En 2023, la Coupe du monde féminine de football a rassemblé des millions de téléspectateurs et rempli les stades, mais sa couverture médiatique reste bien inférieure à celle de son équivalent masculin. Un écart qui illustre un phénomène persistant : la médiatisation du sport féminin avance à pas lents, malgré l’engouement croissant du public et la montée en puissance des athlètes.
Comme le rappelait l’émission Le Débat de midi sur France Inter le 18 août 2023 (aussi la source de cet article de la rubrique éducation féministe), « les femmes représentent 40 % des licenciés sportifs en France, mais elles ne bénéficient que de 15 % de la couverture médiatique ». Pire encore, « moins de 4 % des compétitions sportives diffusées à la télévision entre 2018 et 2021 concernaient des femmes ».
Ces chiffres soulignent l’ampleur du décalage. Pourquoi, alors que les performances féminines se multiplient et que les audiences sont au rendez-vous, leur médiatisation reste-t-elle marginale ? Entre stéréotypes persistants, logiques économiques et absence de stratégie éditoriale, cet article décrypte les freins structurels et propose des pistes concrètes pour faire évoluer la situation.
La sous médiatisation du sport féminin : un symptôme persistant
Une étude menée par Tagaday a mis en lumière l’inégalité flagrante dans la médiatisation du sport féminin, notamment lors de la Coupe du monde féminine de football de 2023. Alors que les médias ont accordé une place démesurée à des figures comme Kylian Mbappé, les 23 joueuses de l’équipe de France réunies ont bénéficié de deux fois moins de visibilité. Plus de 34 000 sujets ont été consacrés à la compétition, mais l’essentiel de cette couverture n’est intervenu qu’à partir de juin, preuve d’un intérêt tardif et souvent opportuniste.

Ce constat ne date pas d’hier. En regardant dans le rétroviseur, les disparités sont tout aussi visibles. En 1983, Yannick Noah est sacré à Roland-Garros. En 2000, Mary Pierce est sacrée à Roland-Garros. Pourtant, ces deux exploits sportifs n’ont pas bénéficié du même écho médiatique. Cette inégalité révèle que, malgré des performances équivalentes, la médiatisation du sport féminin reste reléguée au second plan, marginalisée dans les mémoires collectives comme dans les archives.
Les chiffres actuels confirment cette tendance. Selon un rapport de l’Arcom, la télévision française a consacré 21,4 % de son temps d’antenne au sport féminin, contre 31,8 % pour le sport masculin. Ce progrès apparent reste modeste, surtout lorsqu’on se souvient qu’entre 2018 et 2021, la médiatisation du sport féminin ne dépassait pas les 4,5 %. Malgré cette avancée, les efforts restent largement insuffisants au regard de l’essor du sport féminin ces dernières années.
Dans les années 80 et 90, on se demandait déjà si une plus grande visibilité entraînerait une plus grande popularité. La réponse semble évidente : oui, mais à condition d’y croire collectivement. Et pourtant, le contexte médiatique a profondément évolué depuis les années 1990. À l’époque déjà, chercheurs, journalistes et militantes dénonçaient la sous-représentation du sport féminin.
Mais aujourd’hui, le paysage s’est complexifié : les GAFAM s’impliquent dans la diffusion d’événements sportifs et imposent une logique de rentabilité. Dans ce nouvel écosystème ultra-concurrentiel, la médiatisation du sport féminin devient tributaire de critères économiques plus que d’intérêt sociétal ou sportif.
Cette comparaison constante entre sport masculin et féminin constitue un frein majeur. Depuis plus de quarante ans, les femmes doivent non seulement performer, mais le faire mieux, plus souvent, et de façon plus spectaculaire pour espérer une couverture équivalente. Cette exigence démesurée ralentit les progrès de la médiatisation du sport féminin, en instaurant des critères inaccessibles pour la majorité des athlètes.
Les Jeux Olympiques en offrent une illustration frappante. Des athlètes comme David Douillet, Séverine Vandenhende ou Marie-Claire Restoux ont remporté des titres similaires. Pourtant, leur reconnaissance médiatique n’a pas été équivalente. Cette différence de traitement met en lumière une médiatisation du sport féminin conditionnée par des biais de genre encore puissants. Il ne suffit pas de gagner : il faut aussi que cela corresponde à des attentes narratives ou commerciales.
Sur le terrain aussi, ces inégalités sont visibles. La finale de la Coupe de France féminine, jouée à Orléans, n’a attiré que 6 000 spectateurs, tandis que la finale de la Coupe d’Angleterre remplissait Wembley avec 77 000 personnes. La différence n’est pas une fatalité : elle est le reflet d’un manque de stratégie, d’investissement et de volonté politique. Sans politique d’accompagnement ambitieuse, la médiatisation du sport féminin reste marginale, même dans les grands rendez-vous.
