L’affaire Harvey Weinstein débute au printemps 2017 dans les bureaux du New York Times, l’un des plus grands journaux américains. Jodi Kantor, une journaliste de 42 ans spécialisée dans les inégalités entre les femmes et les hommes au travail, compile ses notes et parvient à une conclusion : il existe manifestement un problème lié au célèbre producteur américain de 65 ans, Harvey Weinstein.
À cette époque, même s’il est peu connu du grand public, Harvey Weinstein exerce une influence considérable dans le monde du cinéma. Avec son frère Bob, il dirige la société de production Miramax, puis la Weinstein Company depuis 2005.
Pour donner une idée de l’ampleur de son empire, c’est lui qui a produit Pulp Fiction. C’est également lui derrière Shakespeare in Love, qui a remporté sept Oscars en 1999, ou encore Scary Movie. A ce niveau d’influence, il est évident qu’à Hollywood, il a le pouvoir de construire ou de détruire des carrières.
Depuis longtemps, des rumeurs circulent à son sujet, notamment sur son comportement envers les femmes. Par exemple, l’actrice mondialement connue Gwyneth Paltrow, célèbre pour son rôle dans la saga Iron Man ou dans Shakespeare in Love, avait déjà fait des sous-entendus à ce propos en 1998 sur le plateau du Late Show with David Letterman. Ces allusions se multiplient entre la fin des années 1990 et le début des années 2000.
L’affaire Harvey Weinstein s’inscrit dans un contexte de mobilisation féministe et de changements profonds qui prennent racine bien avant 2017.
Au moment où Jodi Kantor commence à enquêter, les dynamiques féministes sont en pleine effervescence à travers le monde. Des mobilisations féminines majeures ont déjà marqué les dernières années : en Argentine avec le mouvement Ni Una Menos, en Inde après les terribles affaires de viols collectifs, ou encore lors des printemps arabes, où les femmes ont revendiqué leur place dans les révolutions. Ces vagues de contestation féministe, bien qu’ancrées dans leurs contextes locaux, ouvrent la voie à une libération de la parole qui va exploser avec l’affaire Harvey Weinstein.
En janvier 2017, quelques mois avant la publication de l’enquête, l’Amérique est secouée par les Women’s March. Des millions de femmes, soutenues par des actrices et des figures publiques, descendent dans la rue pour protester contre l’élection de Donald Trump, un président accusé de harcèlement sexuel par plus de 13 femmes. Ces marches sont une réponse directe à l’ambiance sexiste exacerbée de la campagne présidentielle. Les propos de Trump, comme son infâme déclaration « Attrapez-les par la chatte », et ses attaques contre Hillary Clinton – qu’il qualifie de nasty woman – ont cristallisé un sentiment d’urgence parmi les femmes.
Cette vigilance féministe, exacerbée par l’élection de Trump, va jouer un rôle clé dans l’émergence et l’impact de l’affaire Harvey Weinstein. Elle intervient dans un climat où les inégalités de genre sont de plus en plus dénoncées. Dans les universités américaines, les problèmes de violences sexuelles font l’objet d’un débat national. Dans le milieu du cinéma, les actrices commencent à revendiquer une reconnaissance à égalité avec leurs homologues masculins, tant en termes de rôles que de salaires.
Sources de cet article figurant dans la section éducation féministe : Gaspard G, Radio France, Ouest France.
L’affaire Harvey Weinstein : un séisme dans le monde du cinéma
Jodi Kantor et Megan Twohey enquêtent sur l’affaire Harvey Weinstein : un silence difficile à briser
Revenons en 2017, dans les bureaux du New York Times. À cette époque, de plus en plus d’articles dénoncent le harcèlement sexuel, notamment sur le lieu de travail, un phénomène malheureusement répandu.
Jodi Kantor, une journaliste du New York Times, décide de s’intéresser à cette problématique et repense à l’affaire Harvey Weinstein qui, deux ans plus tôt, lui avait mis la puce à l’oreille. En 2015, le mannequin italien Ambra Gutierrez avait porté plainte contre le producteur pour attouchements et propos déplacés. La police de New York, considérant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves, avait demandé à la jeune femme de retourner voir Harvey Weinstein avec un micro caché.
