Il y a à peine cinq ans, Kamala Harris était encore une inconnue pour la plupart des Américains. Depuis, cette ancienne procureure de Californie a connu une ascension fulgurante jusqu’aux plus hauts sommets du pouvoir.
D’où vient-elle ? Et comment celle que l’on surnommait « la première flic de Californie » est-elle devenue la candidate de l’aile progressiste du parti démocrate, au point d’être un temps pressentie pour devenir la première femme présidente des États-Unis ?
Découvrez dans cet article le portrait de cette femme inspirante. Pour le rédiger je me suis appuyée sur les sources suivantes :
- « La véritable histoire de Kamala Harris » par Gaspar G et son équipe.
- « Pourquoi Kamala Harris a perdu ?« par Hugo Décrypte et son équipe.
- « Cinq mois après sa défaite face à Donald Trump, que devient Kamala Harris ?« par le journal l’Express.

Une enfance militante
L’histoire de Kamala Harris commence à l’automne 1962 sur le campus de Berkeley, en Californie. À l’époque, l’université ne compte qu’une centaine d’étudiants noirs sur plus de 200 000. Parmi eux : Donald J. Harris, un jeune Jamaïcain venu étudier l’économie. Il fréquente un cercle de militants engagés contre les discriminations raciales, toujours très fortes à cette époque. C’est au sein de ce groupe qu’il rencontre Shyamala Gopalan, une étudiante indienne venue se spécialiser en biologie.
Rapidement, les deux tombent amoureux. Ils se marient la même année et s’installent à Oakland, une ville voisine de San Francisco. Le 20 octobre 1964, Kamala Harris vient au monde.
Grandir dans une Amérique ségrégationniste
Oakland est alors une ville marquée par la pauvreté et un taux de criminalité élevé. La ségrégation y est encore bien présente. Pour offrir à leur fille un avenir meilleur, ses parents l’inscrivent dans un programme qui lui permet d’être scolarisée à Berkeley, dans une école historiquement blanche. Tous les jours, Kamala Harris prend le bus pour fuir la ségrégation de son quartier, un geste à la fois banal et hautement symbolique.
À l’école, les enfants blancs refusent de jouer avec les enfants noirs. Mais à la maison, Kamala Harris est entourée de deux modèles inspirants. Son père devient le premier chercheur noir nommé au département d’économie de Stanford. Sa mère, quant à elle, se spécialise dans la recherche contre le cancer du sein. Chaque semaine, elle emmène sa fille au centre culturel noir d’Oakland, où Kamala Harris rencontre notamment Shirley Chisholm, première femme noire à se présenter à l’élection présidentielle.

Une rupture familiale et un exil à Montréal
En 1972, tout change : Donald Harris, accaparé par sa carrière, est souvent absent. Shyamala demande le divorce. En 1977, elle part vivre à Montréal avec ses filles Kamala et Maya. Kamala Harris y connaît un déracinement douloureux : elle ne parle pas français, découvre un climat froid et une culture différente. Au fil des années, elle s’adapte. Au lycée anglophone, elle s’intègre mieux et écrit dans son yearbook que ses meilleurs souvenirs sont les fêtes dansantes sur du Midnight Magic. Son père, lui, disparaît presque totalement de sa vie.
Le retour aux États-Unis et l’engagement politique
En 1982, Kamala Harris revient aux États-Unis pour étudier les sciences politiques à l’université Howard à Washington, un établissement historiquement noir. Brillante étudiante, elle se distingue dans ses cours d’économie et de sciences politiques. Militante, elle participe aux manifestations contre l’apartheid en Afrique du Sud et rejoint la sororité Alpha Kappa Alpha, qui promeut la réussite des femmes afro-américaines.
Toujours animée par son envie de justice sociale, elle entre en 1986 à l’université de droit Hastings à San Francisco. Elle y reste discrète en cours, mais très active politiquement. Dès la deuxième année, elle devient présidente de l’association des étudiants noirs, et négocie avec l’administration pour une meilleure inclusion.
Déjà à cette époque, elle sait ce qu’elle veut : se battre pour les oubliés du système, représenter ceux qui ne le sont pas, et défendre l’intérêt public.