Ce manque de soutien est aussi perceptible dans la gestion des infrastructures. Les Parisiennes ne jouent pas systématiquement au Parc des Princes pour la Ligue des champions, alors que les clubs espagnols n’hésitent pas à ouvrir le Camp Nou à leurs équipes féminines. Même à Lyon, les joueuses ne profitent du grand stade qu’en cas d’affiche exceptionnelle.

À cela s’ajoute un déséquilibre historique en matière d’investissement. Tandis que le sport masculin bénéficie depuis des décennies de moyens structurels, le sport féminin doit constamment justifier son existence médiatique. Les droits TV cristallisent cette tension : à chaque renégociation, la même question revient — « Est-ce que ça vaut le coup ? » — alors même que le public répond présent. Faute d’engagement durable, la médiatisation du sport féminin reste instable et fragile.
L’analyse de la couverture olympique apporte un éclairage intéressant. Entre 1952 et 2004, on est passé d’un traitement global à une individualisation croissante : un article = un athlète. Ce glissement éditorial a réduit la diversité des disciplines couvertes, au détriment des femmes. La médiatisation du sport féminin, déjà minoritaire, perd ainsi en volume et en visibilité, même lorsqu’elle s’inscrit dans des compétitions internationales majeures.
Et les chiffres continuent d’alerter : aux JO, les femmes remportent parfois près de 60 % des médailles françaises… mais ne dépassent pas 36 % de la couverture médiatique. Ce déséquilibre criant révèle une hiérarchisation implicite des performances. En d’autres termes, la médiatisation du sport féminin ne suit ni les résultats, ni l’impact, mais une logique éditoriale genrée.
Les choix des médias sont révélateurs. Dans le supplément sport de Ouest France du 13 août 2023, une défaite féminine occupe la couverture, tandis que l’on doit patienter sept pages pour lire un article sur Eugénie Le Sommer. En cas de contre-performance, les sportives sont souvent effacées, là où les sportifs bénéficient d’analyses détaillées. Cette disparité nuit gravement à la médiatisation du sport féminin, en l’associant inconsciemment à l’échec.
Les exemples sont nombreux. Lors de l’élimination de l’équipe masculine en huitième de finale de l’Euro, le traitement a été long, fouillé, presque romanesque. À l’inverse, les revers féminins sont présentés sans nuance, comme des déceptions anecdotiques. Cette différence de traitement montre combien la médiatisation du sport féminin souffre encore d’un manque de considération narrative.
Cela pose une question centrale : pourquoi parle-t-on — ou non — du sport féminin ? Si les choix éditoriaux sont souvent motivés par la rentabilité, ils peuvent aussi créer la tendance. Une Une avec les handballeuses championnes olympiques aurait pu être un best-seller. Pourtant, c’est l’arrivée de Messi au PSG qui a capté l’attention. Ce type d’arbitrage entretient une médiatisation du sport féminin à deux vitesses, où les exploits féminins passent après les faits divers masculins.
Enfin, même les réseaux sociaux, souvent perçus comme plus égalitaires, ne corrigent pas totalement la donne. Bien au contraire, ils introduisent de nouveaux biais : hypersexualisation, storytelling superficiel, survalorisation de l’apparence. Cette exposition conditionnée nuit à la médiatisation du sport féminin, en la transformant en produit marketing plus qu’en reconnaissance sportive.

Des réseaux sociaux aux instances : repenser la médiatisation du sport féminin
Face à la faible médiatisation du sport féminin dans les médias traditionnels, les réseaux sociaux sont devenus des espaces de contournement. Des hashtags comme #meufdefoot permettent à des communautés engagées de visibiliser le sport féminin autrement. Interviews, portraits, coulisses : les contenus se multiplient, portés par des comptes indépendants et des médias alternatifs. Mais cette transition soulève une question : si les spectateurs se détournent des grands médias pour suivre ces canaux, c’est bien que la médiatisation du sport féminin y est encore trop absente, voire négligée.
Les travaux de la chercheuse Sandy Montañola révèlent que de nombreuses femmes disent ne pas se reconnaître dans la couverture sportive… justement parce qu’elles n’y sont pas représentées. Un cercle vicieux qui entretient une médiatisation du sport féminin à part, et donc marginale.
Ce phénomène n’est pas nouveau. En 1985, le magazine Sportive, cofondé par Marie Drevet, n’a tenu que quatre numéros. Il portait pourtant une volonté forte : celle de créer un espace pour parler de sport autrement, avec une attention particulière au sport féminin. Depuis, plusieurs initiatives similaires ont émergé : L’Équipe féminine en 2005, Les Sportives en 2016, Women Sports, ou encore des magazines spécialisés. Si ces médias ont enrichi l’écosystème, leurs moyens restent limités, et leur portée ne compense pas l’insuffisante médiatisation du sport féminin dans les grands titres généralistes.
