Découvrez dans cet article, l’histoire de Joséphine Baker, une artiste emblématique de l’époque des Années folles, a également joué un rôle essentiel en tant qu’espionne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Son parcours incarne l’image d’une femme indépendante, affranchie de toutes contraintes, qui a tracé sa propre voie. C’est pourquoi, elle se trouve dans la section femmes inspirantes, de ce site.
En novembre 2021, elle a été honorée en étant « panthéonisée » en reconnaissance des services rendus à sa patrie d’adoption, la France, qu’elle chérissait profondément et dont elle partageait les valeurs universalistes.
Naissance : 3 Juin 1906
Décès : 12 avril 1975
Activité : meneuse de revues
Ambition : promouvoir l’humanisme
Préjugé : elle ne savait pas gérer son argent… Et c’est malheureusement vrai
Source principale : “Les Ambitieuses : 40 femmes qui ont marqué l’Histoire par leur volonté d’exister” de Virginie Girod, publié 2021, Portrait choisi : Joséphine Baker, sensuelle et universelle.
Crédits de la photo de couverture : Abaca Press, Alamy Stock Photo
De son enfance dans le Missouri à la scène parisienne
L'Éveil artistique de Joséphine Baker
Comment une jeune fille née dans un quartier afro-américain du Missouri en 1906 est-elle devenue une légende et une héroïne en France ?
Il semblerait que le talent, la chance et la détermination aient scellé le destin de Freda Josephine McDonald. Sa mère était une métisse noire et amérindienne, tandis que son père avait des origines espagnoles.
C’est ici que l’histoire de Joséphine Baker commence.
Son destin aurait pu être limité par les contraintes de son quartier, où le Ku Klux Klan perpétuait parfois des actes de violence contre les Afro-Américains et incendiait les habitations misérables qui leur servaient de domicile.
Cependant, dès son plus jeune âge, la petite Joséphine avait la danse et la musique dans le sang. Bien qu’elle n’ait jamais connu son père, qui avait quitté sa mère peu après sa naissance, il lui avait légué un amour inné pour l’art.
Joséphine Baker en quête de son destin
La mère de Joséphine, Carrie, s’est remariée avec un ouvrier, mais la famille continuait de vivre dans la pauvreté.
Joséphine avait à peine accès à l’éducation formelle, et elle gagnait parfois quelques sous en effectuant de petits travaux pour des familles plus aisées.
Le dimanche, elle se rendait à l’église, où la musique et la danse étaient à l’honneur. Son tempérament fort et son talent pour la danse se sont manifestés très tôt.
À l’âge de 13 ans, elle s’est mariée avec un autre adolescent de son âge, Willie Wells Baker, dont elle a conservé le nom. Cependant, ce mariage de convenance a rapidement pris fin, tout comme sa scolarité limitée.
Pendant ce temps, Joséphine commençait à se produire dans des spectacles de rue, mais elle rêvait déjà de quelque chose de plus grand, comme Broadway.
Heureusement l’histoire de Joséphine Baker allait prendre un tournant.
Le tournant parisien
À l’âge de 16 ans, elle a déménagé à New York. C’était le début des années 1920, et bien que le quartier des comédies musicales commençait à prendre de l’ampleur, les cafés-concerts étaient encore nombreux.
Joséphine, qui avait du mal à décrocher des contrats, a fini par rejoindre deux troupes de théâtre afro-américaines. La ségrégation était alors omniprésente et violente aux États-Unis, ce qui rendait presque impossible pour une personne noire de s’intégrer pleinement dans la société.
Joséphine en avait conscience, même si elle ne pouvait pas encore l’exprimer clairement.
L’histoire de Joséphine Baker a changé le jour où elle a rencontré Caroline Dudley Reagan, une mondaine mariée à un membre de l’ambassade américaine à Paris.
Cette femme déterminée avait pour objectif d’aider André Daven, l’administrateur du théâtre des Champs-Élysées, à recruter des artistes pour une revue nègre à Paris.
Elle a proposé à Joséphine un contrat exceptionnel de 250 dollars par semaine, ce qui était bien loin des 10 dollars qu’elle gagnait habituellement.
