Notre matrimoine funéraire est souvent méconnu et en voie de disparition.
Le temps d’un week-end, chaque mois de mai, l’objectif du Printemps des Cimetières est de redonner vie à ce patrimoine, de le rendre visible et de le faire (re)découvrir à tous et toutes.
Cette année en 2025, le cimetière des Batignolles (dont l’entrée est située au 8, rue Saint-Just 75017) est mis à l’honneur à travers une présentation animée par Alexandrine Espinasse auquel j’ai personnellement assisté.
Source de l’article présent dans la section culture féministe : Visite guidée avec l’association Les Aliennes dans le cadre du printemps des Cimetières.
Histoire du cimetière des Batignolles
Avant le XIXᵉ siècle, on enterrait les morts au sein des institutions religieuses, dans les cimetières paroissiaux situés autour des églises. À Paris, l’un des plus célèbres était le cimetière des Innocents, installé à Châtelet-les-Halles. La fontaine des Innocents, aujourd’hui visible au musée Carnavalet, témoigne encore de cette époque.
Avec les progrès de la pensée des Lumières et les préoccupations d’hygiène publique, la municipalité décide d’exhumer les corps et de les transférer dans les catacombes de Denfert-Rochereau. C’est dans ce contexte que seront créés plusieurs nouveaux cimetières parisiens.
Dès le début du XIXᵉ siècle, la Ville de Paris met en place une véritable administration funéraire, avec des règles, des horaires et un cadre légal précis. La concession funéraire devient alors un principe : il s’agit de la location d’un emplacement pour une durée déterminée — 15, 30, 50 ou à perpétuité.
Les caveaux en béton et les sépultures en pleine terre apparaissent. Mais les concessions perpétuelles posent un nouveau problème : les familles s’éteignent ou déménagent, laissant derrière elles des tombes à l’abandon, où certaines sont aujourd’hui dans un état préoccupant.
Le premier grand cimetière moderne est le Père-Lachaise, inauguré en 1805. Puis viennent Montparnasse (1824, 19 hectares), Montmartre (1825, 11 hectares), et enfin le cimetière des Batignolles, ouvert le 22 août 1833 pour abriter les habitants de la commune Batignolles-Monceaux. Il devient rapidement le troisième plus grand de Paris avec ses 11 hectares. Il est agrandi en 1847 par l’Ordonnance royale et annexé en même temps que La Commune de Paris, le 1er janvier 1860.
À l’époque, ces terrains se situaient à l’extérieur de la ville. Le cimetière des Batignolles, en particulier, se trouvait en pleine campagne avant que le quartier ne se développe, notamment avec la construction du périphérique (achevée en 1973) et l’arrivée du tribunal de Paris (2020).
Alexandrine Espinasse a réalisé un travail de recherche fondé sur les plans d’origine du cimetière des Batignolles, afin de mettre en lumière les personnalités féminines qui y reposent. Son objectif : encourager chacun et chacune à découvrir ces parcours de femmes souvent oubliées et à leur redonner la place qu’elles méritent dans la mémoire collective.
La Ville de Paris s’inscrit d’ailleurs dans cette dynamique, avec un plan d’action dédié à la valorisation des femmes dans la culture, disponible en ligne. Le cimetière des Batignolles devient ainsi un lieu de transmission, de mémoire et d’égalité, où l’histoire des femmes reprend enfin sa juste place.
Jane Margyl, une voix oubliée du cimetière des Batignolles
DIVISION 1 – RANG 1 – TOMBE 22 (CIRCULAIRE)
- Jeanne Clémence Floriet
- 17 juillet 1874 (Paris) – 12 août 1907 (Deauville)
- Mezzo-Soprano
- Engagée à l’Opéra de Paris le 22 décembre 1904.
- Sa tombe : 1 bloc en marbre sculpté par F.Dicard. Il représente la Musique pleurant la disparition de Jane (sa soeur a posé pour le sculpteur)
Avant d’évoquer Jane Margyl, il est utile de rappeler combien les femmes restent encore peu présentes dans les grands lieux de mémoire. Prenons le Panthéon : ce lieu emblématique abrite aujourd’hui 82 personnalités françaises, mais seules 7 femmes y reposent. Parmi elles, Simone Veil, Marie Curie, Sophie Berthelot, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Joséphine Baker, et Mélinée Manouchian.
Il a fallu attendre 1908 pour qu’une femme, Sophie Berthelot, y entre — en qualité d’épouse de Marcelin Berthelot. Puis Marie Curie dans les années 1980, Simone Veil en 2018, Joséphine Baker en 2021 et, plus récemment, Mélinée Manouchian en 2024.
7 sur 82 : le chiffre dit tout. Les femmes illustres restent encore minoritaires dans les lieux de reconnaissance nationale.