Terrifiée, Ambra accepte, espérant que les enregistrements permettront de faire éclater la vérité. Malheureusement, le procureur de Manhattan juge les preuves insuffisantes et abandonne les poursuites. Sur les réseaux sociaux, la journaliste Jennifer Senior écrit un tweet encourageant à le dénoncer.

Dans les milieux journalistiques, on sait déjà que plusieurs médias, dont le New York Times, ont tenté d’enquêter sur l’affaire Harvey Weinstein. Ces faits contribueront, quelques mois plus tard, à l’émergence du mouvement #MeToo via l’affaire Harvey Weinstein.
Consciente de l’immense défi à relever, Jodi Kantor décide de s’associer à Megan Twohey, également journaliste au New York Times. Ensemble, elles commencent leur enquête en interrogeant Rose McGowan, actrice connue pour ses rôles dans Scream et Charmed. Rose accepte de leur confier son histoire pour l’affaire Harvey Weinstein. Dans les années 1990, lors d’une projection de film, elle rencontre le producteur. Plus tard dans la soirée, il l’invite dans sa chambre d’hôtel sous prétexte de « faire connaissance », mais rapidement, la situation dégénère : il la viole.
Pour Jodi et Megan, il devient clair que l’histoire de McGowan n’est pas un cas isolé et qu’il est probablement l’un des nombreux prédateurs sexuels d’Hollywood. Elles cherchent alors d’autres témoignages pour étoffer leur enquête sur l’affaire Harvey Weinstein, mais elles se heurtent à un obstacle majeur : presque toutes les femmes ont peur de parler.
Nombreuses sont celles qui craignent de compromettre leur carrière ou de voir leur vie privée envahie par les médias. Megan rassure cependant les actrices en leur expliquant qu’ensemble, elles pourraient protéger d’autres femmes. Malgré tout, les entretiens pour l’affaire Harvey Weinstein sont rares et souvent peu concluants.
En juin 2017, après avoir contacté plusieurs victimes potentielles pour l’affaire Harvey Weinstein, Jodi et Megan rencontrent Ashley Judd, actrice et militante américaine. Elle se confie sur l’agression sexuelle qu’elle a subie de la part du producteur. Elle révèle un mode opératoire inquiétant sur l’affaire Harvey Weinstein : il invite fréquemment de jeunes femmes dans sa chambre d’hôtel de luxe, officiellement pour des réunions professionnelles. À Los Angeles, ce type de rencontre dans des hôtels de luxe est courant, ce qui explique que les actrices ne soient pas immédiatement méfiantes.
Harvey Weinstein les reçoit souvent vêtu d’un simple peignoir et leur demande rapidement des massages ou fait des propositions sordides. En cas de refus, il leur fait comprendre que leur carrière pourrait en pâtir. Avec l’autorité et le pouvoir qu’il exerce, il parvient souvent à ses fins, par des pressions morales, voire physiques. Certaines femmes parviennent à lui échapper, d’autres non.
Grâce à cet entretien avec Ashley Judd, les journalistes obtiennent de nombreux nouveaux contacts, notamment celui de Gwyneth Paltrow. En 1998, cette actrice mondialement connue avait déjà laissé entendre qu’elle subissait des comportements inappropriés. Longtemps protégée de Harvey Weinstein, qui avait propulsé sa carrière, elle le considérait presque comme un oncle. Son témoignage pourrait être crucial pour l’article du New York Times sur l’affaire Harvey Weinstein. Cependant, à ce moment-là, Gwyneth Paltrow refuse de parler publiquement : sa carrière est à un tournant critique, et elle craint les répercussions.