La « première flic de Californie »
Été 1988. Kamala Harris effectue un stage auprès du procureur de la ville de San Francisco. Rapidement, elle comprend que sa vocation n’est pas d’être avocate de la défense, mais de représenter l’État. Deux ans plus tard, fraîchement diplômée en droit, elle entame sa carrière en tant que procureure adjointe dans le comté d’Alameda, non loin de sa ville natale d’Oakland.
Être procureure, c’est représenter l’État, conduire l’enquête, et requérir des peines en fonction de la loi — sans jamais trancher sur la culpabilité, ce rôle revenant au juge. Kamala Harris aborde cette fonction avec une volonté d’efficacité : elle veut mesurer la performance du système judiciaire en nombre d’arrestations et de condamnations. Son approche fait mouche. Elle gravit rapidement les échelons, jusqu’à devenir adjointe du procureur de San Francisco, Terence Hallinan.
À cette époque, la criminalité explose aux États-Unis. Agressions, trafic de drogue, insécurité : les prisons se remplissent. Une doctrine domine alors le pays, à gauche comme à droite : « tough on crime » — la répression avant tout. Seule San Francisco, dirigée par un procureur perçu comme laxiste, résiste à cette tendance. Terence Hallinan, justement, affiche un faible taux de condamnations, ce que Kamala Harris juge inefficace.
L’élection qui change tout
En 2003, elle ose un pari audacieux : se présenter contre son propre supérieur hiérarchique. Aux États-Unis, les procureurs sont élus, souvent sous les couleurs d’un parti. Kamala Harris, démocrate, se lance dans la course… et la remporte. À 38 ans, elle devient procureure de San Francisco. Très vite, elle assume son style direct et ses choix stratégiques. Son efficacité lui vaut un surnom : California’s top cop, la première flic de Californie.
Mais Kamala Harris reste aussi attachée à des idéaux progressistes. Lorsqu’en avril 2004 un jeune policier est tué à San Francisco, elle doit prendre une décision difficile : demander ou non la peine de mort. Fidèle à ses convictions, elle s’y oppose. Ce choix déclenche un tollé.
Le soutien des syndicats de police s’effondre. Même la sénatrice démocrate Dianne Feinstein critique sa décision. Ce moment marque un tournant : Kamala Harris comprend qu’elle devra continuellement naviguer entre fermeté et engagement progressiste. Elle théorise alors une nouvelle approche : « Smart on crime » — être dur, mais de manière ciblée et juste.
Un pouvoir qui s’étend
En 2010, elle passe à l’échelon supérieur. Elle est élue procureure générale de Californie, devenant la première femme — et femme noire — à occuper ce poste dans l’histoire de l’État. Son rôle change : elle ne poursuit plus des individus, mais conseille l’État sur l’application des lois. Son influence s’étend, et son discours prend de l’ampleur.
Lors d’un événement du Parti démocrate en 2012, elle déclare que ce dernier est « too big to fail » — trop important pour échouer. Cette phrase, empruntée au vocabulaire économique, galvanise les militants. Kamala Harris devient une figure montante du parti, même si son positionnement reste parfois flou.
Une ligne politique trouble
Car si Kamala Harris se veut Smart on crime, ses prises de position sont souvent contradictoires. En 2005, elle lance Back on Track, un programme de réinsertion pour jeunes délinquants. Mais en 2008, elle fait poursuivre des parents dont les enfants sèchent l’école, les menaçant de prison.
Même ambiguïté en 2015 : elle propose l’usage de caméras-piétons pour les policiers, puis s’oppose à leur obligation. Ces allers-retours déroutent. Est-elle de gauche ? De droite ? Pragmatique ou opportuniste ? A force de chercher l’équilibre, elle peine parfois à convaincre.
La plus conservatrice des démocrates ?
Juin 2016. Les élections sénatoriales approchent aux États-Unis, et Kamala Harris, forte de sa notoriété en tant que procureure générale de Californie, décide de franchir un nouveau cap : elle se porte candidate au Sénat. Pour elle, du droit à la politique, il n’y a qu’un pas — et elle est bien décidée à le franchir.
Aux États-Unis, comme en France, le Parlement se compose de deux chambres : la Chambre des représentants (équivalent de notre Assemblée nationale) et le Sénat. Ces deux institutions doivent collaborer pour faire passer les lois. Elle mène une campagne solide, mais dans un contexte particulier : l’élection présidentielle de 2016 bat son plein, opposant Donald Trump à Hillary Clinton. Toute l’attention médiatique est absorbée par ce duel historique.