Au cimetière des Batignolles, une autre femme mérite qu’on se souvienne d’elle : Jane Margyl, de son vrai nom Jeanne Clémence. Mezzo-soprano française, elle mène une carrière fulgurante mais trop courte. Morte à seulement 33 ans d’une crise d’appendicite, Jane Margyl avait été engagée à l’Opéra de Paris, où elle se distingue dans plusieurs rôles majeurs. Elle rejoint ensuite les Folies Bergère, avant de quitter la scène, refusant d’être réduite à son seul physique.
Très photographiée, largement commentée par la presse de l’époque, elle a marqué son temps par son talent et sa détermination. Lors de son enterrement au cimetière des Batignolles, son cercueil hermétique renfermait aussi toutes ses partitions, selon sa volonté : un geste fort, symbole d’une vie entièrement dédiée à l’art.
Le monument funéraire de Jane Margyl est l’un des plus remarquables du cimetière des Batignolles. Avec le temps, il s’est toutefois dégradé. Sur la pierre, on distingue à peine son nom de scène, « Jane Margyl » — et non son nom marital. Une restauration serait nécessaire pour préserver ce témoignage matrimoniale.
Des collectifs, comme Mère Lachaise, militent pour la sauvegarde et la valorisation des sépultures féminines remarquables à Paris. Ces passionné·es, souvent surnommé·es « les taffophile·s », arpentent les cimetières pour documenter, raconter et protéger ces mémoires oubliées.
Hélène Rochas, pionnière du luxe et femme d’affaires au cimetière des Batignolles
DIVISION 8 – RANG 1 – TOME 12 (NORD)
- Nelly BRIGNOLE
- 24 mars 1921 (Somme) – 6 août 2011 (Paris)
- Cheffe d’entreprise, personnalité mondaine, collectionneuse d’art et mécène
- Maison de parfums Rochas
- César a reproduit son sein en 1967
- Andy Warhol a fait son portrait en 1975
Si le nom de Marcel Rochas évoque immédiatement la célèbre Eau de Rochas, celui d’Hélène Rochas mérite tout autant d’être retenu. Son nom, gravé discrètement sur le monument familial du cimetière des Batignolles, renvoie à une femme d’exception, à la fois cheffe d’entreprise visionnaire, mécène, et icône du luxe français.
Le monument funéraire est à son image : riche et raffiné, orné de détails en bronze, de marbre nacré aux reflets bleutés et d’incrustations argentées. Une œuvre d’art à part entière.
De son vrai nom Nelly Brignol, Hélène Rochas rêvait jeune de devenir danseuse ou comédienne après des études à l’Opéra de Paris. Mais son physique de mannequin la conduit à travailler pour Hermès, où elle attire l’attention de Marcel Rochas. Il lui aurait dit un jour : « Vous avez une tête à chapeau ». Leur rencontre marque le début d’une histoire d’amour et d’une alliance artistique. Le couple se marie en 1942, et Marcel crée pour elle un parfum emblématique : « Femme », en son honneur.
Après la mort de son mari en 1955, Hélène Rochas reprend la direction de la maison, alors qu’elle n’a que 34 ans. Première femme PDG en France, elle développe avec audace la ligne de parfums, faisant du nom Rochas une référence mondiale. Sous son impulsion naissent les succès intemporels que sont Madame Rochas, Eau de Rochas, ou encore Audace, qui perdurent encore aujourd’hui.
Dans les années 1970, Hélène Rochas revend l’entreprise mais reste membre du conseil d’administration. Elle consacre ensuite sa vie à l’art et au mécénat. Icône mondaine, elle tisse des liens étroits avec les plus grands artistes : César immortalise son sein dans une sculpture, tandis qu’Andy Warhol réalise son portrait.
Jusqu’à sa mort en 2011, des suites d’un cancer du sang rare et incurable, elle incarne l’élégance et l’indépendance. Sa collection d’art, vendue par la maison Christie’s en 2012, atteint plus de 15,4 millions d’euros — une dernière preuve de son influence dans le monde du luxe et de la création.
Aujourd’hui encore, les femmes restent minoritaires à la tête d’entreprises : elles représentent environ 25 % des dirigeantes, souvent dans des micro-entreprises, seulement 14 % dans les structures de plus de dix salariés, et à peine 2 % dans les grandes entreprises françaises.
Le parcours d’Hélène Rochas rappelle combien il est essentiel de rendre visibles ces femmes pionnières qui ont façonné la culture et l’économie françaises.