Jodi Kantor et Megan Twohey enquêtent sur les accords de confidentialité autour de l’affaire Harvey Weinstein
Heureusement pour leur enquête sur l’affaire Harvey Weinstein, une nouvelle piste se présente à Jodi Kantor et Megan Twohey : les accords de confidentialité. Les deux journalistes découvrent que le producteur a fait signer de nombreux Non-Disclosure Agreements (NDA) à ses victimes. En échange de plusieurs dizaines de milliers de dollars, ces accords réduisent les femmes au silence : ne pas parler de l’affaire, ne jamais porter plainte, ni même en discuter avec un médecin.
Mais ce n’est pas tout : certains de ces accords ne concernent pas seulement des actrices, mais également des employés de la Weinstein Company. Parmi eux, Zelda Perkins, une ancienne assistante devenue productrice de théâtre, est la première à briser le silence imposé par ces accords. Lors d’une rencontre à Londres avec Jodi et Megan, elle décrit un environnement glaçant : « Conquérir les femmes était pathologique chez lui. C’est ce qui le poussait à sortir du lit le matin. » Elle révèle que Weinstein l’a harcelée et a tenté de violer une de ses collègues, avant d’étouffer l’affaire avec un règlement financier de 125 000 dollars.
Ces révélations permettent à l’enquête sur l’affaire Harvey Weinstein d’avancer, mais attirent également l’attention du producteur. En août 2017, craignant pour sa carrière, Weinstein engage une société de renseignements privés pour surveiller et intimider les sources potentielles des journalistes, dépensant 1,3 million de dollars pour protéger ses secrets.
Ces informations remontent jusqu’aux supérieurs de Jodi et Megan au New York Times, qui leur donnent une consigne claire : « Faites comme si vous étiez constamment sur écoute. » Malgré cette menace, elles ne se laissent pas intimider, mais se heurtent toujours à un obstacle majeur : elles n’ont pas encore assez de preuves pour publier leur enquête sur l’affaire Harvey Weinstein, et de nombreuses victimes refusent toujours de témoigner.
Une rencontre va cependant tout changer sur l’affaire Harvey Weinstein. Irwin Reiter, comptable de la Weinstein Company, décide de parler. Au courant depuis des années du comportement machiavélique de son patron, il craint que l’entreprise ne survive pas si le scandale éclate. Lors de son entretien avec Jodi et Megan, il leur révèle que des agressions récentes ont eu lieu au sein de la société. Il ajoute que Bob Weinstein, frère et associé d’Harvey, est parfaitement conscient des agissements de son frère, puisque les employés se plaignaient directement auprès de lui.
En septembre 2017, Jodi et Megan obtiennent une pièce maîtresse pour leur enquête sur l’affaire Harvey Weinstein : un courrier rédigé par Lauren O’Connor, une ancienne employée d’Harvey Weinstein. Dans ce document adressé à toute l’entreprise, Lauren dénonce l’environnement toxique qui règne pour les femmes et accuse Harvey Weinstein d’étouffer les histoires à coup d’accords financiers.
L’affaire Harvey Weinstein a mis en lumière les abus liés aux accords de confidentialité, pratiques courantes aux États-Unis, notamment dans les contrats de travail et les fusions d’entreprises. Ces clauses, souvent utilisées pour protéger des informations confidentielles ou éviter la concurrence, avaient été détournées par Weinstein pour contraindre ses victimes à ne jamais parler de leur harcèlement ou de leurs souffrances.
En contraignant les victimes à se taire, ces accords ne faisaient qu’alimenter un système qui protégeait les agresseurs.
Aux États-Unis, des réformes législatives ont vu le jour pour encadrer leur utilisation, comme une loi promulguée en 2022 par Joe Biden. Ces nouvelles règles visent à limiter l’impact de ces accords, notamment dans les cas de harcèlement sexuel, afin d’éviter qu’ils ne soient utilisés comme des outils de silence et d’impunité.
L’enquête sur l’affaire Harvey Weinstein de Jodi Kantor et Megan Twohey fait l’effet d’une bombe
À ce moment-là, Jodi Kantor et Megan Twohey disposent enfin de suffisamment de preuves pour publier leur enquête sur l’affaire Harvey Weinstein. Malgré des sources majoritairement anonymes, elles ont travaillé avec une extrême minutie, conscientes que la moindre erreur donnerait à Harvey Weinstein l’occasion de les discréditer. Le jour de la publication est fixé : l’article paraîtra dans le numéro du New York Times du 5 octobre 2017.