Autre élément singulier : sa seule concurrente, Loretta Sanchez, est elle aussi démocrate. Pour la première fois depuis plus d’un siècle, aucun candidat républicain n’accède au second tour en Californie. L’enjeu semble donc limité, et même si Kamala Harris remporte haut la main son siège de sénatrice avec 61 % des voix, son entrée au Capitole passe relativement inaperçue.
Une sénatrice qui sort de l’ombre
Une fois installée au Sénat, elle reste d’abord discrète, travaillant sur des sujets de fond loin des projecteurs. Mais son image change lorsqu’elle commence à mener des auditions dans le cadre d’enquêtes parlementaires. Celle qui marque un tournant : l’audition du juge Brett Kavanaugh, le 7 septembre 2018.
Nommé par Donald Trump à la Cour suprême — l’équivalent du Conseil constitutionnel en France — Brett Kavanaugh est une figure controversée, notamment pour ses positions anti-avortement. À l’opposé, Kamala Harris incarne le camp progressiste. Lors de cette audition, elle ne mâche pas ses mots et met le juge en difficulté.
Sa pugnacité lui vaut un nouveau surnom : après California’s Top Cop, elle devient America’s Advocate — l’avocate du peuple américain. Ce nouveau rôle médiatique la propulse sur le devant de la scène nationale. Sa manière de questionner les soutiens de Donald Trump séduit une partie de l’opinion publique. Avec son aisance oratoire, elle apparaît comme une figure capable d’affronter le président sortant.
Une campagne présidentielle avortée
Le 21 janvier 2019, Kamala Harris se jette dans la course à la présidence. Elle annonce officiellement sa candidature à l’élection présidentielle de 2020. Son slogan : For the People — pour le peuple. Lors de son premier grand meeting, elle s’attaque frontalement à ses détracteurs. La foule est en liesse, les premiers sondages la placent dans le trio de tête des candidats démocrates.
Elle se positionne derrière Joe Biden, l’ancien vice-président modéré de Barack Obama, et Bernie Sanders, figure de la gauche radicale. Mais malgré un départ prometteur, elle peine à convaincre sur la durée. Son image de Top Cop lui colle à la peau : son passé judiciaire la fait apparaître comme trop conservatrice aux yeux d’une base démocrate de plus en plus progressiste.
Elle tente de corriger le tir, par exemple en proposant la légalisation fédérale du cannabis. Mais ces annonces manquent de cohérence avec ses prises de position passées, et sa ligne politique devient floue. Les sondages chutent, les financements se tarissent. En décembre 2019, elle annonce l’abandon de sa campagne.
Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis
Après avoir abandonné sa course à la Maison Blanche, Kamala Harris revient bien plus vite qu’elle ne l’imaginait sur le devant de la scène politique. Un événement tragique précipite son retour : le 25 mai 2020, George Floyd, un Afro-Américain, est tué lors d’une interpellation par un policier blanc à Minneapolis. L’image du genou de Derek Chauvin sur la nuque de Floyd fait le tour du monde. La phrase « I can’t breathe » devient le cri de ralliement d’un mouvement planétaire : Black Lives Matter.
Dans une Amérique secouée par les manifestations, parfois violentes, contre les violences policières et le racisme systémique, Joe Biden, candidat démocrate, comprend que son colistier devra incarner le changement. Lui, homme blanc de 77 ans, choisit alors une femme plus jeune, issue des minorités : Kamala Harris. Celle qui l’avait affronté quelques mois plus tôt lors des primaires démocrates revient dans la course présidentielle, cette fois à ses côtés.
« I’m speaking » : la stature d’une vice-présidente
Lors de la convention démocrate de 2020, elle accepte officiellement sa nomination à la vice-présidence. Son discours est marquant : « Il n’existe pas de vaccin contre le racisme », affirme-t-elle, liant les luttes contre les discriminations et la crise sanitaire du Covid-19. La formule fait mouche.
Quelques semaines plus tard, elle affronte Mike Pence, vice-président sortant, lors du débat télévisé entre les candidats à la vice-présidence. Son calme, sa répartie — notamment le désormais culte « I’m speaking » — impressionnent. Elle s’impose comme une figure crédible, posée, autoritaire. Elle donne une image rassurante d’une vice-présidente prête à gouverner.