Lucienne Bréval, l’éclat oublié d’une diva du cimetière des Batignolles
DIVISION 25 – RANG 4 – TOME 12 (PRINCIPALE)
- 21 novembre 1869 (Berlin) – 15 août 1935 (Neuilly-sur-Seine)
- Soprano dramatique franco-suisse
- Voix puissante et expressive, carrière internationale de plus de 30 ans
- Chevalier de la Légion d’honneur
- Statue d’Athéna pensive sur sa tombe, symbole de sagesse et de puissance féminine
Au détour d’une allée du cimetière des Batignolles, on découvre la tombe de Lucienne Bréval, l’une des grandes sopranos dramatiques du début du XXᵉ siècle. Comme beaucoup de musiciennes et chanteuses inhumées ici, elle incarne à la fois la gloire artistique et l’invisibilisation posthume des femmes dans l’histoire de la musique.
Il suffit d’observer les monuments alentour : le nom de l’homme y figure toujours, suivi d’une mention discrète – « sa veuve », « sa fille »… Rarement l’inverse. Ce simple détail en dit long sur la place laissée aux femmes dans la mémoire collective. Lucienne Bréval, elle, repose seule dans sa tombe, symbole d’une carrière immense mais trop peu racontée.
Née à Berlin de parents suisses, Lucienne Bréval s’installe en France où elle mène une carrière exceptionnelle. Formée au piano et au chant, elle remporte un Premier prix avant d’être engagée à l’Opéra de Paris, haut lieu de la création lyrique de son temps.
Sa voix puissante, son expressivité et sa présence scénique impressionnent. Elle connaît une carrière internationale de plus de trente ans, ponctuée de tournées prestigieuses, tout en enseignant le chant à la nouvelle génération d’artistes. Les photographes et illustrateurs de l’époque l’ont beaucoup représentée, si bien qu’il existe aujourd’hui un riche fonds iconographique consacré à son œuvre.
Lucienne Bréval est chevalier de la Légion d’honneur, reconnaissance rare pour une artiste à cette époque. Elle restera célèbre pour son intensité scénique.
On ne s’étonne pas que Gabriel Fauré l’ait choisie pour sa Pénélope, quand on lit les lignes qu’il écrivait sur elle dès 1908 : « Avec Lucienne Bréval, nous avons eu toujours cette impression, la plus belle assurément, de la dévotion et du respect pour les Maîtres qu’elle interprétait. Sobre dans les moyens qu’elle emploie, elle sait dominer tout ce que la nature a mis en elle de puissance et d’autorité. Elle apporte à l’étude de ses rôles le soin le plus réfléchi : elle les médite, les approfondit. Mais combien de fois n’a-t-elle pas trouvé soudain, devant le public, elle, l’inspirée entre toutes, des effets, des accents, des attitudes qui sont autant de coups de génie ? »
Sur sa tombe du cimetière des Batignolles, on peut observer une statue d’Athéna pensive, figure fréquente de l’art funéraire. Elle évoque à la fois la sagesse antique et la puissance féminine, un clin d’œil à la carrière de Lucienne Bréval à l’Opéra de Paris, où elle fit rayonner la culture classique sur la scène moderne.
Marguerite Deval, 61 ans de scène et une étoile du théâtre au cimetière des Batignolles
DIVISION 25 – RANG 4 – TOMBE 6 (PRINCIPALE)
- 27 février 1866 (Reims) – 24 décembre 1955 (Paris)
- Comédienne, chanteuse d’opérette et directrice de théâtre
- Actrice de cinéma, connue pour ses rôles de femmes âgées au fort tempérament
- Monument sobre et élégant au cimetière des Batignolles
Parmi les figures marquantes du cimetière des Batignolles, Marguerite Deval incarne à merveille la longévité, le talent et l’audace féminine dans le monde du spectacle. Comédienne, chanteuse d’opérette, puis directrice de théâtre, elle fut l’une des artistes les plus influentes de la scène parisienne du tournant du XXe siècle.
Née à la fin du XIXe siècle, Marguerite Deval débute sa carrière vers 1885, à Paris. Elle se fait rapidement remarquer sur les planches grâce à son sens du rythme, sa diction et son humour piquant. Véritable star des opérettes et des comédies musicales, elle traverse les époques avec une énergie inépuisable, cumulant plus de 61 ans sur scène — un record à son époque.
Parmi ses succès, on retient notamment la chanson « Quand je suis paf ! », une fantaisie drôle et impertinente des années 1930, qui témoigne de son esprit libre et populaire. Femme de scène accomplie, Marguerite Deval mène aussi une carrière au cinéma, où elle incarne souvent des personnages de femmes âgées au tempérament fort, preuve que son charisme ne s’est jamais émoussé.
En parallèle de sa carrière artistique, Marguerite Deval prend la direction du Théâtre des Mathurins, qu’elle dirige jusqu’aux années 1960. Dans un univers culturel largement masculin, elle impose sa vision et son exigence, soutenant la création contemporaine et les jeunes talents. Son parcours rappelle combien les femmes ont dû s’imposer pour obtenir une place de décision dans les arts.