Or, cette segmentation pose problème. Qu’il s’agisse d’alimentation, de culture ou de sport, créer des espaces spécialisés peut encourager une consommation de niche. Mais lorsqu’on parle d’un droit à l’information équitable, les médias généralistes ont une responsabilité. Il est indispensable qu’ils intègrent davantage de contenu lié à la médiatisation du sport féminin, non pas pour « féminiser » l’actualité sportive, mais pour refléter la diversité réelle des pratiques et des publics.
Cette transformation passe aussi par le storytelling. En 1984, Canal+ a radicalement changé la perception de la D1 masculine en racontant le championnat autrement : nouvelles caméras, meilleure qualité sonore, mise en avant des joueurs et des coulisses. Résultat : le football français a gagné en attractivité. Appliquer cette même approche à la médiatisation du sport féminin — en rendant les athlètes accessibles, en humanisant les compétitions — permettrait d’amplifier leur rayonnement.
Mais cette évolution ne pourra advenir sans un changement institutionnel profond. Lors de la Coupe du monde féminine 2023, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a appelé les femmes à « choisir leurs combats », laissant entendre qu’elles devaient « mériter » leur place. Ce type de discours montre à quel point la médiatisation du sport féminin reste entravée par une vision paternaliste du sport, qui devrait pourtant défendre l’accessibilité pour tous et toutes.
Ce déséquilibre s’observe également dans les organes de décision. En 2025, seulement 19% des fédérations sportives françaises sont dirigées par des femmes. Dans les fédérations olympiques, elles ne sont que 8% à être présidentes, alors que les femmes représentent près de 40% des licencié·es. On tente de « féminiser » les instances sans en changer le fonctionnement. Pourtant, une véritable parité, notamment dans les postes décisionnaires, pourrait transformer durablement la médiatisation du sport féminin, en influençant les priorités éditoriales, les budgets et les stratégies de diffusion.
Dans le milieu journalistique comme dans le milieu sportif, les femmes doivent sans cesse prouver leur légitimité. On leur attribue souvent un rôle de décoration, de « touche féminine », plutôt que de les intégrer pleinement. Or, pour que la médiatisation du sport féminin s’améliore, il ne suffit pas d’avoir quelques visages visibles : il faut atteindre un seuil de féminisation (souvent estimé à 30 %) pour amorcer un véritable changement culturel.
Le manque de représentation a des effets délétères bien au-delà des médias. Si les jeunes filles ne voient pas de sportives valorisées, elles s’auto-censurent, hésitent à s’engager dans un univers perçu comme masculin, compétitif et chronophage. L’absence de médiatisation du sport féminin contribue ainsi à freiner la pratique elle-même, nourrissant un cercle d’invisibilité dont il est difficile de sortir.
La loi de janvier 2024 sur la parité ouvre peut-être une brèche. Mais il faudra qu’elle soit accompagnée d’un réel changement de regard, de pratiques, et d’engagement éditorial pour que la médiatisation du sport féminin devienne une évidence… et non une exception.
Et si on changeait les règles ? Vers une médiatisation du sport féminin plus équitable
L’absence de décryptage après la Coupe du monde féminine de football est révélatrice. Là où les compétitions masculines sont suivies d’analyses techniques, tactiques et éditoriales, le sport féminin est souvent relégué à une actualité vite balayée. Ce vide nourrit la faiblesse de la médiatisation du sport féminin, en créant une impression d’événement sans lendemain, dénué de continuité ou d’enjeux.
Les équipementiers pourraient pourtant jouer un rôle clé dans cette transformation. Pour les hommes, ils n’hésitent pas à collaborer avec des YouTubeurs ou influenceurs pour générer du contenu autour des joueurs. Pourquoi ne pas appliquer la même logique aux sportives ? Salma Bacha, par exemple, est une pépite de l’Olympique Lyonnais, mais il faut encore convaincre pour obtenir un simple entretien vidéo avec elle. Tant que la médiatisation du sport féminin dépendra d’un calcul d’audience comparatif — « fera-t-on plus de vues avec Presnel Kimpembe ? » — elle restera déséquilibrée.
Pourtant, des campagnes réussies existent. La publicité d’Orange, diffusée pendant la Coupe du monde féminine, a marqué les esprits en détournant les clichés pour mettre en valeur les joueuses. Avec des millions de vues, elle a prouvé que casser les codes classiques de représentation peut séduire le public et enrichir la médiatisation du sport féminin.