Le 7 novembre 2020, après plusieurs jours de suspense, les résultats tombent : Joe Biden est élu président. Kamala Harris entre dans l’histoire en devenant la première femme, la première personne noire et la première personne d’origine sud-asiatique élue à la vice-présidence des États-Unis.
Un poste prestigieux… mais limité
Mais si le poste est symboliquement fort, ses responsabilités sont floues. En pratique, le vice-président n’a pas de mission définie par la Constitution ; tout dépend de ce que lui délègue le président. Joe Biden confie à Kamala Harris un dossier sensible : l’immigration, notamment les relations avec le Mexique et l’Amérique centrale.
Lors de sa première grande interview sur ce sujet, sur NBC, elle est mal préparée. Quand la journaliste lui fait remarquer qu’elle n’a pas visité la frontière sud du pays, alors qu’elle affirmait l’avoir fait, elle reste sans réponse. L’entretien tourne au désastre médiatique. Résultat : elle disparaît des écrans pendant plusieurs mois. L’administration Biden lui retire la plupart de ses dossiers, et elle est reléguée à un rôle secondaire.
Le retour par le combat pour le droit à l’avortement
Mais un an plus tard, en décembre 2021, un nouveau combat va lui redonner une place centrale. L’État conservateur du Mississippi demande à la Cour suprême d’annuler l’arrêt Roe v. Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit à l’avortement dans tout le pays. En juin 2022, la Cour suprême rend son verdict : par six voix contre trois, elle révoque Roe v. Wade, laissant chaque État libre de restreindre ou d’interdire l’avortement.
Le choc est immense. Les droits des femmes reculent de plusieurs décennies. Kamala Harris réagit immédiatement : en octobre 2022, elle accorde une interview remarquée dans l’émission Late Night with Seth Meyers, quelques semaines avant les élections de mi-mandat. Elle y affirme haut et fort que la défense du droit à l’avortement est une priorité.
À partir de là, elle s’investit pleinement dans cette bataille. Elle devient la voix la plus audible de la Maison Blanche sur ce sujet. En parallèle, elle s’engage également sur les questions climatiques. Et c’est grâce à son rôle de présidente du Sénat qu’elle va, le 7 août 2022, faire basculer un vote crucial.
Ce jour-là, les sénateurs doivent se prononcer sur le Inflation Reduction Act, un plan ambitieux de 369 milliards de dollars pour lutter contre le changement climatique. Le Sénat est divisé à égalité : 50 voix contre, 50 pour. En tant que vice-présidente, Kamala Harris tranche en faveur du texte. Elle fait ainsi adopter l’une des lois majeures du mandat Biden.
Une campagne éclair
Le 25 avril 2023, à un peu plus d’un an de la prochaine élection présidentielle américaine, Kamala Harris aurait pu commencer à envisager une candidature à la Maison Blanche. Sa popularité grandit, son image de vice-présidente se stabilise. Mais elle n’aura pas le luxe du temps.
Le même jour, Joe Biden publie une vidéo sur X : « Let’s finish the job ». Quatre ans jour pour jour après le lancement de sa précédente campagne, le message est clair : malgré ses 80 ans, le président sortant veut briguer un second mandat. En face, Donald Trump revient aussi dans la course. Le duel de 2020 semble prêt à se rejouer.
Mais au fil des mois, la campagne de Joe Biden patine. Ses discours sont confus, il lit les didascalies de son prompteur à voix haute, et peine à convaincre face à un Donald Trump agressif. Les doutes s’accumulent, jusqu’au 21 juillet 2024 : Joe Biden annonce son retrait, invoquant « l’intérêt du pays et du parti ».
My fellow Democrats, I have decided not to accept the nomination and to focus all my energies on my duties as President for the remainder of my term. My very first decision as the party nominee in 2020 was to pick Kamala Harris as my Vice President. And it’s been the best… pic.twitter.com/x8DnvuImJV
— Joe Biden (@JoeBiden) July 21, 2024
Kamala Harris entre en scène
C’est la stupeur chez les démocrates, et l’urgence aussi. Qui mieux que Kamala Harris, vice-présidente en exercice, pour reprendre le flambeau ? Après quelques jours de suspense calculé, Joe Biden adoube sa colistière.
La campagne est lancée… à seulement trois mois du scrutin. Elle doit agir vite : obtenir l’investiture du parti, lever des fonds, rassembler les soutiens. En quelques jours, elle bat des records : 200 millions de dollars récoltés en une semaine.