Sans hésiter, Joséphine a accepté cette opportunité inespérée, tout comme le célèbre compositeur de jazz Sidney Bechet.
L'Épopée de Joséphine Baker : De la scène de Broadway à la Célébrité
Début à Paris : Joséphine Baker face aux stéréotypes
L’histoire de Joséphine Baker continue à l’automne 1925, lorsque Caroline rapporte sa moisson à Paris. Cependant, les répétitions au Théâtre des Champs-Élysées ne commencent pas sous les meilleurs auspices. André Daven, l’administrateur du théâtre, se plaint en disant que cela « ne fait pas assez nègre ».
Depuis la Première Guerre mondiale, les Français sont passionnés par l’exotisme, en grande partie avec la présence des artilleurs sénégalais et d’autres soldats noirs des colonies, qui ont contribué à forger l’image du « bon sauvage » en métropole.
De plus, depuis les Expositions universelles de 1889 et 1900, les Parisiens sont fascinés par les danseuses orientales et javanaises, car la danse est un moyen puissant d’illustrer les différences culturelles.
Avec l’avènement des Années folles, la « négromanie » est à la mode, marquant un engouement enthousiaste pour l’Afrique subsaharienne.
André Daven cherche donc à monter une revue mettant en scène des artistes d’Afrique noire sortis de la jungle, proches de la nature et non corrompus par la civilisation.
Cependant, Caroline a ramené d’Amérique du Nord des artistes qui ne correspondent pas tout à fait à cette image exotique. Le fossé culturel entre les États-Unis et l’Europe se creuse rapidement.
L'Ascension de la Perle Noire à Paris
L’administrateur du théâtre souhaite une revue plus « animale » et demande à Joséphine, dont le talent est indéniable, de danser dans une tenue minimaliste. Au début outrée, la jeune fille finit par accepter après les arguments convaincants d’André et Caroline.
La Revue nègre, initialement prévue pour huit jours seulement, devient un immense succès qui ne cesse de s’étendre. Sur scène, Joséphine Baker, la nouvelle Perle noire de Paris, propose une danse sauvage avec son partenaire. Tous les éléments artistiques d’une femme « animale » et indomptable, telle une panthère, se mettent en place.
Avec son visage charmant, son sourire éclatant et son corps de rêve, Joséphine séduit les hommes. C’est souvent la raison pour laquelle elle fait des mimiques ou des grimaces sur scène, cherchant à susciter le rire pour atténuer sa sensualité exceptionnelle, à la fois terrienne et exotique.
À l’âge de 21 ans, elle est engagée par les Folies-Bergère, où on lui propose de danser avec une ceinture de bananes dans une revue intitulée La Folie du Jour. Elle comprend immédiatement que cette audace flirtant avec les clichés sera couronnée de succès et accepte le rôle. L’histoire de Joséphine Baker continue d’évoluer.
Elle sait que jouer les divas attirera l’attention sur elle et attirera les curieux au spectacle. Ainsi, la jolie danseuse se promène dans les rues de Paris en promenant une chèvre en laisse ou en portant un serpent vivant autour de son cou. Rien n’est trop extravagant pour elle.
Du glamour parisien à l'amertume américaine
Pendant cette période, elle rencontre Giuseppe Abatino, qui deviendra son compagnon pendant dix ans. Ce Sicilien, ancien tailleur de pierre, partage avec elle une grande soif de vivre et d’échapper à leur milieu d’origine.
Il encourage Joséphine à se lancer dans la chanson, ce qui s’avère être un nouveau succès. En 1930, elle est embauchée au Casino de Paris, où le compositeur Vincent Scotto compose rapidement une chanson pour son numéro.
Cette chanson, « J’ai deux amours« , deviendra l’hymne emblématique de l’histoire de Joséphine Baker. Elle s’entoure également d’animaux exotiques, notamment d’un guépard nommé Chiquita, qui terrorise autant l’orchestre du Casino de Paris que le public !
Cependant, cela n’empêche pas la foule de venir applaudir l’envoûtante Joséphine Baker, au grand dam de Mistinguett, sa rivale du Moulin Rouge.