Comme le veut la procédure, 48 heures avant sa publication, l’article est envoyé à Harvey Weinstein et à son entreprise, qui ont jusqu’à 13 heures pour répondre aux accusations. Il tente d’intimider les journalistes, mais il est déjà trop tard. Le jour de la publication, Ashley Judd et Laura Madden, une autre source clé, acceptent finalement d’être citées dans l’article. Au total, une douzaine de femmes accusent Harvey Weinstein de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols sur une période de 30 ans.
Dans les couloirs du New York Times, la tension est palpable. Tous sentent que l’article aura l’effet d’une bombe. Le 5 octobre 2017, à 14h05, des millions de lecteurs à travers le monde reçoivent une notification sur leur téléphone : un nouvel article vient d’être publié. Le titre est explicite : « Pendant des dizaines d’années, Harvey Weinstein a payé des femmes qui l’accusaient de harcèlement sexuel pour qu’elles se taisent ».
La libération de la parole avec le mouvement #MeToo
Le monde découvre que Harvey Weinstein est un prédateur sexuel
Le 5 octobre 2017, l’enquête sur l’affaire Harvey Weinstein de Jodi Kantor et Megan Twohey est publiée, et l’Amérique, ainsi que le reste du monde, est sous le choc. C’est un véritable séisme à Hollywood : l’un de ses hommes les plus influents est accusé d’être un prédateur sexuel depuis des décennies. Aujourd’hui, des dizaines d’actrices l’accusent de viols et d’agressions sexuelles.
Harvey Weinstein, défendu par ses avocats, qualifie certaines accusations de « totalement fausses et diffamatoires ». Cependant, face au sérieux des témoignages et à l’ampleur des révélations, nier en bloc devient difficile. Le producteur publie alors une déclaration dans le New York Times où il s’excuse « sincèrement ». Il reconnaît que son comportement passé envers ses collègues féminines a causé beaucoup de souffrance et affirme vouloir maîtriser ses « démons ». Il tente même de se justifier en invoquant la culture des années 60 et 70, ajoutant qu’il a compris depuis que ce n’est pas une excuse. Ces propos, loin de convaincre, renforcent encore l’indignation. Il annonce également son retrait de la Weinstein Company.
Quelques jours plus tard, le 8 octobre 2017, Harvey Weinstein est licencié par le conseil d’administration de sa propre entreprise. Le 10 octobre, le magazine The New Yorker publie à son tour un long article écrit par Ronan Farrow, fils de Mia Farrow et Woody Allen, confirmant les révélations du New York Times. Cet article contient de nouveaux témoignages d’actrices sur l’affaire Harvey Weinstein affirmant avoir été abusées ou violées. Certaines expliquent même avoir été écartées de projets après avoir refusé ses avances, et le producteur aurait dissuadé d’autres studios de les engager.
« Seize dirigeants et collaborateurs des productions Weinstein m’ont dit avoir été témoins ou avoir entendu parler d’avances sexuelles non consenties et de gestes déplacés sur le lieu de travail ou à des soirées en lien avec le travail », écrit Ronan Farrow dans l’article du New Yorker. « Ils ont tous décrit des rendez-vous professionnels servant de prétextes pour des avances sexuelles à l’encontre de jeunes actrices et de mannequins. Ils m’ont tous dit que cette attitude était largement connue au sein de Miramax et de The Weinstein Company », poursuit-il.
Ces deux enquêtes exposent au monde l’ampleur du scandale de l’affaire Harvey Weinstein et la perversité du système. Elles deviennent des piliers du mouvement #MeToo, qui s’intensifie dans les semaines suivantes. En 2018, ces deux enquêtes sur l’affaire Harvey Weinstein sont récompensées par le prestigieux prix Pulitzer, l’une des plus grandes distinctions dans le journalisme.