Et côté soutiens, pas besoin d’attendre la convention. Un vote interne express accorde à Kamala Harris… 99 % des voix. Trois semaines plus tard, la convention démocrate devient un show gigantesque, avec Barack et Michelle Obama, Bill et Hillary Clinton, dans une ambiance survoltée. Le discours d’investiture de Kamala est un succès : elle attaque frontalement le projet de Donald Trump et dévoile son nouveau slogan de campagne, taillé pour le combat : « We Are Not Going Back ».
Une stratégie d’alliance bien pensée
À cette occasion, elle présente son colistier : Tim Walz. Ancien professeur, coach de football et vétéran de la Garde nationale, il vient du Minnesota, un État rural du nord. Tout l’opposé du profil urbain et élitiste de Kamala Harris, native de Californie et ancienne procureure. Ensemble, ils forment un duo équilibré, capable de séduire un électorat plus large.
Mais une autre figure émerge de cette convention : Doug Emhoff, le mari de Kamala. Avocat spécialisé en propriété intellectuelle, discret pendant la vice-présidence de sa femme, il devient soudain un atout inattendu. Cool, féministe, anti-masculinité toxique : Doug fait sensation. Les démocrates lancent une “Dougmania” marketing avec mugs, t-shirts, et une présence renforcée sur le terrain. Il donne des interviews, anime des meetings, participe à des levées de fonds.
Une candidate qui déstabilise Donald Trump
Pendant que les démocrates galvanisent leurs troupes, Donald Trump voit sa stratégie dérailler. Il avait misé sur la vieillesse de Joe Biden… mais se retrouve face à Kamala Harris, 19 ans plus jeune, dynamique, femme, noire, et incarnant une nouvelle génération politique.
Sa vigueur devient un atout. Même son rire, moqué par Trump, devient un symbole : celui d’une candidate énergique face à un adversaire figé. Lors du débat du 10 septembre 2024 sur ABC, Kamala Harris affronte enfin Donald Trump. Là où Joe Biden avait failli, elle brille. Son sens de la répartie lui permet de tendre des pièges au milliardaire républicain.
Le verdict est unanime dans la presse : Kamala Harris sort victorieuse. Et les sondages confirment l’impression : dès le lendemain, elle grimpe à 47 % d’intentions de vote contre 42 % pour Donald Trump.
Pourquoi Kamala Harris a perdu face à Donald Trump en 2024
Pourtant, le 5 novembre 2024, Kamala Harris s’est inclinée face à Donald Trump, élu pour un second mandat et devenant le 47e président des États-Unis. Une défaite nette, malgré des sondages qui annonçaient un résultat serré. Comment expliquer cet échec pour celle qui incarnait l’avenir du Parti démocrate ?

1. Une campagne trop tardive
L’un des facteurs majeurs de la défaite de Kamala Harris réside dans le calendrier. Sa candidature ne s’est lancée que très tardivement, en juillet 2024, suite au retrait surprise de Joe Biden. Elle n’a eu que 107 jours pour construire une campagne présidentielle, un délai extrêmement court pour fédérer, construire un programme fort, lever des fonds, et séduire l’ensemble de l’électorat.
De plus, elle n’est pas passée par les primaires démocrates. Cette absence de légitimation populaire a nourri des critiques sur le caractère “imposé” de sa candidature, notamment parmi les franges militantes du parti.
2. Une image trop alignée à celle de Joe Biden
Lors de la campagne, elle a eu du mal à se distinguer de Joe Biden, avec qui elle a pourtant partagé le pouvoir pendant quatre ans. Dans une interview en octobre sur ABC, elle déclare qu’elle n’aurait « rien fait différemment » par rapport au président sortant. Une déclaration aussitôt exploitée par Donald Trump dans ses meetings pour décrédibiliser sa capacité à incarner le changement.
Le bilan économique de l’administration Biden, bien que positif sur certains indicateurs (PIB, emploi), a été perçu très négativement par la population à cause de l’inflation, des prix du carburant, et du pouvoir d’achat en berne. En restant solidaire de ce bilan sans contre-discours clair, elle en a subi le contrecoup.
3. Une réponse jugée insuffisante sur l’immigration
Autre point sensible : l’immigration clandestine. Tout au long de sa campagne, Donald Trump a martelé ce thème, en en faisant un axe central. Kamala Harris, en tant que vice-présidente en charge du dossier durant le mandat Biden, a été régulièrement critiquée pour son manque de résultats et son manque de clarté sur ce sujet, notamment lors de son entretien raté sur la question en 2021.