Son monument funéraire au cimetière des Batignolles témoigne de cette stature singulière : sobre mais empreint d’élégance, il symbolise l’endurance et la créativité d’une femme qui a vécu pour la scène.
À travers Marguerite Deval, on peut interroger la place des femmes dans le monde artistique. Dans le cinéma, par exemple, sur 72 Palmes d’or décernées depuis la création du prix en 1950, seules 3 réalisatrices ont été récompensées :
- Jane Campion (La Leçon de piano, 1993),
- Julia Ducournau (Titane, 2021),
- Justine Triet (Anatomie d’une chute, 2023).
Une inégalité criante qui fait écho à celle que Marguerite Deval a su, à son époque, dépasser par le talent et la ténacité. En redécouvrant sa tombe, c’est tout un matrimoine culturel qu’on remet en lumière — celui de femmes de théâtre, de musique et de cinéma, longtemps restées dans l’ombre mais essentielles à notre histoire artistique.
Nane Fournier, sculptrice oubliée du cimetière des Batignolles
DIVISION 2
- 1911-1936
- Sculptrice
- Sa tombe : une superbe chapelle Art déco signée en 1937 par l’architecte Théodose Jean Sardnal.
- Les passant-e-s pensent que c’est un homme car il y est inscrit “sculpteur”
Parmi les sépultures méconnues du cimetière des Batignolles, celle de Nane Fournier attire l’attention. Non seulement par la beauté de son monument, mais aussi par la rareté de sa trajectoire : celle d’une sculptrice fauchée en pleine jeunesse, à seulement 24 ans.
Son prénom, Nane, évoque la douceur, mais son œuvre témoigne d’une force rare. À travers elle, c’est toute une réflexion sur la féminisation des noms de métiers qui resurgit au cimetière des Batignolles.
Au Moyen Âge, les femmes exerçaient pourtant toutes sortes de professions : on parlait alors d’artisane, de mairesse, de bailleresse, de médecine. Les archives des chantiers de Notre-Dame en témoignent. Mais à partir du XVIIe siècle, avec la création de l’Académie française, la langue s’est figée au masculin. Une masculinisation progressive, renforcée au XIXe siècle, a effacé la trace linguistique des femmes dans le travail et dans la mémoire collective.
Nane Fournier avait un atelier où elle réalisait ses œuvres, dont certaines photographies sont aujourd’hui visibles sur le site du Centre Pompidou. Son monument funéraire, situé au cimetière des Batignolles, a été conçu par un ami architecte, Théodose Jean Sardnal comme une chapelle miniature. Sa tombe se distingue par la signature du sculpteur, élément rare et précieux, et par la présence de deux médaillons photographiques représentant Nane, au visage lumineux et d’une beauté saisissante.
Chaque détail – la pierre, la lumière, la courbe des formes – raconte la promesse d’une artiste interrompue trop tôt, mais dont le talent affleure encore, cent ans plus tard.
Toyen, la surréaliste insoumise du cimetière des Batignolles
DIVISION 2 – RANG 2 – TOMBE 31 (CENTRALE)
- Marie CERMINOVA
- 21 septembre 1902 (Prague) – 9 novembre 1980 (Paris)
- Artiste peintre
- Artificialisme et surréalisme
- Très liée à A.Breton et P.Eluard
- Son nom d’artiste vient de citoyen
Parmi les tombes les plus mystérieuses du cimetière des Batignolles, celle de Toyen intrigue. Rien n’y indique son identité complète : aucun prénom, aucune date, simplement ce nom d’artiste gravé, « TOYEN« , comme une déclaration d’indépendance. Sa sépulture, aujourd’hui en mauvais état, reste un lieu de recueillement pour celles et ceux qui admirent cette figure majeure du surréalisme, trop longtemps oubliée.
Toyen, de son vrai nom Marie Čermínová, est née à Prague en 1902. À seulement 17 ans, elle quitte sa famille et rompt avec les conventions sociales comme avec l’enseignement académique des Beaux-Arts. Elle fonde, avec son ami Jindřich Štyrský, un groupe anarchiste dès les années 1920, revendiquant une totale liberté artistique et personnelle. Ensemble, ils créent un mouvement où la peinture devient un acte de résistance.
C’est en 1923 qu’elle adopte le pseudonyme Toyen, contraction du mot citoyen en français et du pronom tchèque neutre to, signifiant « c’est lui ». Un nom sans genre, symbole de sa non-binarité avant l’heure et de sa volonté de se soustraire à toute assignation.
Dans son œuvre, la fluidité de genre, la liberté sexuelle et la révolte contre le totalitarisme sont des thèmes constants.
Entre 1924 et 1929, Toyen et Štyrský voyagent à travers l’Europe, explorant un art à la fois sensuel, onirique et subversif. À Paris, elle rejoint le groupe surréaliste, lié à André Breton, dont elle deviendra proche — sans jamais céder à son influence.