Les réactions sont nombreuses. Georgina Chapman, l’épouse de Weinstein, annonce qu’elle le quitte dans une interview au magazine People. Sur le plan politique, Michelle et Barack Obama se disent « dégoûtés » par ces accusations, ajoutant : « Tout homme qui se comporte de manière dégradante envers les femmes doit être condamné et tenu responsable de ses actes, quelle que soit sa richesse ou son statut. » De son côté, Donald Trump, alors fraîchement élu président, commente : « Je connais Harvey Weinstein depuis longtemps, et je ne suis pas surpris de voir cela. »
Plusieurs actrices prennent également la parole sur l’affaire Harvey Weinstein. Angelina Jolie révèle avoir eu une mauvaise expérience avec lui dans sa jeunesse. Cara Delevingne dénonce également un harcèlement sexuel de sa part. En France, Léa Seydoux publie une tribune dans le Guardian, affirmant que « tout le monde savait » ce qu’il faisait, mais que personne n’a agi.
En novembre 2017, un mois après les premières révélations, le nombre de victimes présumées atteint 94 femmes, dont 14 accusent Harvey Weinstein de viol. Les sanctions s’enchaînent : il est exclu de l’Académie des Oscars, une mesure extrêmement rare, et renvoyé du Syndicat des producteurs de Hollywood. Déchu, il promet de suivre une cure de désintoxication sexuelle dans une clinique de l’Arizona, où il ne reste finalement qu’une semaine.
15 octobre 2017 : le tweet d’Alyssa Milano fait basculer l’affaire Harvey Weinstein vers le mouvement #MeToo, mais le concept vient de Tarana Burke.
Comme l’expliquait Léa Seydoux dans sa tribune, des hommes comme lui, elle en croise tout le temps. À mesure que l’affaire Harvey Weinstein prend de l’ampleur, elle dépasse rapidement la simple personne du producteur. La date qui fait véritablement basculer l’affaire Harvey Weinstein vers un mouvement #MeToo est le 15 octobre 2017. Ce jour-là, à 10h21 précisément, l’actrice américaine Alyssa Milano, connue pour son rôle dans la série Charmed, tweete : « Si tu as été harcelée ou agressée sexuellement, écris hashtag #MeToo en réponse à ce tweet. »

À cet instant, Alyssa Milano ne se doute pas que le hashtag #MeToo va ébranler Twitter, puis le monde entier. Presque immédiatement, des millions de femmes répondent à son tweet. Certaines témoignent en partageant leurs histoires, d’autres écrivent simplement « #MeToo ». Le mouvement #MeToo dépasse rapidement les frontières d’Hollywood et du cinéma. Partout, des femmes, qu’elles soient des stars ou des anonymes, utilisent ce hashtag pour témoigner.
En réalité, #MeToo n’a pas vu le jour en 2017. Il a été créé plus de dix ans auparavant, en 2006, par l’activiste américaine Tarana Burke. À l’époque, Tarana Burke travaillait auprès de jeunes adolescentes noires à New York pour les accompagner dans leur accès à la santé. En discutant avec elles, elle se rend compte que beaucoup ont subi des agressions sexuelles. Elle-même violée à l’âge de 7 ans, elle décide de leur venir en aide en lançant le #MeToo sur Myspace, l’ancêtre de Facebook, et en allant à la rencontre des victimes de violences sexuelles à travers les États-Unis et le monde entier.
Lorsque les internautes rappellent à Alyssa Milano l’origine du mouvement, elle répond qu’elle ne le savait pas, puis invite Tarana Burke à se joindre à elle dans plusieurs apparitions médiatiques.
En France, le mouvement #MeToo trouve une résonance particulière, mais avec une adaptation spécifique. Au lieu de traduire littéralement « Me Too » par « Moi aussi », un autre hashtag voit le jour : #BalanceTonPorc. Ce dernier est lancé deux jours avant le tweet d’Alyssa Milano, par la journaliste Sandra Muller, qui dénonce dans un tweet le harcèlement sexuel qu’elle a subi de la part d’un patron de télévision.
