire découvrir le podcast à des personnes qui ne l’auraient peut-être jamais écouté autrement.
Avant même de lancer Chronique du sexisme ordinaire, j’ai élaboré une véritable stratégie marketing.
- Définition d’une plateforme de marque.
- Élaboration d’une ligne éditoriale claire.
- Choix de formats adaptés à chaque réseau social.
La réalité économique de la création de contenu féministe
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, même avec une grande audience, il est très difficile de vivre de la création de contenu.
Aujourd’hui, le podcast Chroniques du Sexisme Ordinaire ne me permet pas de payer mon loyer.
L’économie des médias et de la création de contenu est extrêmement précaire.
Les personnes qui créent du contenu sur Instagram ou TikTok ne gagnent pas forcément leur vie avec.
Même des créatrices avec des centaines de milliers d’abonnés peinent à monétiser leur travail.
Un exemple frappant est celui de Noémie Fachan (alias Medusa Gorgon), une illustratrice et vulgarisatrice brillante qui dépasse les 100 000 abonnés mais vit dans une précarité économique.
Son travail est incroyable, mais peu de personnes achètent ses BD malgré sa notoriété.
Ce phénomène touche beaucoup de créateurs et créatrices de contenu engagés sur des causes sociales.
Pourquoi soutenir la création de contenu féministe ?
Créer du contenu éducatif, sourcé et de qualité prend énormément de temps et d’énergie.
- Recherche et vérification des sources.
- Rédaction et structuration des épisodes.
- Enregistrement et montage.
- Communication et animation des réseaux sociaux.
Tout ce travail repose souvent sur du bénévolat ou des revenus précaires.
Si vous appréciez le travail de certain·es créateurs et créatrices, voici comment les soutenir concrètement :
Écouter et partager leurs contenus pour leur donner plus de visibilité.
S’abonner à leurs plateformes et les recommander à votre entourage.
Soutenir financièrement quand c’est possible (achat de livres, dons, abonnements Patreon…).
Comment vivre de la création de contenu féministe ?
Pour ne pas tomber dans la précarité financière tout en poursuivant mon engagement, j’ai développé une stratégie économique hybride :
Un spectacle-conférence, que je propose aux entreprises et aux séminaires.
L’écriture d’un livre, bien que ce soit un travail colossal et très peu rémunéré.
Droits d’auteur : 8 % en moyenne
Revenus par livre vendu : environ 2 €
Autrement dit, vendre des livres ne suffit pas pour en vivre. L’objectif principal reste de sensibiliser un large public et d’ouvrir le débat sur le sexisme ordinaire.
Dans un monde où l’on consomme du contenu en continu, il est important de soutenir celles et ceux qui produisent ces ressources gratuites.
Aimer, commenter et partager leur travail sur les réseaux sociaux.
Acheter leurs livres, assister à leurs spectacles, les soutenir sur Patreon ou Tipeee.
Ne pas juste consommer de manière passive, mais valoriser leur travail.
Créer du contenu, c’est du travail. Il ne sort pas de nulle part et mérite d’être reconnu à sa juste valeur.
Le spectacle-conférence : un pari audacieux mais gagnant
L’idée d’un spectacle humoristique sur le sexisme ordinaire est née progressivement.
À l’origine, Chronique du sexisme ordinaire devait être un projet de scène, un stand-up engagé.
Finalement, cela s’est transformé en podcast, mais l’envie de jouer sur scène est restée.
Formation au stand-up et au one-man-show pendant un an en cours du soir.
Premiers essais en entreprise, d’abord sur des formats courts de 20 minutes.
Une opportunité avec Web Today : ils m’ont demandé « Ton spectacle dure combien de temps ? »
J’ai répondu « Entre 30 et 50 minutes »… alors que j’avais seulement 20 minutes écrites.
J’avais six mois pour écrire et tester le reste. J’ai foncé et ça a marché !
Fake it until you make it ? Oui, mais avec préparation et travail acharné.
Le mot de la fin sur le sexisme ordinaire
Si vous souhaitez que je vienne jouer mon spectacle sur le sexisme ordinaire, voici comment faire :
Trouvez une salle, remplissez-la et financez l’événement.
Je peux me déplacer partout… où il y a du sexisme ordinaire, un micro et un chèque !
Pour l’instant, les dates publiques restent limitées car je n’ai pas de société de production.
Paris, c’est là que j’habite (même si je partage mon temps avec la Bretagne).
C’est là que j’ai mon réseau et que je peux remplir les salles.
Si j’étais basée ailleurs, les dates se feraient là-bas.
Mais je suis toujours ouverte à des propositions pour venir jouer dans d’autres villes !
Restez à l’affût pour la sortie du livre en mars 2025 !
Tes rôles modèles
Plutôt qu’une personnalité publique, je choisis Brigitte Nyborg, personnage principal de la série Borgen.
Femme politique danoise, elle devient Première ministre.
Personnage nuancé, avec des doutes, des échecs et des victoires.
Introduction idéale au système parlementaire scandinave, basé sur le compromis.
Une série à découvrir pour celles et ceux qui s’intéressent à la politique et à la place des femmes dans le pouvoir.
Tes ressources sur le sexisme ordinaire
- Femmes invisibles de Caroline Criado-Pérez
- Non, c’est non de Irène Zeilinger (autodéfense féministe)
- Défends-toi toi-même (BD sur l’autodéfense féministe)
- Le podcast Chronique du sexisme ordinaire (bah oui, il faut bien faire sa promo !)
Se documenter est essentiel pour déconstruire le sexisme ordinaire et agir efficacement.
Ta définition du féminisme
Pour moi, le féminisme, c’est :
L’égalité entre toutes et tous comme objectif ultime.
L’équité comme le levier nécessaire pour y parvenir.
Pour mieux comprendre la différence entre égalité, équité, parité et quotas, écoutez l’épisode dédié sur Chronique du sexisme ordinaire.
Qui aimerais-tu voir au micro de Matrimoine Féministe ?
- Noémie Fachan (Medusa Gorgon) : illustratrice et vulgarisatrice brillante.
- Violaine de Philippis : avocate engagée contre les violences sexistes et sexuelles.
- Sophie Truchot-Barret : experte en accompagnement des organisations.
De nombreuses femmes inspirantes méritent d’être mises en lumière !
Informations complémentaires au sexisme ordinaire
Les rôles modèles et ressources de l’épisode le sexisme ordinaire
- Brigitte Nyborg
- Femmes invisibles de Caroline Criado-Pérez
- Non, c’est non de Irène Zeilinger
- Défends-toi toi-même
- Le podcast Chronique du sexisme ordinaire
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Episodes complémentaires au sexisme ordinaire
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