Elle illustre les œuvres du marquis de Sade, collabore à des revues érotiques comme Erotika Revue, et choque son époque : une femme qui peint le désir, la nudité et la transgression, dans un monde où ces thèmes sont réservés aux hommes.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque toute expression artistique est interdite à Prague, elle cache chez elle un ami poète juif pour lui sauver la vie.
À la mort de Štyrský, Toyen quitte Prague et finit sa vie à Paris, où elle repose aujourd’hui au cimetière des Batignolles.
Toyen refusait toutes les cases : celles du genre, de la morale, du réalisme, de la soumission. Elle déclarait un jour : « Dans la salle obscure de la vie, je regarde l’écran de mon cerveau. Je m’aperçois que ma page blanche est devenue verte ». Cette phrase, énigmatique et poétique, résume toute son œuvre — un mélange de rêve, de résistance et d’émancipation.
Sa tombe au cimetière des Batignolles, bien que délabré, continue d’attirer des admirateurs et des artistes venus lui rendre hommage. Comme elle, ils refusent l’ordre établi et célèbrent la liberté, jusque dans la mort.
Hélène Dutrieu, la flèche humaine du cimetière des Batignolles
DIVISION 2 – RANG 1 – TOMBE 45 (centrale)
- 10 juillet 1877 (Tournai) – 26 juin 1961 (Paris)
- Cycliste, motocycliste, coureuse automobile et aviatrice
- Journaliste après la guerre
- Première femme à obtenir le brevet de pilote, à emmener à bord un passager, à tester l’hydravion, etc.
- Records de durée de vol et grand nombre de récompenses
Avant même d’aborder son histoire, un rappel important : au cimetière des Batignolles, comme dans tous les cimetières parisiens, chaque monument funéraire relève d’une concession privée. Même s’il appartient à un matrimoine collectif, il est interdit d’intervenir sur une tombe sans l’accord des ayants droit. La restauration d’une sépulture, comme celle d’Hélène Dutrieu, nécessite donc des procédures administratives complexes — un frein à la préservation de nombreuses tombes remarquables.
Et pourtant, si une tombe mériterait d’être mise en valeur, c’est bien la sienne.
Née en 1877 en Belgique, Hélène Dutrieu a eu un destin absolument hors norme. À 14 ans, elle quitte l’école avec une idée claire : gagner sa vie par elle-même. Inspirée par son frère, coureur cycliste professionnel, elle se lance à son tour dans la compétition. Très vite, son talent éclate : elle devient championne cycliste, remportant la première course féminine de l’histoire. On la surnomme alors « la flèche humaine » pour sa vitesse fulgurante et son audace.
Mais Hélène ne s’arrête pas là. Elle se produit ensuite dans des numéros acrobatiques à vélo et à moto, en duo avec son frère, dans un cirque itinérant. Cette énergie, cette recherche de liberté, marqueront toute sa vie.
Un jour, Hélène suit un cours d’aviation et a une véritable révélation. En 1910, elle devient la première femme belge à obtenir son brevet de pilote. Elle vole pour l’industriel Clément-Bayard, devenant l’une des premières pilotes d’essai de l’histoire. En 1912, elle remporte la Coupe du Roi à Florence, en battant ses concurrents masculins. Son record de durée de vol reste célèbre : par erreur, elle a volé bien plus longtemps que prévu… parce qu’elle n’arrivait plus à se poser !
Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes ne sont pas autorisées à piloter. Hélène refuse pourtant de rester inactive et s’engage comme ambulancière, prouvant une nouvelle fois sa détermination.
Après la guerre, Hélène Dutrieu devient journaliste. Elle épouse Pierre Mortier, mais celui-ci décède prématurément. Fidèle à son esprit pionnier, elle décide alors de créer le Prix féminin franco-belge Hélène Dutrieu-Mortier, récompensant la femme aviatrice ayant accompli le plus long vol sans escale.
Sur sa tombe, on peut voir plusieurs médailles gravées, rappelant son parcours de sportive, d’aviatrice et d’humaniste. Un dossier d’archives conservé dans le caveau contient des documents retraçant son incroyable parcours — un trésor de mémoire à préserver.
L’histoire d’Hélène Dutrieu pose une question toujours d’actualité : quelle place pour les femmes dans les médias sportifs ?
Aujourd’hui encore, le sport féminin ne représente que 10 à 15 % du temps d’antenne, souvent concentré sur la gymnastique, la natation ou le tennis. Un chiffre qui reste dérisoire, même si les Jeux olympiques apportent ponctuellement un souffle de visibilité.
Redécouvrir Hélène Dutrieu au cimetière des Batignolles, c’est donc plus qu’un hommage historique : c’est un acte de mémoire féministe, pour rappeler que les femmes ont toujours su franchir les frontières, sur terre comme dans les airs.