4. Une politique étrangère qui fragilise sa candidature
Le contexte international a aussi pesé. Entre la guerre en Ukraine et la crise au Proche-Orient, beaucoup d’Américains ont eu l’impression que le monde était plus instable sous Biden que sous Trump. Certains, y compris des électeurs de gauche, ont critiqué le soutien militaire à Israël, reprochant à Kamala Harris de n’avoir pas assez pris ses distances avec cette politique. Cela a entraîné une démobilisation de l’électorat jeune, notamment sur les campus universitaires.
5. Un soutien des femmes et des minorités en demi-teinte
Malgré un positionnement clair sur les droits reproductifs, elle n’a pas réussi à mobiliser les femmes autant qu’espéré. D’après un sondage de sortie des urnes mené par Edison Research, 54 % des femmes ont voté pour elle — un chiffre honorable mais qui reste décevant compte tenu du contexte et des prises de position de Donald Trump sur l’avortement et ses antécédents judiciaires.
Pour la politologue Sylvie Laurent, cela s’explique en partie par le rôle économique des femmes dans les foyers : ce sont souvent elles qui gèrent le budget, et la pression de l’inflation a pu les pousser à préférer un retour de Trump, perçu — à tort ou à raison — comme plus efficace économiquement.
De la même façon, l’électorat latino s’est montré plus conservateur sur certaines questions sociétales, et a partiellement basculé vers Donald Trump.

6. Une stratégie d’attaque contre Trump peu convaincante
En fin de campagne, elle a centré sa communication sur Donald Trump, le qualifiant de « fasciste » et dénonçant son inaptitude à gouverner. Si cette stratégie a pu mobiliser certains électeurs démocrates, elle n’a pas séduit les indécis ni les modérés, qui attendaient des propositions concrètes plus que des attaques personnelles.
Quel avenir pour Kamala Harris après sa défaite face à Donald Trump ?
Depuis sa défaite à l’élection présidentielle, elle s’est faite discrète. Après quelques jours de repos à Hawaï, elle est réapparue brièvement lors de l’investiture de son successeur, puis à Altadena, où elle a distribué de la nourriture en soutien aux victimes des incendies en Californie du Sud.
Le 3 avril 2025, elle a prononcé son premier discours significatif depuis la fin de la campagne, lors d’une conférence sur le leadership féminin dans sa Californie natale. Dans un ton grave, elle a dénoncé le climat de peur qui s’installe dans le pays depuis le retour au pouvoir de Donald Trump :
« Je ne suis pas là pour vous dire ‘je vous l’avais bien dit’... mais nous savions que beaucoup de choses allaient se produire. »
Kamala Harris Tweet
Une candidature à la tête de la Californie ?
Selon des sources proches, elle prépare un discours plus large sur la situation politique actuelle. Certains y voient une possible annonce de candidature… au poste de gouverneure de Californie, dont l’élection aura lieu le 3 novembre 2026. Dix démocrates sont déjà sur les rangs pour succéder à Gavin Newsom, mais une entrée en lice de Kamala Harris bouleverserait la donne.
Une telle décision repousserait probablement toute ambition présidentielle pour 2028, car la campagne pour la Maison Blanche démarrera dès la fin des élections de mi-mandat de 2026. Pour l’instant, aucune annonce officielle ne sera faite avant la fin de l’été 2025, selon le site Politico.
Une figure toujours active dans le camp démocrate
En parallèle, elle continue de jouer un rôle important dans les coulisses. Elle prévoit d’animer en mai une grande collecte de fonds pour le Parti démocrate, aux côtés de Ken Martin, président du Comité national démocrate. L’événement, organisé à New York, affichera des tickets à 25 000 dollars pour le niveau « construction de l’opposition » et jusqu’à 44 300 dollars pour le niveau « lutte pour l’avenir », selon le New York Times.
Un livre en préparation
Enfin, selon Vanity Fair, elle travaille également à l’écriture d’un livre. Il s’agira pour elle de poser un regard personnel sur sa trajectoire, son mandat, sa défaite, et sur l’état de la démocratie américaine. Un de ses conseillers affirme :
« Elle prend un moment pour réfléchir à la meilleure façon de servir le pays en ce moment. »