D’autres disciplines pourraient aussi inspirer un renouveau. Prenons les tournois de tennis : les femmes jouent la finale de Roland-Garros le samedi, les hommes le dimanche. Pourquoi ne pas penser des formats mixtes, des programmations croisées, des « levers de rideau » où les matchs féminins précèdent des matchs masculins, comme cela se fait en boxe ? Une telle démarche favoriserait une médiatisation du sport féminin plus organique, en intégrant les femmes dans la culture événementielle.
Les épreuves mixtes sont également porteuses d’espoir. Lors des JO, l’équipe mixte de judo a rassemblé 18 millions de téléspectateurs, portée par des figures comme Teddy Riner et Clarisse Agbegnenou. Cette formule prouve que la mixité peut générer de l’intérêt, du suspense, de l’émotion. Elle ouvre des perspectives inédites pour la médiatisation du sport féminin, en valorisant la complémentarité plutôt que la séparation.
Mais pour avancer, il faut aussi déconstruire des résistances anciennes. Pendant longtemps, on justifiait l’exclusion des femmes par des discours pseudo-médicaux : le sport nuirait à leur fertilité, à leur féminité. Ces idées se sont transformées, mais restent sous-jacentes : aujourd’hui, on questionne leur rentabilité, leur niveau ou leur intérêt pour le public. Ces biais ralentissent la médiatisation du sport féminin et nourrissent une réception critique injuste. Encore trop souvent, on lit des commentaires sexistes et des jugements basés sur des impressions faussées par des conditions inéquitables de captation ou de diffusion.
Il est également essentiel de comprendre que tout dépend du type de sport. Dans des disciplines comme le marathon, l’escalade ou la voile, les performances féminines sont déjà valorisées de manière plus égalitaire. Ces exemples peuvent servir de base pour repenser plus largement la médiatisation du sport féminin, en s’appuyant sur les sports où les différences de genre sont moins mises en avant.
Un autre levier d’action se situe dans l’éducation. Dès le collège, les cours de sport sont genrés, les stéréotypes bien présents. Cela se reflète ensuite dans les pratiques, les représentations, et bien sûr dans la médiatisation du sport féminin. Réfléchir à cette question sous l’angle politique et social, c’est s’interroger sur les fondations mêmes de notre rapport au sport.
Depuis 2013, des plans de féminisation ont été mis en place dans les fédérations, avec des résultats encourageants dans certains sports comme le rugby ou le football. Le nombre de licenciées a bondi. Mais cette progression quantitative ne suffit pas. La médiatisation du sport féminin dépend aussi des conditions d’accueil, de l’encadrement, et du regard porté sur les femmes dans le sport. Trop souvent, encadrer une équipe féminine est perçu comme une punition. Les femmes, bien que nombreuses comme bénévoles, restent invisibles dans les discours, les diplômes et les valorisations.
La sexualisation de certaines disciplines renforce aussi les freins. Les parents s’inquiètent du parcours de leurs filles dans des environnements où l’image compte parfois plus que la performance. Cela affecte l’engagement, la confiance, et bien sûr, l’accès à une médiatisation du sport féminin respectueuse et valorisante.
Des initiatives récentes montrent cependant une prise de conscience. Une publicité de la Fédération portugaise de football pour la Coupe du monde féminine a démontré qu’il est possible de produire un discours inclusif, émouvant et rassembleur. Ce type de contenu contribue activement à une médiatisation du sport féminin qui dépasse les clichés.
Enfin, des portraits comme celui des sœurs Williams diffusé sur Arte ou des figures telles que Marie-José Pérec montrent à quel point les modèles sont essentiels. Voir des femmes inspirantes, aux parcours variés, permet de briser les plafonds de verre. Ce sont ces récits qui, bien racontés, permettent d’ancrer durablement la médiatisation du sport féminin dans notre paysage culturel et social.
4 réponses
Bonsoir.
Ton article sur la médiatisation du sport féminin est d’utilité publique, il faudrait le faire passer au ministère des sports et aux décisionnaires des médias.
Merci Erwan pour ton retour sur mon article sur la médiatisation du sport féminin ! Oh c’est trop gentil ^^
La pub d’Orange est vraiment bonne pour sensibiliser les gens à la médiatisation du sport féminin, après je trouve qu’elle est plutôt orientée pour un public masculin afin de lui montrer que le sport féminin est aussi intéressant et spectaculaire que le sport masculin.
Je pense qu’il faut aussi convaincre les jeunes filles d’avoir des modeles sportives et réussir à convaincre encore plus de filles à faire du sport .
Oui j’ai été bluffée quand je l’ai découverte, c’était franchement bien pensé ! Oui je suis d’accord il faudrait faire de nouvelles pubs pour mettre en avant des rôles modèles sportives par exemple !
C’est en unissant tous et toutes nos forces qu’on pourra changer les mentalités, on y croit !