Geneviève Tabouis, la voix prophétique du cimetière des Batignolles
DIVISION 27 – RANG 1 – TOMBE 1 (PLANTATIONS)
- Geneviève Eugénie Marie-Laure LE QUESNÉ
- 23 février 1892 (Paris) – 22 septembre 1985 (Paris)
- Première femme journaliste à la notoriété internationale
- Opposée au Nazisme qu’elle dénonce, elle s’exile pendant la Seconde Guerre mondiale
- Chroniqueuse dans “Les Dernières nouvelles de demain” (1949-1967) à Radio Luxembourg (anciennement RTL)
Au détour d’une allée du cimetière des Batignolles, une tombe discrète abrite l’une des plus grandes figures du journalisme français : Geneviève Tabouis. Première femme éditorialiste politique de son époque, elle fut une pionnière de l’information internationale et une observatrice redoutée des grands bouleversements du XXᵉ siècle.
Née à la fin du XIXᵉ siècle dans une famille bourgeoise, Geneviève Tabouis suit des études de lettres et d’archéologie. Passionnée par l’Antiquité, elle publie plusieurs ouvrages sur l’Égypte ancienne avant de se tourner vers l’actualité contemporaine.
En 1919, elle rejoint son oncle, Jules Cambon, ambassadeur et acteur clé de la diplomatie française, comme secrétaire. Elle assiste de près aux discussions du traité de Versailles, découvrant les coulisses du pouvoir international. Cette expérience la façonne : désormais, elle sera là où se jouent les décisions du monde.
Dès 1922, Geneviève Tabouis devient correspondante internationale, puis, en 1933, elle se lance dans la presse écrite. Informée avant tout le monde, elle annonce avec une étonnante clairvoyance les événements majeurs de son époque :
- la réoccupation allemande de la Rhénanie,
- les plans d’Hitler en Espagne,
- et les tensions prémonitoires menant à la Seconde Guerre mondiale.
Son audace et son ton tranchant lui valent l’attention des puissants. Hitler la surnomme même « le parasite de mon cerveau », une insulte qu’elle transforme en médaille d’honneur journalistique.
Le 14 juin 1940, Geneviève Tabouis doit fuir la France occupée. Elle passe par le Royaume-Uni, puis s’exile aux États-Unis, où elle devient amie avec Eleanor Roosevelt, Première Dame des États-Unis.
De retour en France après la guerre, elle reprend sa carrière à la radio, sur la RTF, puis sur RTL, où elle anime son célèbre programme « Les dernières nouvelles de demain » entre les années 1950 et 1970. Sa voix, reconnaissable entre mille, mêlait fermeté et élégance, annonçant chaque chronique d’un vibrant « Attendez-vous à savoir ! ». Entre 1967 et 1981, elle poursuit son travail d’analyse dans L’Inédit du dimanche, toujours fidèle à sa rigueur et à son ton visionnaire.
Sur sa tombe au cimetière des Batignolles, reposent la mémoire et la dignité d’une femme qui a su se faire entendre dans un monde d’hommes. En 2002, les femmes représentaient à peine 38 % des voix présentes à la radio et à la télévision. Si elles apparaissent plus à l’écran qu’elles ne parlent à l’antenne — 20 % comme présentatrices, 49 % dans les actualités, 47 % dans les magazines ou les jeux — elles restent encore minoritaires dans le journalisme d’opinion.
Redécouvrir Geneviève Tabouis, c’est redonner place à une femme dont la parole a compté, dont la voix a traversé les ondes et dont la lucidité résonne encore comme un écho intemporel.
Elisa Breton, la gardienne du rêve surréaliste au cimetière des Batignolles
DIVISION 31, RANG 12, TOMBE 18 (JARDINS)
- Elisa BINDHOFF
- 25 avril 1906 (Chili) – 4 avril 2000 (Kremlin-Bicêtre)
- Plasticienne et écrivaine chilienne
- Compagne d’André Breton
- Mouvement surréaliste (boîtes surréalistes)
- Sa tombe : un octaèdre étoilé, représentation symbolique de la pierre philosophale
La tombe d’Elisa Breton, au cimetière des Batignolles, attire le regard par son originalité. Sobre mais symbolique, elle porte une inscription énigmatique : « Je cherche l’or du temps. »
Une phrase extraite d’André Breton, son compagnon et poète du surréalisme, mais aussi un hommage à celle qui fut bien plus qu’une muse : une créatrice à part entière, une pianiste, plasticienne et photographe qui a profondément marqué le mouvement.
De son vrai nom Elisa Bindoff Enet, elle est née au Chili. Très jeune, cette femme cultivée et polyglotte épouse un homme politique radical, avec lequel elle aura une fille. Mais le destin frappe tragiquement : leur enfant meurt noyée à l’âge de dix ans. Brisée, Elisa divorce et quitte tout.