En 1935, le couple décide de retourner aux États-Unis, mais le pays d’origine de Joséphine ne l’accueille pas favorablement.
En France, la jeune artiste est une célébrité, tandis qu’outre-Atlantique, elle n’est qu’une Noire. Elle réalise alors qu’elle vivait « dans un pays où [elle avait] peur d’être Noire ». Elle s’était sentie libérée à Paris, tout comme Miles Davis une quinzaine d’années plus tard.
Les artistes noirs en France ne sont pas victimes de racisme, et leur côté exotique est généralement apprécié avec bienveillance.
Ils sont considérés comme des êtres humains dans le pays des droits de l’homme, contrairement à une société américaine toujours marquée par l’horreur de la ségrégation.
Les Mille Vies de Joséphine Baker
De la scène à l'espionnage pendant la Seconde Guerre Mondiale
Après sa tournée, Joséphine et Giuseppe décident de mettre fin à leur relation. Elle épouse alors l’homme d’affaires Jean Lion et entreprend les démarches pour obtenir la nationalité française. Son cœur bat pour Paris, comme elle le chante dans sa célèbre chanson.
L’arrivée de la guerre bouleverse l’histoire de Joséphine Baker. Elle est noire, son mari est juif, et ils se trouvent dans une situation délicate face aux Allemands. Cependant, son statut la protège et lui permet de continuer à voyager à travers l’Europe et l’Afrique du Nord pour ses spectacles.
Joséphine décide de mettre sa notoriété au service de sa nouvelle patrie. Cela n’est pas du goût de Jacques Abrey, le chef du contre-espionnage militaire, qui craint l’émergence d’une nouvelle Mata Hari. Cependant, il réalise rapidement que leurs engagements politiques diffèrent grandement.
Reconnue comme espionne, Joséphine est invitée à boire du thé dans diverses ambassades et utilise ses charmes pour obtenir des informations. Elle les note ensuite en encre sympathique sur ses partitions.
Elle s’avère être une espionne exceptionnelle et se rapproche du général De Gaulle. Elle joue même un rôle essentiel en poussant les Américains à soutenir De Gaulle plutôt que le général Giraud, ce qui renforce son importance pendant la guerre et dans le succès politique de De Gaulle.
Sa voix contre la ségrégation et pour l'amour
Cependant, lorsqu’elle se produit pour les troupes américaines en Afrique du Nord, Joséphine est choquée de découvrir que la ségrégation raciale sépare les Noirs des Blancs. Elle se demande pourquoi ils luttent contre Hitler si leur propre pays maintient une telle discrimination raciale.
Elle fait suffisamment de bruit pour que les officiers acceptent à contrecœur de mélanger les soldats lors de ses spectacles.
C’est une victoire symbolique pour Joséphine, bien que suivie d’une déception personnelle. Des problèmes médicaux nécessitent une hystérectomie à Casablanca, ce qui signifie qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfants.
Cependant, elle continue de travailler depuis son lit d’hôpital. Sa chambre devient un bureau des renseignements alliés. Plus tard, elle recevra la Légion d’honneur pour son rôle dans le contre-espionnage, affirmant simplement qu’elle faisait son devoir, à l’instar de tous les Français.
Après la Seconde Guerre mondiale, Joséphine, déjà plusieurs fois mariée, épouse le compositeur Jo Bouillon. À 40 ans, elle aspire à autre chose qu’à la scène. Elle fait l’acquisition du château des Milandes en Dordogne et décide d’adopter une douzaine d’enfants de diverses origines.
Dans le monde du spectacle, les artistes de toutes provenances peuvent travailler ensemble, alors pourquoi pas dans la vie de tous les jours ? Sa « tribu arc-en-ciel » doit servir d’exemple au monde entier.
À l’entrée du village, elle fait installer une pancarte disant « Bienvenue aux Milandes, capitale du monde et de la fraternité universelle ». L’histoire de Joséphine Baker se veut engagée.
Son engagement antiraciste est à l’image de son sourire doux et radieux. Cependant, cette quête du bonheur coûte cher. En dépensant son argent aussi vite qu’elle le gagne, elle se retrouve rapidement endettée, incapable d’empêcher l’accumulation des dettes.