Il existe une différence importante entre le #MeToo et #BalanceTonPorc, notamment sur le plan sémantique. Alors que #MeToo consiste à partager son témoignage personnel, #BalanceTonPorc inclut une dénonciation publique de l’agresseur.
Grâce à ces mouvements, les agressions sexuelles, remarques sexistes et cas de harcèlement sexuel sont enfin placés sous le feu des projecteurs. La vague de soutien est massive. En janvier 2018, lors de la cérémonie des Golden Globes, un événement très populaire aux États-Unis, les actrices hollywoodiennes se mobilisent. Elles décident de venir habillées en noir sur le tapis rouge pour montrer leur solidarité envers les victimes.
La suite de l’affaire Harvey Weinstein
En 2020, Harvey Weinstein est condamné à 20 ans de prison par la justice de New York pour des agressions sexuelles. Cependant, le 25 avril 2024, cette condamnation est annulée par la cour d’appel. Cette décision, qui laisse un goût de déception, rappelle les obstacles structurels à la reconnaissance des violences sexuelles dans les systèmes judiciaires. Un nouveau procès est prévu en 2025, mais malgré les accusations de plus de 100 femmes contre Weinstein, seule une minorité de ces cas sera entendue en justice.
Cette situation illustre une réalité alarmante : les condamnations pour viol restent rares. Pourquoi toutes les accusations ne donnent-elles pas lieu à un procès ? Une grande partie du problème réside dans la difficulté de prouver des agressions, souvent réduites à une bataille de « parole contre parole ». La justice exige des preuves tangibles, tandis que la culture du viol persiste, alimentant des soupçons sur les motivations des femmes, accusées de mentir ou de chercher à obtenir de l’argent. Pourtant, pour beaucoup de survivantes, porter plainte signifie risquer leur réputation, leur vie privée, et subir des attaques personnelles.
Le système judiciaire américain offre néanmoins quelques évolutions notables. À New York, une fenêtre d’un an a été ouverte pour permettre aux victimes de faits prescrits de témoigner, ce qui a permis d’avancer dans l’affaire Harvey Weinstein. En Californie, un dispositif appelé Jane Doe (permettant de porter plainte anonymement) a été utilisé, offrant aux victimes une certaine protection face aux pressions médiatiques.
L’affaire Harvey Weinstein met également en lumière une autre problématique : les stratégies de défense des agresseurs. Weinstein et ses avocats ont exercé d’énormes pressions sur les plaignantes, utilisant espionnage, intimidations pour les réduire au silence.
Harvey Weinstein instaurait une fausse intimité avec les actrices, jouant sur leur confiance et leurs ambitions professionnelles, avant de basculer dans la violence. Pourtant, les victimes ont souvent été accusées d’avoir « accepté » ses invitations, comme si la faute leur incombait. Des figures comme Asia Argento ont été attaquées pour leurs habitudes de vie, tandis que d’autres, comme la réalisatrice et First Lady de Californie Jennifer Siebel Newsom, ont été humiliées pour avoir gardé un contact professionnel avec Weinstein.
Que représente l’affaire Harvey Weinstein ?
L’affaire Harvey Weinstein, ce sont des mois, voire des années de travail journalistique qui ont conduit à la chute de l’immense producteur américain, accusé d’être l’un des plus grands prédateurs sexuels d’Hollywood.
L’affaire Harvey Weinstein c’est l’histoire de la naissance d’un élan mondial #MeToo qui a permis à des femmes, longtemps réduites au silence ou peu écoutées, de reprendre la parole et de se faire entendre.
L’affaire Harvey Weinstein, c’est aussi l’histoire d’un hashtag repris par les plus grandes stars de la planète, mais également par des femmes et des hommes anonymes, unissant des voix à travers le monde.
Depuis, le mouvement #MeToo s’est diversifié pour aborder des problématiques spécifiques : #MeTooPolitique, #MeTooInceste, #MeTooGay ou encore #BalanceTonYoutubeur, qui a suscité de nombreuses réactions.