C’est dans un restaurant français, au détour d’une rencontre avec une amie, qu’elle croise André Breton. De cette rencontre naît une complicité immédiate, intellectuelle et amoureuse. Elisa deviendra sa troisième compagne, sa partenaire d’exploration poétique et spirituelle.
En 1945, le couple se marie au Nevada avant de revenir vivre en France. À cette époque, Elisa Breton ne se contente pas d’être la femme du poète : elle documente le mouvement surréaliste à travers son objectif. Photographe attentive, elle capture la vie des ateliers, les œuvres en cours, les visages des artistes — des clichés devenus aujourd’hui des archives précieuses pour comprendre cette époque bouillonnante.
Mais Elisa est aussi plasticienne. Ses boîtes surréalistes, faites de papier, de collages et d’objets insolites, témoignent d’un univers intime, sensible et poétique. Ce travail, longtemps resté dans l’ombre, est aujourd’hui redécouvert en ligne et dans les musées, où il révèle la puissance d’une femme artiste restée trop longtemps reléguée au second plan.
La tombe d’Elisa Breton au cimetière des Batignolles se distingue par sa symbolique : la pierre philosophale, métaphore de la transformation, y évoque la quête d’absolu qui animait le couple. Mais elle rappelle aussi combien les femmes du surréalisme ont été essentielles à la construction de ce mouvement artistique majeur.
Aujourd’hui encore, cette invisibilisation perdure. Parmi les acquisitions des FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain), seulement 30 % concernent des femmes artistes. Un chiffre qui montre à quel point le travail de mémoire, amorcé par Elisa Breton elle-même, reste d’actualité.
Vassilia de Vendeuvre, l’ange des airs du cimetière des Batignolles
DIVISION 24 – RANG 3 – TOMBE 20 (PRINCIPALE)
- Vasilia Lilia DE GALLAND
- 5 mars 1987 (Algérie) – 1980 (Paris)
- 45 ans de bénévolat à la Croix-Rouge
- Fondatrice en 1934 des IPSA – Infirmières Pilotes Secouristes de l’Air
- Missions de sauvetage, rapatriement de blessés…
- Création de la 1ère équipe d’infirmières parachutistes
Au cimetière des Batignolles, la tombe de Vassilia de Vendeuvre ne porte aucun nom. C’est le personnel de la conserverie du cimetière qui a permis d’identifier cette sépulture anonyme, rendant ainsi à cette femme hors du commun une part de la mémoire qu’elle méritait.
Née en Algérie, fille d’universitaires, Vassilia de Vendeuvre s’installe en France pour poursuivre ses études. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, elle s’engage immédiatement à la Croix-Rouge. Son engagement pendant la guerre, courageux et discret, marque le début d’une vie consacrée aux autres.
De retour à Paris en 1923, elle devient professeure, mais son combat ne s’arrête pas aux salles de classe : elle rejoint l’Union des femmes françaises, un collectif militant pour le droit de vote des femmes et leur égalité dans les institutions civiles et militaires.
Avec deux autres femmes — infirmières, pilotes et secouristes —, Vassilia de Vendeuvre fonde une unité inédite : le Service des infirmières pilotes secouristes de l’air. À une époque où les femmes ne sont pas intégrées à l’armée, elle ouvre la voie à leur participation active aux opérations aériennes de sauvetage.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage à nouveau. À bord d’avions légers, elle participe à des missions de secours et de rapatriement, allant chercher les blessés directement sur le front. Elle crée la première fonction d’infirmière parachutiste, une avancée historique pour la médecine militaire et pour la place des femmes dans les opérations de guerre.
Vassilia de Vendeuvre poursuit son engagement durant la guerre d’Indochine, effectuant des missions périlleuses pour rapatrier les blessés en France. Décorée de nombreuses distinctions – Légion d’honneur, Croix de guerre, et plusieurs médailles militaires – elle finit pourtant par sombrer dans l’oubli.
Son absence de nom sur la tombe du cimetière des Batignolles illustre tragiquement cette invisibilisation. Le conservateur du lieu raconte qu’une cérémonie d’hommage avait été organisée il y a quelques années par des membres de l’aéronautique française, mais sans plaque ni mention durable.
Aujourd’hui, grâce aux recherches menées sur le cimetière des Batignolles, son nom refait surface — celui d’une femme qui a volé, secouru, enseigné et résisté. Une figure pionnière du féminisme en actes, dont le courage plane encore entre les arbres du cimetière, comme une présence bienveillante.