Sa lutte pour un rêve d'unité
À la fin des années 1960, le château est mis aux enchères. Joséphine fait appel au monde du spectacle et de la politique pour tenter de sauver son rêve d’unité.
Parmi les rares personnalités qui répondent à son appel, on trouve une jeune et talentueuse actrice, Brigitte Bardot, partageant sa foi en la capacité de l’amour à rassembler.
Malheureusement, ces contributions ne suffisent pas, et la tribu arc-en-ciel quitte les Milandes en 1969.
La princesse Grace Kelly offre alors une maison à Roquebrune à Joséphine, où elle peut s’installer et poursuivre son engagement pour l’égalité.
Elle retourne aux États-Unis et participe à une marche aux côtés de Martin Luther King. Malgré son engagement sincère et le respect que lui témoignera plus tard la veuve du pasteur, la presse la critique vivement.
Les Blancs l’accusent de sympathies communistes, tandis que les Noirs estiment qu’elle a trahi sa communauté en vivant parmi les Blancs.
Trente ans après son départ des États-Unis, ce monde polarisé, dénué de nuances, incapable de comprendre la portée de l’universalisme, simplifie le rôle de Joséphine et la rejette.
Elle finit par retourner en France, sa véritable patrie. Mais l’histoire de Joséphine Baker ne s’arrête pas là !
Pour conclure cet article sur "l'histoire de Joséphine Baker"
En 1975, Joséphine Baker célèbre ses 50 ans de carrière avec une nouvelle revue à Bobino.
À l’âge de 68 ans, la Perle noire continue de danser avec la même énergie, sensualité et joie qui ont fait son succès.
Parmi les spectateurs enthousiastes, on trouve des amis tels que le prince Rainier III et Grace Kelly, Charles de Gaulle, le couturier Balmain, qui affectionne tout particulièrement l’habiller, et bien d’autres. Sa première est un triomphe retentissant.
Les médias la couvrent de louanges, mais deux semaines plus tard, les journaux annoncent sa mort. Le soir du 9 avril, Joséphine enflamme la scène de Bobino. Le lendemain matin, elle s’effondre, victime d’une attaque cérébrale qui la plonge dans un profond coma.
Elle décède deux jours plus tard à la Pitié-Salpêtrière, ayant vécu dans l’amour du public et sous les projecteurs jusqu’au dernier moment. Sa messe de funérailles à La Madeleine attire des milliers de personnes, et elle est inhumée à Monaco.
En 2021, le président Emmanuel Macron décide de l’honorer en la faisant entrer au Panthéon. Alors que certains réduisent son héritage à sa couleur de peau, d’autres reconnaissent en elle une Résistante qui s’est battue pour défendre les valeurs de la France : la liberté, l’égalité et la fraternité. C’est la fin de l’histoire de Joséphine Baker.
Joséphine Baker reste aujourd’hui une légende indétrônable, et son regard doux et pénétrant continue de charmer.
Son histoire démontre que l’on peut échapper à tous les déterminismes lorsque l’on croit en son destin. Elle a toujours eu foi en les valeurs universalistes pour combattre le racisme, une leçon que nous devrions tous méditer et appliquer dans notre monde actuel.
6 Responses
Merci pour cet article sur Joséphine Baker, j’ai hâte dans découvrir d’autres…
C’est un plaisir que l’article sur Joséphine Baker vous ait plu !
Abonnez-vous à la newsletter pour savoir quand sortiront les prochains articles…
Bravo pour cet article très complet sur Joséphine Baker
Je connaissais les multiples vies de l’artiste mais je dois reconnaître qu’à la lecture de ton article, j’ai encore approfondi mes connaissances !
Ton article est vraiment très complet et bien rédigé !
Merci papa !
C’est mon objectif d’apporter un maximum de valeur ajoutée aux lecteurs.lectrices, et je suis ravie d’apprendre que j’ai réussi héhé
HR: Bonjour, merci pour cette article très intéressant sur l’histoire de Joséphine Baker et qui me fût un bon rappel de la vie de cette femme.
Bon courage et réussite
Merci de votre retour et de vos encouragements Henri !