Marguerite Durand, la lionne du féminisme au cimetière des Batignolles
DIVISION 10 – RANG 22 – TOME 14 (PRINCIPALE)
- 24 janvier 1864 (Paris) – 16 mars 1936 (Paris)
- Actrice de la Comédie Française, puis journaliste
- 1897 : elle fonde le journal “La Fronde”
- Militante féministe (droit de vote des femmes notamment)
- Elle avait une lionne dénommée “Tigre”
- Elle a légué toute sa documentation féministe à la Ville de Paris : Bibliothèque Marguerite Durand (13e arrondissement)
Au cimetière des Batignolles, la tombe de Marguerite Durand rend hommage à une femme hors du commun — comédienne, journaliste, militante féministe et défenseuse des animaux. Figure flamboyante de la Belle Époque, elle a marqué son siècle par son audace et son intelligence, et continue d’inspirer toutes celles et ceux qui militent pour l’égalité et la justice.
Née dans une famille bourgeoise, Marguerite Durand se lance dans une carrière de comédienne de théâtre. Elle épouse un journaliste, puis se tourne elle-même vers la presse et devient reporter pour Le Figaro. C’est en couvrant un congrès féministe, à la demande de sa rédaction, qu’elle a un véritable déclic : envoyée pour s’en moquer, elle en ressort profondément bouleversée et convaincue. Marguerite quitte Le Figaro et fonde en 1897 La Fronde, le premier journal entièrement créé, écrit et dirigé par des femmes.
Pendant six ans, La Fronde révolutionne la presse française. Contrairement aux rubriques féminines de l’époque — centrées sur la mode, la cuisine ou les mondanités — le journal traite de politique, de droit, d’économie et de société. Les journalistes y défendent le droit de vote des femmes, leur accès aux professions et leur autonomie financière. Certaines se présentent même symboliquement aux élections municipales, à une époque où les femmes n’ont pas encore le droit de voter.
Parallèlement, Marguerite Durand collecte livres, tracts, affiches, objets et correspondances liés au combat féministe. À sa mort, elle lègue cet ensemble à la Ville de Paris : c’est la naissance de la Bibliothèque Marguerite-Durand, aujourd’hui située dans le 13ᵉ arrondissement, un lieu unique où chercheurs et curieux peuvent consulter gratuitement ces trésors d’archives.
Marguerite Durand était aussi une militante de la cause animale avant l’heure. Elle vivait avec une lionne apprivoisée, nommée Tigre, qui l’accompagnait partout dans Paris, au point d’alimenter d’innombrables caricatures de presse.
En 1899, elle fonde avec Georges Harmois le Cimetière des chiens d’Asnières, le premier cimetière animalier de France et d’Europe. Ce lieu symbolique permet enfin aux animaux de compagnie d’être inhumés dignement — une révolution à une époque où les bêtes mortes étaient simplement jetées dans la Seine.
Le site, toujours ouvert aujourd’hui, accueille des milliers de tombes et reste accessible au public pour quelques euros. Sans Marguerite Durand, ce matrimoine affectif et écologique n’aurait jamais vu le jour.
La tombe de Marguerite Durand au cimetière des Batignolles est celle d’une femme qui a tout osé : s’affirmer dans la presse, revendiquer le droit de vote, défendre les animaux, et construire des institutions durables. Son héritage se lit dans chaque ligne écrite par une femme journaliste, dans chaque combat pour la visibilité des créatrices, et dans chaque cimetière animalier ouvert depuis — plus de quarante en France aujourd’hui.
Marguerite Durand, véritable lionne du féminisme, continue de rugir à travers le temps, depuis son éternelle demeure du cimetière des Batignolles.
Conclusion
L’association Les Aliennes, entièrement bénévole, œuvre à la redécouverte et à la valorisation du matrimoine funéraire à travers des initiatives culturelles et éducatives. Pour seulement 5 € d’adhésion, chacun·e peut soutenir leurs actions et contribuer à la préservation du matrimoine funéraire.
Alexandrine Espinasse anime également le compte Instagram @les_aliennes, où elle partage des anecdotes historiques, portraits de femmes, et réflexions sur notre rapport à la mort et à la mémoire. Son podcast Visites Mortelles prolonge ces explorations sensibles : dans l’un des épisodes, réalisé avec Sophie, elles évoquent notamment la richesse artistique et symbolique des sépultures féminines du cimetière des Batignolles.
Les visites guidées qu’elle propose permettent de redonner vie à des figures oubliées — et de rappeler que ces cimetières ne sont pas des lieux de mort, mais des archives vivantes de la création, de la résistance et de la mémoire des femmes.


2 réponses
Merci Esthel pour ce très bel article qui rend bien compte de ma visite guidée. C’était un plaisir de t’avoir avec nous <3
N’hésitez pas à me contacter par mail si besoin : visitesmortelles@gmail.com
Alexandrine
Avec plaisir Alexandrine ! Et encore merci pour l’invitation héhé (j’étais contente que l’horaire était en fin de matinée comme la veille j’étais au mariage d’une amie haha). J’espère qu’on se recaptera prochainement !